Je suis prêt à subir les foudres de ceux qui ne comprendront jamais qu'il n'y a pas de petits sujets. Rapprocher des événements même de nature très inégale peut être une incomparable source d'enseignement.
Ce seront donc mes quatre leçons sans frontières : d'Erdogan à Lecoeuvre, en passant par l'Algérie et Emmanuel Macron.
Par ordre décroissant de gravité.
Double mépris, en Turquie, de Recep Erdogan à l'égard de l'Europe et de la valeur de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Le président du Conseil européen Charles Michel est installé sur une chaise dorée à côté de lui tandis que Ursula von der Leyen (UVDL), présidente de la Commission européenne, demeure d'abord interdite, avec un "hum" d'attente, avant de devoir aller s'installer quelques mètres plus loin sur un canapé, face au ministre des Affaires étrangères.
Charles Michel avait le choix entre trois attitudes honorables : quitter tout de suite les lieux avec UVDL, exiger une autre chaise dorée ou, au pire, laisser sa place à cette dernière et ostensiblement rejoindre le canapé. Il a opté pour une quatrième, déshonorante. Il n'a pas bougé et a laissé faire.
Le double mépris d'Erdogan a gagné. Scandaleux manque de courage.
Le voyage du Premier ministre Jean Castex en Algérie a été annulé au dernier moment par les autorités algériennes parce qu'elles considéraient que la délégation française était trop chiche.
Grossièreté qui montre que la propension française à la repentance historique à sens unique non seulement est traitée à la légère mais engendre une situation pire qu'avant : notre faiblesse emplie de masochisme délie l'Algérie de toute courtoisie diplomatique. Normal : délétère manque de courage.
Quelques outrances liées au président de la République. On pourrait en rire si elles ne faisaient pas pleurer la démocratie. Un "léchomètre à Macron - Top six des plus beaux fayotages du quinquennat" a permis à Marianne de faire un classement dans ce registre qui n'est pas entravé par notre monarchie républicaine mais au contraire amplifié. On trouve, pour ces éloges défiant toute mesure, Jean-Michel Blanquer, BHL, Christophe Castaner, Frédéric Mitterrand, Bruno Le Maire et Richard Ferrand.
Difficile d'établir une hiérarchie. Il paraît qu'Emmanuel Macron s'est lui-même offusqué du dithyrambe de Blanquer. Pour une fois BHL n'est pas le plus flagorneur. Castaner fait fort mais le vainqueur me semble devoir être Richard Ferrand qui trouve le moyen de célébrer Emmanuel Macron comme une synthèse exemplaire de tous les présidents de la Ve République.
Navrante obséquiosité. Pas assez de courage pour rester dans la dignité et la plausibilité des appréciations.
Ceux qui jugent sur ce blog ou sur Twitter que je dis parfois trop de bien - il m'arrive aussi d'écrire ou de proférer du mal puisque je déteste les hostilités et les adhésions en bloc - du Président se rendront compte que je reste modéré !
Enfin Fabien Lecoeuvre (FL). Un épisode dérisoire mais très révélateur de l'abaissement au quotidien. Ce producteur et chroniqueur très bavard a qualifié une chanteuse que je ne connaissais pas, Hoshi, "d'effrayante" en vantant l'apparence d'autres artistes.
À cette goujaterie il aurait été simple de répliquer, si on déniait le droit et la liberté de FL à une telle expression, par une réaction personnelle du même type, genre "tu t'es regardé !", ou même plus vigoureuse. L'affaire se serait arrêtée là et on n'aurait pas consacré tant de temps à cette péripétie ridicule.
Mais c'était sans compter sur les réseaux sociaux qui ont ajouté une indignation hypertrophiée à ce minuscule incident.
Comme cela est trop habituel, FL s'est excusé, a été suspendu "provisoirement" d'Europe 1 et a fait preuve d'une repentance sur le mode d'un procès stalinien au petit pied. Se couvrant de cendres, il a déclaré que "ses propos sont inadmissibles et indignes de l'amour que je porte à la chanson française". C'est bien pire que l'avoir définie comme "effrayante" : cette contrition lâche et pompeuse est le signe sombre de ce qu'on a fait de l'humain.
Cette absence de tout courage, qui en l'occurrence n'assume pas et se flagelle, est déprimante.
Car le courage est bien la vertu qui manque à ces quatre leçons sans frontières : il faut les apprendre toutes.
@ bob 11/04/21 16:30
"En fait, il n'y a rien à signaler, comme très bien dit ici :"
Tout d'abord, merci de faire vivre le débat en mettant en lien le site de "Descartes" (que je trouve, soit dit en passant, être passablement un étatolâtre forcené). Je le cite:
"Il n'a pas fallu plus pour que l'eurosphère se déchaîne. Certains font de la présidente de la Commission une victime du sexisme, et affirment qu'Erdogan « n'aurait jamais fait cela à un homme ». Ce en quoi ils ont tort : Jean-Claude Juncker a raconté comment, au cours de ses nombreux déplacements du temps où il était président de la Commission, il avait dû céder la préséance à Donald Tusk, alors président du Conseil européen." -- Descartes
Et il cite Juncker:
"Il était clair pour tout le monde, d'un point de vue protocolaire, que le chef du Conseil européen était numéro 1 et le président de la Commission européenne numéro 2. Quand je voyageais avec Donald Tusk ou Herman Van Rompuy, j’ai toujours respecté ce protocole. J'avais normalement une chaise à côté du président du Conseil, mais il arrivait parfois que je sois assis sur un canapé." -- Jean-Claude Juncker cité par "Descartes" et aussi par Libération
En effet. Monsieur avait normalement une chaise. La preuve en images avec Juncker et Tusk en guest stars.
Quoi qu'il en soit, au moment où la Turquie se retire la convention d'Istanbul sur les droits des femmes, c'est quand même, que "Descartes" le nie ou pas, au minimum un énorme faux pas.
"Descartes" n'aime pas l'Europe. Alors il fait feu de tout bois. C'est cela qui rentre davantage dans la case "rien à signaler".
Il omet quand même de "signaler", comme vous le dites si bien, que le rang du ministre turc des Affaires étrangères, alors assis dans le canapé d'en face, est quand même nettement moindre que celui d'Ursula. Petit détail, hein...
"Descartes" ne fait que rationaliser sa détestation de l'Europe. Il serait temps de changer cette manie de pourrir le débat politique en exhibant sa mauvaise foi.
J'attends qu'une bonne âme se dévoue pour m'expliquer qu'en France on peut avorter à 8 mois et demi sur un coup de tête et que la même généreuse âme m'explique qu'on devrait se retirer, comme la Turquie, de la convention d'Istanbul car son article 39, mère de toutes les ignominies, proscrit l'avortement forcé sans consentement. Quelle honte ! Erdogan a bien raison !
Ben oui: récuser la culture du confort et celle de l'individualisme ainsi que cette culture mortifère du "mon corps, mon choix", c'est bien évidemment interdire aux femmes d'avorter quand elles le veulent et simultanément interdire aux femmes qu'elles puissent s'opposer à ce qu'on les avorte en loucedé quand elles ne le veulent pas... L'un ne va pas sans l'autre.
C'est pour leur bien.
Je ne vais pas vous faire l'injure de vous citer davantage "Descartes" pour mettre en évidence noir sur blanc son étatolâtrisme et sa détestation de l'Europe. Qui, je trouve, confine à l'hystérie. Délirant d'ailleurs de A à Z sur la distinction entre administration et politique en comparant Ursula au secrétaire général du gouvernement dans ses commentaires. J'attends ses lumières sur qui fait partie de la sphère politique et qui fait partie de la sphère administrative aux États-Unis pour, comparativement, rigoler un peu. Coupage de cheveux en quatre pusillanime.
Il pense quoi de la "suppression" de l'ENA, "Descartes" ? Je parie qu'il est vent debout contre cela.
Maintenant, je vous confirme bien que l'Europe a des problèmes de fonctionnement clairs et nets, et qu'il est difficile de prétendre construire un État fédéral quand on cafouille ainsi sur les questions de protocole diplomatique. Et je vous concède aussi que l'affaire est montée en épingle. Mais les raisons qui sous-tendent ce montage en épingle demeurent sérieuses. Surtout quand on voit la façon dont Erdogan traite l'armée dans laquelle il aurait déniché un nouveau coup d'État en gestation. Une armée divisée en deux, entre pro-OTAN et pro-Russie, ce qui n'est pas rien devant la hausse de température militaire récente en Ukraine...
Et Erdogan n'a toujours pas redonné son passeport à Tuna Altınel pour qu'il puisse revenir travailler à Lyon. Ah là là là... tous ces mathématiciens terroristes... pas encore une épidémie, mais bon: à surveiller.
Rédigé par : F68.10 | 11 avril 2021 à 17:42
Comparaison n'est pas raison.
Le fait diplomatique est extrêmement grave et j'espère que cela ouvrira les yeux à certains et comme le précise Exilé dans son commentaire cette chaise manquante n'est que l'arbre qui cache la forêt.
Pour ce qui est de Hoshi, j'aime le style de sa musique, au-delà de certains textes qu'un habitué du blog ne renierait pas.
À la tienne !
https://www.youtube.com/watch?v=LSEmekf4Yhg&ab_channel=HoshiVEVO
Rédigé par : hameau dans les nuages | 11 avril 2021 à 17:34
Erdogan nargue et humilie l'UE.
Erdogan nargue et humilie la France.
Erdogan entame sa conquête islamiste de l'UE.
Erdogan essaime des mosquées dans toute l'UE soumise couchée collabo.
Erdogan a confondu Ursula von der Layen avec la femme de ménage.
Erdogan se sert de l'UE comme d’un paillasson.
Si vous demandez à Erdogan où est l'UE, il vous répondra : « au fond du couloir à gauche, en face du placard à balais ».
Rédigé par : sylvain | 11 avril 2021 à 17:20
Cher Philippe Bilger,
Ce que vous rapportez justement s'inscrit pleinement dans le contexte général de l'évolution de ce pays ; elle se résume d'un mot : l'effacement.
Notre civilisation est à bout de souffle, qui n'en finit pas de s'excuser et de se repentir.
Il faut dire que 40 années de progressisme auront détruit tout ce qui la fondait : la religion, l'éducation, la nation, la patrie, la famille, l'autorité, le sens du travail, l'honneur, la civilité, la courtoisie, la galanterie, l'esprit de résistance.
Nous ne sommes plus grand-chose, et chacun, rivé sur le pipicacadodo de son portable et replié sur son quant-à-soi, ne pense qu'à son misérable soi-même.
Une situation qui ne peut qu'engendrer condescendance et mépris.
Nous sommes prêts pour la soumission.
Rédigé par : Florestan68 | 11 avril 2021 à 16:54
En fait, il n'y a rien à signaler, comme très bien dit ici :
https://descartes-blog.fr/2021/04/10/von-der-leyen-sur-canape/
Rédigé par : bob | 11 avril 2021 à 16:30
Le voyage du Premier ministre Jean Castex en Algérie a été annulé au dernier moment par les autorités algériennes parce qu'elles considéraient que la délégation française était trop chiche.
Hum...
Ça, c'est pour amuser la galerie, pour passer sous silence le fait que M. El Hachemi Djaâboub, ministre du Travail et de la Sécurité, a déclaré : « La France est un ennemi traditionnel et éternel ».
Il n'y a manifestement que les hommes politiques français qui se succèdent depuis 1962 et ceux qui ont voté pour eux pour ignorer que la guerre d’Algérie n'est pas terminée, les accords d’Evian n'ayant jamais été appliqués par les gens qui se sont fait passer pour les représentants de ce pays.
Ceci dit, puisque l'Algérie continue de voir depuis une soixantaine d'années la France comme un ennemi, tout en continuant de cultiver la haine anti-française parmi sa population (*), comment peut-on qualifier les gouvernants français - dont les plus récents - qui continuent de collaborer comme on disait en 1940 avec ce pays à travers ses représentants tout en comblant de cadeaux et d'avantages indus ses ressortissants qui se sont invités en France chez l'affreux « colonisateur », sans que les Français n'aient jamais été consultés par référendum sur ce sujet capital pour leur avenir ?
Masochisme ou trahison pure et simple ?
(*) « Ô France ! le temps des palabres est révolu
Nous l'avons clos comme on ferme un livre
Ô France ! voici venu le jour où il te faut rendre des comptes »
(Extrait de l'hymne algérien)
Rédigé par : Exilé | 11 avril 2021 à 15:10