Bruno Retailleau a raison : ce que les Français veulent, c'est une droite assumée (Valeurs actuelles). Et non un centrisme ductile et mou, sans arêtes ni orientation claire, qui irait se perdre dans le marais séduisant du macronisme.
Il n'empêche que la campagne à la Bonaparte d'Emmanuel Macron en 2017, même si elle a été facilitée par son intégration antérieure dans l'appareil d'Etat, la naïveté de François Hollande et la déconfiture de François Fillon - organisée par la Justice et par lui-même -, aurait pu servir d'exemple, sur le plan de l'audace et du risque de l'imprévisibilité, pour certaines personnalités LR.
Avant la primaire ardemment souhaitée par Valérie Pécresse (VP) (Le Parisien) et les lucides qui ne voient pas un autre moyen, honorable parce que démocratique, de départager les candidats, on peut considérer que la situation se complique avec l'implication confirmée de Michel Barnier et celle d'Eric Ciotti, mais en même temps qu'elle se décante.
En effet on n'a plus qu'à focaliser sur Xavier Bertrand (XB) et VP, comme l'a très bien analysé le vice-président Libres! d'Île-de-France Patrick Karam, et ce, d'autant plus depuis les abandons de Laurent Wauquiez (LW) et de Bruno Retailleau (BR).
Ils ne sont pas de même nature même s'ils s'appuient sur un argument commun qui serait de ne pas ajouter "de la division à la division".
Pour LW, il s'agit d'une stratégie tournée vers l'avenir, d'une ambition présidentielle qui attendra 2027 pour, selon lui, se réaliser. Et de fait il n'est pas le plus médiocre à droite ni le moins courageux pour espérer cette victoire.
En revanche, BR, dont j'ai toujours apprécié les analyses politiques, la rigueur intellectuelle et la conviction qu'une droite molle était antinomique dans les termes, m'a déçu par son abstention. Je l'ai été d'autant plus que dans l'entretien qu'il avait bien voulu me donner à Fréquence protestante, il avait présenté un programme complet pour la droite de gouvernement, qui avait le grand mérite de ne pas la réduire à la sécurité, à l'économique et au social mais lui assignait une dimension globalement culturelle sans laquelle, si on peut gagner des voix, on ne conquiert pas les esprits (Le Figaro).
S'il y avait une personnalité dont la présence aurait été nécessaire lors de la primaire, c'était bien la sienne. Et son désistement, au prétexte qu'il n'aurait eu aucune chance, a désappointé ses soutiens et fait douter de son caractère.
D'autant plus qu'il avait été le fer de lance pour l'obligation d'une primaire, approuvé par Jean Leonetti, contre la stérilisation partisane de la présidence Jacob.
Il n'est pas exact de le justifier en affirmant que les autres participants à la primaire - auxquels il ajoutait XB - pensaient comme lui alors que cette "droite totalement assumée" était seulement la sienne. Faire gagner son camp sans lui ne parvient pas à faire oublier qu'il aurait pu, lui, se présenter, se battre pour son camp et le faire gagner.
La belle affaire de n'être pas sûr de l'emporter !
Au pire il aurait donné à l'opération de départage une allure et une importance que sa confrontation avec VP et Philippe Juvin notamment, aurait encore accrues.
Au mieux, comme François Fillon qu'il avait soutenu jusqu'au bout, il l'aurait emporté grâce à la qualité du projet, contre toutes les mauvaises langues dénigrant son apparence et son manque prétendu d'aura, les mêmes distillant ce venin à l'égard de XB.
Je n'ose croire que LW et BR, derrière les ressorts affichés, ont eu peur de se lancer contre le président en 2022. Toujours est-il que BR en tout cas, pour ce qu'il avait de capital à offrir, a trop pesé, balancé, hésité pour en définitive tristement se retirer. Il n'a pas suivi Emmanuel Macron qui sur ce plan aurait dû être un exemple, quelle que soit l'opposition qu'on pourra lui manifester demain dans les urnes.
Il y a des moments où, si on fait la fine bouche devant le destin, si on ne saute pas le pas en dépit des "excellentes" raisons qui parviennent toujours à démontrer que la prudence est plus noble que l'audace, on rate d'une certaine manière son existence politique. Celle-ci n'est pas faite que d'ambition mais aussi du désir de ne pas décevoir la confiance qu'une multitude a placée en vous. Ce n'est pas seulement au pouvoir qu'on est comptable des autres !
J'imagine comme Emmanuel Macron doit considérer, avec une ironie optimiste, ces péripéties qui feront peut-être plaisir à Eric Zemmour mais ne donnent pas de la droite une image de vaillance et de conviction. Que signifie cette aspiration éperdue à l'unité quand ceux qui auraient dû être les premiers à s'engager ne le font pas !
Je suis persuadé que ces détours et ces abstentions n'inclinent pas le Président à estimer ceux qui s'y livrent. Un essai sur ses relations avec Marine Le Pen ("Macron-Le Pen : le tango des fossoyeurs" de François-Xavier Bourmaud et Charles Sapin) a démontré qu'il la respecte, tout en affirmant la combattre, à cause du courage qu'il lui reconnaît (Le Figaro). Car pour elle, rien n'a été facile, contrairement à lui.
J'ai évoqué plus haut XB et VP.
Je rends hommage au premier qui tient le choc malgré un écart qui se réduit avec VP. Je continue à regretter sa dangereuse stratégie "gaulliste" - un homme face au peuple - dès lors, pour ce mimétisme, qu'on n'a pas eu la légitimité d'une destinée historique qui vous mettait hors concours. Je ne voudrais pas que par cette erreur il soit évidemment jugé inférieur à de Gaulle mais, absurdement, jugé inférieur aux candidats "ordinaires" qui auront joué le jeu de leur famille politique. En tout cas il a franchi le Rubicon et il n'a pas délibéré longtemps, ayant envie de présider la France, pour arbitrer entre son dessein et ses chances.
Quant à VP, je ne peux que saluer cette femme qui à son rythme a franchi les étapes et n'a pas eu peur de briguer l'honneur suprême de la République. Si je me sentais l'âme d'un féministe compulsif, je dirais qu'elle a donné des leçons aux hommes et que son comportement augure bien de son possible tonus "régalien".
Mais acceptons que n'est pas Macron qui ne veut pas.
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