Il faut saluer les efforts des chaînes de télévision pour, trop rarement, quitter l'écume misérable ou terrifiante du monde et rejoindre la culture dans ce qu'elle a de plus beau et de plus noble.
Ainsi quand BFMTV, avec Robin Verner, a consacré une enquête à Marcel Proust en demandant à "d'éminents proustiens" pourquoi son oeuvre "effraie tant les lecteurs".
D'abord on a le droit de s'interroger sur la pertinence de la question. Pour résumer, quelques-uns ne liront jamais À la recherche du temps perdu, d'autres abandonneront leur lecture en cours de route et la plupart, plongés dans ces 4 000 pages, ne pourront plus s'en passer et y reviendront sans cesse.
Je pourrais, pour expliquer mon enthousiasme sans nuance pour son oeuvre géniale, rappeler ce qu'il écrivait sur Tolstoï et sur Balzac. Le premier était un maître qui changeait l'existence de son lecteur et le second un grand frère qu'on aimait malgré (ou à cause de) ses défauts. Cette distinction est pertinente sur le plan de la littérature et Proust a été à l'évidence, pour moi, un maître qui a projeté sur ma vie une lumière décisive. Comme s'il était un éclaireur offrant son impressionnante lucidité à tous ceux qui le liront et pourraient ainsi presque se dispenser de connaître ce que, grâce à lui, ils savaient déjà. Mais on ne doit jamais faire l'économie de ce que le hasard des jours et les aléas d'une destinée vont vous apprendre. Aussi le débat est vain qui pour certains imposerait de le lire sur le tard et pour d'autres précocement : ces obligations n'ont pas de sens qui laissent croire qu'un auteur génial doit être soumis à un calendrier quand il convient de laisser le miracle se produire sans le programmer.
Ces "éminents proustiens" donnent un certain nombre de conseils dont quelques-uns me paraissent sujets à caution.
D'abord, quand on découvre la Recherche, il ne convient pas de la lire par extraits, à petites doses, sans aller au bout de celle-ci. On n'est pas obligé de précipiter le mouvement mais la parcourir de manière parcellaire vous fait perdre de vue la plénitude qui est la sienne, la "cathédrale" qu'elle était pour son auteur. "Malgré tout, Proust voulait un continuum. Donc commencer par le début et terminer par la fin, c'est quand même mieux".
Quand on a accompli ce qui pour beaucoup va être une éblouissante révélation, il est possible par la suite - et c'est le propre des chefs-d'oeuvre qui délivrés de la contingence de l'anecdote présentent à chacune de leurs pages une conception de l'humain et du monde tout entière présente - d'ouvrir la Recherche à n'importe quel endroit pour être saisi, comme par magie, par le surgissement de lumières à la fois évidentes et surprenantes. Proust rend, avec l'acuité de son regard, banal ce que nous ne savions pas voir parce que nous l'observions mal.
Ensuite j'admets que le style de Proust n'est pas des plus faciles mais quand on a compris sa logique, il me semble que la lecture devient plus enrichissante, stimulante. Les phrases longues, les constructions sophistiquées ne sont plus un pensum mais dans chaque paragraphe, elles décrivent le réel, dans sa totalité et sa complexité, avec une rigueur presque scientifique. L'énoncé d'une règle, d'un principe, d'une généralité est suivi par l'exemple concret qui va les illustrer, les incarner. Il n'est pas faux de préciser, comme Nicolas Ragonneau, que "ce qui relie les lecteurs de Proust entre eux, c'est cette relation quasi-hypnotique au texte".
On pourrait soutenir que, de même que la Recherche est une totalité clôturée par le Temps retrouvé (malheureusement inachevé), les livres qui la composent et la structurent, les séquences multiples, les aperçus fulgurants qu'ils comportent relèvent d'une succession de totalités qui, par leur richesse et leur originalité, ne sont jamais indigestes mais éblouissantes. Elles nous contraignent à valider avec bonheur et admiration ce qu'elles expriment.
Ce n'est pas seulement la haute société aristocratique qui est décrite par Marcel Proust mais plusieurs univers dont le brassage et l'unité sont notamment opérés par le désir et la sexualité, l'homosexualité pour des personnages emblématiques comme le baron de Charlus dont les appétences intimes se soucient peu des frontières de classe. Le peuple n'est pas absent de la Recherche si on songe par exemple au beau portrait de Françoise traitée par le narrateur avec une tendresse souriante et sans la moindre condescendance, au contraire avec un infini respect pour son art culinaire.
Proust serait-il même obsédé par les marquis, les ducs et les princes que les sentiments humains qui sont les leurs, leurs petitesses comme leurs grandeurs ne les mettraient pas à part mais en feraient, malgré leur position et leurs privilèges, des représentants de tous.
À bien observer, il n'y a rien qui échappe à Proust, aucun sujet, l'amour, la passion, l'amitié, l'ambition, les désillusions, le souvenir, la perversion, la guerre, la diplomatie, la politique, l'art seul vecteur d'éternité et tant d'autres ouvertures sur le réel et son analyse, sur l'esprit et sa force, sur le coeur, ses douleurs et ses mystères.
Enfin, malgré l'image qu'on donne trop souvent de lui, d'un auteur difficile face auquel il faudrait s'armer de patience et de résistance, Proust sait faire rire avec une finesse et une élégance, une cruauté dans la description (ah ! Madame Verdurin), une justesse sans égale, par exemple avec le fameux "on exagère" quand quelqu'un annonce qu'une personne ne viendra pas à une réception parce qu'elle est morte.
Il n'y a aucune honte à ne pas aimer Proust. Je le regrette pour Édouard Philippe parce qu'un homme de sa qualité devrait être, plus que tout autre, sensible à cette splendide et bouleversante comédie humaine qu'est la Recherche. Mais rien n'est perdu pour quiconque. Il y a d'autres "éminents proustiens", indiscutables (par exemple Jean-Yves Tadié, Michel Erman) qui n'ont pas été conviés par BFM TV à l'exercice et, on ne sait jamais, ils auraient pu trouver une raison supplémentaire de prendre Proust pour un Maître. Comme je l'ai fait quand je l'ai lu pour la première fois sans jamais cesser d'approfondir et d'amplifier mon admiration.
Pour sortir Marcel Proust de la pompe et des hommages officiels, je propose de lire un sensible, délicat et profond roman: "Clara lit Proust", par Stéphane Carlier. "Marcel" y est placé à hauteur d'humanité avec une héroïne qui ne se laisse pas intimider et montre avec grâce, finesse et une familiarité réconfortante, comment la Recherche peut être aussi un mode d'emploi pour mieux vivre.
Un quart d'heure !
Marchenoir est recalé à l’agrégation aliochienne.
Surtout qu'il n'a pas dû aller au bout du propos qui le concerne au moins autant que duvent, ce masque de sévérité qui bâille sur les cœurs dévastés.
Nous sommes là à ces cas de la jurisprudence proustienne, où l'opprobre seul crée le crime, quand les girouettes se prennent pour le vent.
Je suis donc bien coupable, Alcestes, à vos comptes, et devrai bien mourir de pure honte !
Mon Dieu, qu'ils se prennent si sérieusement aux rets de leur snobisme sectaire, ils devraient lire Proust et comprendraient alors qu'en disant cela je m'y piège aussi en ma critique même, pendant que la vie et le temps, sans nous attendre, passent éternellement.
Rédigé par : Aliocha | 19 octobre 2022 à 08:03
@ Aliocha | 18 octobre 2022 à 18:42
"Il me semble au vu de votre remarque que vous avez bien compris le propos, voilà l'important."
Ouais, eh bien il m'a fallu un bon quart d'heure à relire votre phrase pourrite un nombre incalculable de fois, dans le but de trouver ce que (peut-être) elle voulait bien dire.
Croyez bien que je ne ferais pas ça tous les jours. Quant au reste des lecteurs de ce blog, vous vous imaginez bien qu'ils ont autre chose à faire. Tout comme moi en règle générale.
Rédigé par : Robert Marchenoir | 18 octobre 2022 à 19:53
@ Robert Marchenoir
Des agrégés de quoi, du boudin-purée ?
Trêve de plaisanterie, merci de la correction, mon niveau bac est vieillissant, et puis il me semble au vu de votre remarque que vous avez bien compris le propos, voilà l'important.
Quant à mon style, ma foi, on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a, et tant pis si les Mollettes font des indigestions...
Rédigé par : Aliocha | 18 octobre 2022 à 18:42
@ duvent | 17 octobre 2022 à 18:00
Purée ! Mille sabords ! Vous n’aimez pas le boudin ! Ni le blanc, ni le noir, ni le gris (spécialité charentaise) ! Et vous voilà déchaînée, telle la tempête d’équinoxe ! Calmez-vous, calmez-vous ! Que diriez-vous d’un bon foie gras du Sud-Ouest ? accompagné d’un magnifique jurançon ?
Allez, allez, dégustez... en pestant encore contre le boudin si cela vous chante... Mais attention, pas contre celui-ci... On croirait que vous détestez la Légion...
https://www.youtube.com/watch?v=QC6-AhOmnCk
Bon... Je file aux abris... Je sens venir un ouragan...
Rédigé par : Serge HIREL | 18 octobre 2022 à 16:53
@ Aliocha | 18 octobre 2022 à 09:43
Bon, Aliocha, ça suffit, maintenant. Nous sommes ici sur un blog de haut niveau, bourré d'élites littéraires : agrégés, etc. Votre mépris de la grammaire dépasse les bornes et réclame une correction.
Vraiment, vous ne voyez pas le problème dans : "Il serait donc de bon aloi de s'amender, et de laisser les dames d'esprit excitées par le sang refuser le boudin-purée des innocences perdues se venger d'avoir été vues telles qu'elles se présentent, ma foi, toutes nues" ?
Quel est le sujet de "se venger" ? Les dames d'esprit ? Ou le boudin-purée ? Alors collez-moi un "et" entre "perdues" et "se venger", voire un "afin de" -- personne ne comprend rien à votre théologie du boudin-purée. Ce n'est pas parce qu'on est obscur et ampoulé qu'on rend hommage à Proust.
Rédigé par : Robert Marchenoir | 18 octobre 2022 à 15:51
Boudin purée. Boudin blanc ? Noir ? Les deux ?
Inconscient ou gastronomie ?
C'est passionnant
Rédigé par : Jérôme | 18 octobre 2022 à 09:54
Il serait donc de bon aloi de s'amender, et de laisser les dames d'esprit excitées par le sang refuser le boudin-purée des innocences perdues se venger d'avoir été vues telles qu'elles se présentent, ma foi, toutes nues.
Il est vrai que c'est vexant d'exposer ainsi aux regards ce que les grandes œuvres révèlent de nous-mêmes, surtout la plus grande de toutes, et que nous sommes bien petits face à ce monument de la littérature mondiale qui, effectivement, met en sa lumière chatoyante les cruautés de qui se sent vampirisé, ces vaines coquetteries piégées sous la voûte de la cathédrale inachevée qui ne savent alors offrir à la lumière de ses vitraux que leur nudité de vampire, parfaitement dessinée.
Le piège ainsi se referme, qui juge sera jugé selon la mesure à laquelle il juge, et le vampire vampirisé pourra s'apercevoir qu'il a là l'occasion en cette reconnaissance parfaitement formulée des forces qui le meuvent, de s'en émanciper, accédant humblement de derrière son pilier à l'océan de la réalité vertigineuse offerte à sa liberté.
Duvent pourra alors comprendre que d'être vue telle qu'elle est ne sera jamais l'interdiction qu'elle souhaite pour mieux en rester aux conforts de ses tourments, mais l'occasion sous le doux regard qui de tous en éclaire les manquements, non d'échapper à leur souffrance que je devine fort grande, mais à leur corruption.
J'ai bien conscience ici d'exposer en conséquence les réalités de mon boudin-purée, qui ne sont que l'expression d'un amour intact quoique imparfait, je ne résiste donc pas à l'exigence des admonestations qui voudraient que je m'amende, condition à laquelle je me soumets bien volontiers en parfaite conscience de tous mes manquements, me souvenant de celle que notre Mollette du Verdon me rappelle (Mollette, duvent, féminin de Mollah), cette petite fille d'une chevrière des collines d'Aubagne devenue au fil du temps cette redoutable Verdurin qu'était ma grand-mère et qui, à la fin de sa vie, je l'ai déjà dit mais je le rappelle ici pour slalomer toutes les perfidies, m'avouait dans un rire complice et presque égrillard :
"J'apprends le préjugé favorable, à mon grand âge tu imagines si c'est difficile."
Merci, duvent, de bien malgré vous me rappeler à quel point en cet instant je l'aimais, et vous pourrez à tout jamais exercer vos vaines cruautés, vous ne saurez que ressusciter cette révélation que la grande acariâtre qu'elle était n'était que le masque fêlé de sa bonté blessée.
Rédigé par : Aliocha | 18 octobre 2022 à 09:43
@ duvent
Mettre de la distance et renvoyer à son niveau (terre à terre) un harceleur lourdingue qui insiste et s'accroche, il me semble que c'est le minimum pour une femme d'esprit telle que vous.
Ce que j'avais voulu exprimer et qui semble avoir été mal interprété tant par vous que par Aliocha, qui y aurait vu faussement un encouragement à son délire et à sa manie de vouloir jouer à tout propos la mouche du coche.
Rédigé par : Axelle D | 17 octobre 2022 à 20:10
Même s'il s'agit ici essentiellement de Proust, je me joins à caroff pour recommander chaudement à tous ceux qui ont du loisir de lire "Journal inutile" de Paul Morand. Régal garanti. Un sommet.
Rédigé par : Patrice Charoulet | 17 octobre 2022 à 19:32
@ Axelle D | 17 octobre 2022 à 17:18
« ...duvent de plus en plus hautaine et un brin méprisante... »
Vous trouvez ?
C'est étonnant !
Voyons, si l'on vous sert un plat que vous n'aimez pas, et qu'on vous le serve sans cesse, est-ce que vous diriez qu'il y a du mépris à refuser d'y goûter ?
Je vous pose la question, mais j'ai ma petite idée et elle se fonde sur une observation simple et rapide :
Je n'aime pas le boudin-purée ! Et je n'en mangerai sous aucun prétexte dussé-je crever d'inanition ! C'est comme ça !
Et vous remarquerez que si je suis d'une odieuse condescendance, je suis également sans cœur, je ne pense pas du tout à l'humanité qui meurt de faim, mais oui, quoi qu'il se passe sur terre, quoi qu'il advienne de l'humanité, je refuserai pour l'éternité de manger du boudin-purée, c'est comme ça !
Avez-vous noté qu’insidieusement, je fais une analogie entre les écrits assommants du prédicateur et ce plat pas ragoûtant ?
Je ne me souviens plus d'où je tiens ce manque de savoir-vivre ? D'Odette ?
Je me moque, je me moque, mais au fond que dire de vrai, d'utile et d'agréable ?
Par exemple, que le prédicateur devrait s’amender !
Moi, de mon côté, je peux vous dérider en vous narrant une petite blague qui fait toujours son effet du côté de Guermantes, la voici :
« Ce monsieur de bon aloi, toujours bien mis, soignant ses ongles, prenant soin de ses cheveux disant, ce tantôt, à son médecin :
- Docteur, je connais parfaitement les règles d’hygiène, c'est pourquoi je prends un bain deux fois par an, que j'en ai besoin ou pas ! »
P.-S. : Dans les salons de Proust, les coups pleuvent et c'est ce qui plaît...
Rédigé par : duvent | 17 octobre 2022 à 18:00
Merci, Mary, mais ne vous inquiétez pas, je suis un adepte du Très-Bas.
Rédigé par : Aliocha | 17 octobre 2022 à 17:53
Je n'ai pas lu Proust, mais j'ai été intéressé par ce qu'en dit Paul Morand dans son "Journal inutile". Il avait connu le "Maître du temps" comme il le surnommait et décrivait avec grand talent Céleste.
Dans une interview à Pierre-André Boutang en 1962, Morand évoque la silhouette de Proust:
"J’avais devant moi un personnage de 1905. Il avait un chapeau melon gris, je le vois encore, sa pelisse avait un vieux col de loutre tout usé, une cravate qui ne tenait pas à son col, le col tenait mal à la chemise, il avait la chemise empesée qu’on avait à ce moment-là, il se battait continuellement contre cette chemise qui bâillait sous sa cravate, la cravate remontait sur le col, les manchettes étaient tournées à l’envers, il avait une canne comme on en avait à ce moment-là, une canne de théâtre en bois d’amourette, des souliers avec des empeignes de daim gris, bref, exactement la mode de 1905, époque à laquelle il s’était couché pour ne plus se relever qu’une ou deux fois de temps en temps."
Plus loin, il restitue la façon dont Proust s'exprimait: assez semblable à son art d'écrivain fait de descriptions interminables !
Boutang: Mais Proust avait ce débit à la fois monocorde et précipité ?
PM – Précipité, non. C’était une phrase très chantante, extrêmement longue, qui n’en finissait jamais mais pleine d’incidentes, d’objections qu’on ne songeait pas à formuler mais qu’il formulait lui-même ; elle ressemblait à une route de montagne qu’on gravissait sans jamais arriver au sommet, beaucoup d’incidentes qui soutenaient la phrase comme des espèces de ballonnets d’oxygène et qui l’empêchaient de retomber, pleine d’arguties, d’arborescences, tout ça très fluide, très doux, très doux et en même temps très viril.
https://proust-personnages.fr/temoignages/paul-morand/
Rédigé par : caroff | 17 octobre 2022 à 17:34
Pauvre Aliocha s'accrochant à ses rêves et s'efforçant en vain, en dépit de multiples rebuffades d'attirer l'attention et le regard bienveillant d'une duvent de plus en plus hautaine et un brin méprisante, il n'est pas sans m'évoquer ce texte célèbre de Victor Hugo :
"Madame, sous vos pieds, dans l'ombre, un homme est là qui vous aime, perdu dans la nuit qui le voile ; qui souffre, ver de terre amoureux d'une étoile ; qui pour vous donnera son âme, s'il le faut ; et qui se meurt en bas quand vous brillez en haut."
Rédigé par : Axelle D | 17 octobre 2022 à 17:18
À la recherche du tempo perdu !
Philippe Bilger aurait-il perdu le tempo ?
Après un billet célébrant la passion de toutes choses et donc la passion de vivre, voilà qu'il nous propose un billet sur Marcel Proust, l'écrivain le moins passionné de toute la littérature française. C'est avec une froideur d'entomologiste que MP analyse la société et les personnages qui y évoluent, il nous les montre dépourvus de passions.
C'est le règne du paraître, du bien paraître, comme on dirait à présent du politiquement correct, sous peine d'exclusion.
La passion n'apparaît pas, ou alors c'est la passion du désir amoureux qui s'éteint dès que l'objet du désir est atteint, le comble de la non passion.
Pas d'affolement, entre ces deux billets allant dans deux directions différentes, la passion et la non passion, tout rentrera dans l'ordre dès qu'il s'agira de commenter la non action et le temps largement perdu de Macron dans chacune des décisions qu'il devait prendre dans l'urgence, des Gilets jaunes aux stations de carburant vides depuis une semaine. À Paris on circule en métro ou à vélo.
Mais la passion, la vraie, reviendra lorsqu'il s'agira du ministre de la Justice.
Et le Boss aura retrouvé son tempo, et rattrapé le temps passé, et non perdu, à parler d'autre chose que de politique.
Rédigé par : Tipaza | 17 octobre 2022 à 15:19
Et le tocsin qui sonne, duvent souffle ses jugements, émet ses fatwas impudentes qui la révèlent incidemment.
Aussi répétons-nous, nous qui connaissons la bête humaine, qui n'aime que le sang :
Éteignez la lumière s'il vous plaît, je risquerais de me reconnaître au miroir de vos alacrités.
Et puisque c'est si gentiment demandé, en plein sujet du jour car déjà la poésie soufie au XIIe siècle annonçait notre petit mémé, eh oui, duvent, le fameux Palamède qui n’empêcha jamais la petite bourgeoisie de se prendre pour le roué, se délasser le si mou coquillard qui ne voit qu'en dedans, ce clou du désespoir des nombrils en leur ronde aveuglés par le temps:
Cœur brisé.
Ô mes deux amis !
Arrêtez-vous à l’enceinte sacrée.
Recherchez le plateau du Najd
Et les repères du chemin.
Approchez-vous de l’eau,
Près des dunes où les tentes sont plantées.
Venez chercher l’ombrage
Sous les arbres, le Dâl et le Salam.
Et quand tous deux vous arriverez
À la vallée de Minâ,
Installez votre tente
À côté de celui près duquel est mon cœur.
Transmettez de sa part
Les vœux d’amour
Ou les salutations de paix
À tous ceux qui descendent en ce lieu.
Tous deux prêtez l’oreille
À ce qu’ils vont vous répondre,
Montrez comment celui,
Dont le cœur est brisé,
Souffre des transports de l’amour
Et publiquement le montre,
Demande des nouvelles
Et pose des questions.
Merci beaucoup, c'est fait, vous pouvez rallumer !
Rédigé par : Aliocha | 17 octobre 2022 à 15:16
@ Patrice Charoulet 16 octobre 15 h 47
Tout comme vous cher professeur je ne me sens pas le courage d'attaquer Proust et je préfère la concision ; pour cela tous les matins une nouvelle de Maupassant ; quand on compare la fulgurance du trait décrivant une ouvrière parisienne, une bonne normande ou un employé au ministère de la Marine, à une page de notre mélenchoniste prix Nobel de littérature, on peut s'interroger sur le niveau intellectuel du jury. Je ne sais si notre Président a félicité la lauréate mais si oui il n'a jamais dû lire un de ses "romans".
Rédigé par : Claggart | 17 octobre 2022 à 12:17
@ Aliocha | 17 octobre 2022 à 08:14
« Comme la lumière se moque de l'ombre, le partouzeur rit de l'onaniste, et la duchesse chez ses cousins assure le triomphe de sa vengeance qui fera d'elle et par imitation l'agent bourgeois de la déliquescence de sa noblesse, le droit divin accordant son titre pour finir à la Verdurin. »
Le zélé zélote vient nous servir sa soupe indigeste et puante !
Pourriez-vous, monsieur le petit pion, surveillant de la loi non écrite, lorsque vous n'aimez pas mes commentaires, les ignorer et si vous ne pouvez pas les ignorer, les commenter franchement, car vos allusions me donnent à penser que vous êtes un couard de la pire espèce, celle qui frappe sans en avoir l'air...
Donc, et pour qu'il ne soit pas écrit dans les annales que vous avez brillamment défendu votre idole, ce qui serait la plus comique bouffonnerie des plaisirs et des jours, je vais vous montrer comment on s'y prend quand on est grand et que l'on sait qu'il n'est pas très profitable de se cacher derrière son petit doigt.
Ainsi, vous passez votre temps ici, à glaner quelques informations lâchées par inadvertance sur celui-ci ou celle-là, puis à les ranger dans votre petite boîte, d'un côté les bons de l'autre les mauvais, et puis, parce que vous avez l'oreille du seigneur, vous nous gratifiez d'anathèmes et de condamnations comme s'il était en votre pouvoir de corriger les pensées des autres, d'être leur directeur de conscience, ceci est le propre de l'infatué que vous êtes.
Puis, fort des accointances que vous inventez, vous croyez que vous pouvez désigner à la vindicte celui qui a fauté, comme si votre candide pureté vous y autorisait, ce qui est le propre de l'orgueilleux que vous êtes.
Ensuite, parce qu'il vous manque l'ouverture d'esprit nécessaire, vous croyez subtil de retourner contre celui-ci ou celle-là la rhétorique qui est la sienne, ce qui est le propre du médiocre débatteur que vous êtes.
Enfin, car il ne faut pas ennuyer les lecteurs du blog de monsieur Bilger, il convient de finir sur une bonne note, une note optimiste et c'est pourquoi dans mon immense bonté, j'ajouterai que vous vous donnez beaucoup de mal inutilement pour cacher vos lacunes et pour cela il vous sera beaucoup pardonné, puisque vous avez un faible pour le pardon qui est le propre de l'arrogant que vous êtes.
Vous pouvez pour vous consoler de ne pas être compris par, et je reprends vos mots : « le partouzeur rit de l'onaniste », vous tourner vers votre poète chamelier...
P.-S. : Proust n'est pas votre propriété, mais si tel était le cas, vous êtes un bien piètre protecteur ! Je redis donc : Proust vampirise à son corps défendant tout un univers, et cela, je ne l’accepte pas ! Interdisez-le moi, pour voir !
Rédigé par : duvent | 17 octobre 2022 à 09:51
À la recherche du temps perdu
À quoi bon aller le chercher là où il n'est pas alors que tout le monde sait qu'il se trouve du côté de l’Élysée ?
Rédigé par : Exilé | 17 octobre 2022 à 09:22
Ah, la madeleine de Proust !
Je me souviens de mon professeur de philo, bonne soeur à l'Institut Saint-Dominique à Pau.
Je vois encore son regard brillant en évoquant cette fameuse madeleine faisant ressurgir des souvenirs.
J'étais étonné de son étonnement, trouvant la chose très banale.
En ce moment, c'est la musique provoquée par le grincement d'un portail d'une maison où j'ai habité avec mes parents il y a un demi-siècle. Et la mémoire revient...
Est-ce à dire que je suis un être exceptionnel ou bien que les autres sont des poissons rouges ?
Rédigé par : hameau dans les nuages | 17 octobre 2022 à 09:20
Comme la lumière se moque de l'ombre, le partouzeur rit de l'onaniste, et la duchesse chez ses cousins assure le triomphe de sa vengeance qui fera d'elle et par imitation l'agent bourgeois de la déliquescence de sa noblesse, le droit divin accordant son titre pour finir à la Verdurin.
Les vieillards en cette fête de toutes les corruptions ne sont plus que le masque d'eux-mêmes et, perchés comme sur les échasses fragiles du grand âge qui s'enfoncent aux profondeurs du temps, témoignent que, sans la conversion indispensable du roman, leur identité n'est bien qu'une illusion romantique de se croire important, alors qu'on tremble quand la beauté d'artifice perdue à tout jamais s'avance sans même être invitée, comme de l'apocalypse les cavaliers :
"Ces visites étaient un événement. Le cœur battait un peu plus vite à la princesse d’Épinay qui recevait dans son grand salon du rez-de-chaussée, quand elle apercevait de loin, telles les premières lueurs d’un inoffensif incendie ou les « reconnaissances » d’une invasion non espérée, traversant lentement la cour, d’une démarche oblique, la duchesse coiffée d’un ravissant chapeau et inclinant une ombrelle d’où pleuvait une odeur d’été."
C'est ennuyeux en effet, de se voir ici représentés dans toute la futilité de nos rapports sociaux si bien dépeints, et d'être confrontés à ce que nous sommes, des animaux, sociaux certes, mais encore enfoncés en la vase de nos bestialités.
Reprendrez-vous de la madeleine avec votre thé ?
Éteignez la lumière s'il vous plaît, je risquerais de me reconnaître au miroir de vos alacrités.
Rédigé par : Aliocha | 17 octobre 2022 à 08:14
En Bordeluche, moi, Proust, ça me daille ! Et les premiers en rédaction me daillaient et me daillent encore.
D'ailleurs, selon Proust lui-même, la lecture peut conduire à la spiritualité mais n’en est pas. Il est donc logique que ses fervents lecteurs fassent la démonstration de ce que peut être un snobisme de la spiritualité.
Rédigé par : Xavier NEBOUT | 17 octobre 2022 à 06:41
J’admire la passion de notre hôte pour Proust et son talent pour l’exprimer. Je ne possède ni l’une ni l’autre... Certes, je préfère son style complexe et parfois difficile à appréhender, la minutie apportée à la description de ses propres sentiments, à peine masqués sous le personnage qu’il crée, au débit haché et brutal de certains auteurs contemporains, à leur hâte d’en finir au plus vite avec l’analyse des qualités et des défauts de leurs héros pour ne se concentrer que sur l’histoire, l’anecdote, conduite comme dans un téléfilm, mais je ne parviens pas à me défaire d’un certain recul vis-à-vis de l’écrivain, probablement lié au milieu favorisé dans lequel il a vécu et à son attitude - son arrogance - de gosse de riche faisant fi des contingences subies par ses semblables à une époque où les mioches des corons descendaient au fond de la mine quand lui fréquentait les salons du 8e arrondissement et du faubourg Saint-Germain.
Ce qui conduit à me poser une question dont, pour l’heure, je ne trouve pas la réponse pleinement satisfaisante : pourquoi Proust est-il tant à la mode ? Bien sûr, ses thèmes de prédilection, universels, l’amour, la sexualité, le rapport à la mort, l’amitié, la vanité... expliquent-ils en partie cela. Ils ne vieillissent pas et sont communs à toute l’humanité.
Bien sûr, bien qu’il les ait beaucoup moqués, il est d’abord adulé par ceux qui font l’opinion, ces âmes bien nées qui, comme lui, fréquentent les milieux littéraires et la belle société. On n’y a pas tout à fait oublié les mœurs du début de l’autre siècle : l’entre-soi et le sentiment d’une supériorité naturelle, renforcé par l’apport en son sein de la caste des technocrates. Que Bruno Le Maire soit « proustien » n’a rien d’étonnant...
Mais ces deux arguments ne sont pas suffisants pour expliquer ce retour en grâce d’un auteur aussi âpre d’accès. Peut-être faut-il aussi remarquer la similitude certaine entre notre vécu et celui des jeunes années de Proust. Deux périodes au cours desquelles les formidables progrès des techniques ont permis et permettent une évolution extraordinaire de la société, mais aussi des années d’incertitude et de rancune entre les peuples, qui ont débouché sur « la Der des Ders » et qui, cette fois, nous promettent l’Apocalypse.
À la fin du 19e siècle et au début du 20e, tandis que les « hussards noirs » apprenaient aux « blouses grises » le maniement des armes avec des fusils en bois et leur faisaient chanter des refrains anti-boches, Proust, lui, en toile de fond de ses recherches sur lui-même, vit dans l’ambiance futile de la société des riches, avides de puissance et d’argent... Ne sommes-nous pas aujourd’hui au beau milieu d’une même actualité ? Il devient dès lors naturel de rechercher ce « temps perdu », de remettre au premier rang cet auteur qui a si bien décrit une société qui, comme la nôtre, dansait sur un volcan.
Mais il est néanmoins une catégorie de « proustiens » qui, loin de ces motifs, ne le sont que par passion pour l’auteur, par admiration pour son œuvre, fond et forme comprises... Comme il est des « balzaciens », des « flaubertistes », des « stendhaliens », des inconditionnels de Hugo, de Sartre, de Camus, de Baudelaire et, même désormais, de Houellebecq. Notre hôte, je crois, est de ceux-là.
Rédigé par : Serge HIREL | 16 octobre 2022 à 20:00
Quand après avoir lu cet hommage de Philippe à Proust, plus tard on regarde et écoute un programme d'Arte sur la vie et l'oeuvre de Champollion, qu'on vagabonde en pensée dans notre Histoire et, en vrac, ses Papin, Descartes, Voltaire, du Bellay, Molière, Baudelaire, Pascal, Lavoisier, Pasteur, Saint-Exupéry, Curie... puis, par curiosité, on zappe sur BFM TV où on voit des Mélenchon, Obono et leur Nupes hurlant et se pavanant dans les rues de nos villes, alors oui, c'est triste mais la France est vraiment décadente quand en plus de ceux-là on doit se contenter de Houellebecq, Zemmour, Onfray, Le Pen et Cohn-Bendit, aussi entre autres !
Du siècle des Lumières sans électricité à celui des Obscurantistes avec les panneaux solaires et les éoliennes !
Mais où sont passés les Français d'antan ?
Merci Philippe de nous rappeler ce que nous avons été !
Au fond Zemmour avait peut-être raison ? Le grand remplacement a bien été fait, mais pas celui auquel il ne savait que penser avec Renaud Camus, ce que nous sommes en train de vivre est le grand remplacement de l'intellect, du génie français !
Rédigé par : Claude Luçon | 16 octobre 2022 à 17:45
Cher Philippe,
Je conçois votre admiration pour Marcel Proust. Je n'ai lu qu'une fois les trois tomes de la Pléiade. La vie s'achevant, je ne compte pas recommencer.
Je préfère à ce livre-fleuve les petits livres d'auteurs concis : La Rochefoucauld, La Bruyère, Vauvenargues, Chamfort, Joubert, Jules Renard, Cioran...
À notre modeste niveau, ici, j'ai apprécié parfois le laconisme de Savonarole, que j'aurais préféré appeler par son nom, mais... il est d'un naturel craintif et prudent, comme quelques autres, moins concis, mais non dénués de talent.
Rédigé par : Patrice Charoulet | 16 octobre 2022 à 15:47
Pendant la mi-temps de notre équipe de rugby locale, nous avons échangé sur nos lectures du moment, entre deux supputations sur l'issue de la rencontre et sur la vaillance de nos soldats locaux.
"Je n'ai jamais pu lire Proust...!" a dit mon enseignant de voisin. Nous sommes très proches, son épouse s'occupe de refuge pour animaux.
Je lui ai répondu que j'aimais bien le chat Bébert, en quelques mots exceptionnels d'humanité, Louis Ferdinand Destouches a décrit la mort.
C'est d'une réalité magnifique. Je sais.
Le génie de Destouches... J'entends le bruit des sabots, sur les pavés, des chevaux de "Casse-pipe", les capotes fumantes qui ruissellent de pluie et la fumée qui s'en dégage près du poêle.
Pour qui a connu la conscription et l'hiver, près d'un poêle à mazout, d'une chambrée d'une quinzaine de lascars qui rentraient de manoeuvre, alors on retrouve l'odeur.
Je pense savoir pourquoi, son antisémitisme morbide.
Aucune explication que j'ai lue ne m'a convaincu... Proust à part sa madeleine pour les pédants qui ne sont jamais arrivés au bout de sa lecture... Il faut l'avoir en magasin comme il se dit, pour des dîners de salons...
L'oeuvre et la vie d'un grand écrivain, quand le sublime côtoie le sordide et peut-être l'immonde... Vaste question aurait dit Mongénéral, dont la lame n'a pas tremblé, on peut le regretter, et lui en faire reproche avéré, il pouvait aller à la messe, mais il avait surtout beaucoup à se faire pardonner.
Rédigé par : Giuseppe | 16 octobre 2022 à 14:15
Lire Proust est aussi s'oublier un peu, et tout de suite retracer des bribes de notre parcours dans certaines scènes qu'on aura vécues à d'autres niveaux de perception, chacun étant libre d'ouvrir les portes de son œuvre ou de rester devant, de toute façon comme face à des miroirs.
Proust lui-même dans le Temps retrouvé propose l'image de la loupe, pour mieux distinguer ses et nos multitudes d'être, les comprendre, se la tend pour mieux s'investiguer avant de nous la céder pour faire les constatations que l'on voudra, dans sa proverbiale générosité.
Son humour invisiblement décapant le met dans l'impossibilité de s'exclure de ses portraits vachards, résultat d'une classe innée chez lui à encore parler de soi par le détour d'un caractère vu niaisement en train de s'épancher.
On peut penser (dans Swann) à l'évocation de ce romancier mondain binoclard salonfähig - le portrait craché de Paul Bourget selon la chronique - qui, lorsque le narrateur lui demande "ce qu'il fait ici", répond : "J'observe."
Détour parfait qui le ramène à lui, le met dans un sourire complice à nu devant son lecteur.
Ah, Bourget...
Déjà moqué du vivant de Proust, académicien pratiquant l'escrime et la boxe devant sa glace, c'est peut-être pour ça que notre bon Édouard du Havre ne se lance pas dans la lecture de la Recherche, il a peur de voir s'y pavaner, en majesté sur le pont-promenade, sa copie.
Le Maire, grandiose contemporain Norpois, n'eut pas cette pudeur, avec courage ne se rétracta pas.
Proust dit sans doute ce qu'il y avait de moins bête à dire de la guerre de 14, il refuse en tout cas de s'abaisser aux mots d'ordre de Barrès, mais fit mieux encore.
Dans le Temps retrouvé (vrai aussi qu'il y a un cortège d'anecdotes par moment, un défilé de descriptions, que l'on dirait "obligées"), par exemple lorsqu'il note le passage dans les rues des "rescapés du feu".
Qu'ajouter à leurs souffrances que ce "Vous ne pouvez vous figurer", que nous souffle le narrateur.
La conversation, sans parler des lettres échangées, qu'il a avec un Saint-Loup rencontré, presque éteint, au hasard d'une avenue qui se camoufle encore sous les feuilles d'un novembre trop lourd bien que le jeu de cache-cache soit officiellement fini, reste prenante et résonne intacte aux oreilles du bel aujourd'hui.
Je repense quelquefois à ces extraits quand je vois les Ukrainiens revenir du front dans leur famille (et aux pauvres bougres russes envoyés en tongs au casse-pipe par leur dirigeant suprême).
Il renvoie Barrès ("grandéc", attention, une pointure de la littérature pour moi aussi) à son bac à sable dont les grains sont peints en bleu horizon lorsqu'il glose "le bourrage de crâne" ("on se le fait nous-même aussi bien"), si moderne dans sa façon, largement au niveau du Journal de Kafka.
Par la bande, s'apercevoir que la plume du peuple des Tutur et des Tatave aura bien inspiré le Céline de Guerre et de Londres, dans le rythme, la volonté de dire les choses. Tout un programme proustien qui fut feuille de route célinienne.
Rédigé par : xavier b. masset | 16 octobre 2022 à 12:52
Je suis tout simplement révoltée !
Proust, je l'ai lu, j'ai aimé, et puis plus rien...
Alors, dans quel but stériliser le monde de la littérature ?
Proust n'est pas le coupable, c'est cette engeance remplie de suffisance, qui suit, comme dans la mine d'or, le filon ou la corde qui lui sert de guide, tout cela est non seulement répugnant, mais aussi d'une inqualifiable imbécillité !
Quel dégoût ? Assez de Proust ! Assez des fanatiques de Proust !
Assez de cet onanisme dégénéré !
Tirez donc de l'oubli ceux qui n'ont pas de porte-voix, et qui ont ouvert des horizons sans fin !
Sortez des caves humides ceux qui ont dans chaque mot mis une goutte de leur sang !
Ouvrez la porte de cette bibliothèque poussiéreuse où les pages se sont collées sur les cris, les rires, les pleurs, et toutes les terreurs du monde !
Laissez entrer la lumière !
Rédigé par : duvent | 16 octobre 2022 à 12:39
Superbe billet et excellents commentaires.
Ce dimanche commence bien. Merci pour ce moment.
Rédigé par : elektra | 16 octobre 2022 à 12:05
@ Jérôme
"Pourquoi s'obstiner à lire une littérature qui vous emm*rde ? Jamais compris."
Je lis beaucoup de littérature qui m'emm*rde. La raison en est simple: je lis un truc A qui m'intéresse. Le truc A dit que le truc B a un rapport avec le truc A. Si je veux comprendre le truc A, je dois alors lire le truc B. Même s'il m'emm*rde.
Et c'est souvent le cas.
Ensuite, il y a des trucs qui nous emm*rdent. Qu'on lit et qu'on trouve quand même emm*rdant. Mais qui, une fois lus, suscitent ou le respect ou la reconnaissance de l'importance du machin.
Ensuite, il y a d'autres raisons de lire des trucs qui emm*rdent:
1. La curiosité pure, qui est nécessaire pour tomber sur des trucs nœufs ou sous-cotés. Pour trouver un truc bien, il faut se taper 10 ou 100 trucs nuls. C'est pareil en musique qu'en littérature.
2. Lire des choses emm*rdantes pour mieux connaître le contexte d'un sujet ou d'un contexte historique. Sans a priori.
Il y a des trucs pour lesquels ça passe tout seul. D'autres pour lesquels il faut se forcer. On est tous dans le même bateau.
Rédigé par : F68.10 | 16 octobre 2022 à 12:01
Je n'ai jamais pu lire plus d'une ligne du Marcel.
Et j'ai bien ri lorsque tout le tour de table chez P. Praud a finalement avoué l'ennui profond que suscitait chez eux sa lecture.
Mais, disaient-ils, il faut l'avoir lu.
Sic.
Pourquoi s'obstiner à lire une littérature qui vous emm*rde ?
Jamais compris.
Je vais me pencher sur l'histoire de France... vue par Béru.
Rédigé par : Jérôme | 16 octobre 2022 à 11:26
À noter que Bruno Le Maire est aussi un proustien
De formation littéraire il a même écrit un mémoire intitulé « La statuaire dans À la recherche du temps perdu », sous la direction de Jean-Yves Tadié.
Personnellement Proust ce n’est pas mon truc. La dernière fois que j’ai lu un livre de lui remonte à plus de cinquante ans – c’était "la Prisonnière". J’effectuais mon service militaire et donc j’avais beaucoup de temps à perdre.
Mais avec l’âge, les goûts évoluent. Je vais tâcher de relire un ouvrage de cet auteur. Peut-être y trouverai-je la petite flamme qui anime les proustiens.
Rédigé par : Achille | 16 octobre 2022 à 09:30
Remarquable billet célébrant Proust dans son inépuisable complexité.
Je n'ai pas lu le livre de Stéphane Carlier, mais vendredi, flânant entre les tables et les étagères d'une librairie, j'ai découvert un livre proustien que je me suis empressé d'acheter après l'avoir feuilleté, et avoir trouvé cette remarque de Jean-Yves Tadié :
"Aussi le temps proustien est-il qualitatif et non quantitatif. D'autre part il est réversible".
Voici la référence :
Proust et le temps. Un dictionnaire.
Sous la direction d'Isabelle Serça aux éditions Le Pommier.
Il s'agit d'un ouvrage collectif, avec des contributeurs de disciplines scientifiques, littéraires, incluant la psychologie, l'histoire.
Pour l'avoir diagonalisé, je le trouve passionnant pour qui s'intéresse au temps en général et en particulier pour ce qu'il représente dans la Recherche.
Un mot également pour celui que j'ai envie de qualifier d'anti-Proust. J'ai nommé Sylvain Tesson, homme d'action et de réflexion, aux phrases courtes et percutantes, aux aphorismes décapants.
J'ai acheté également son dernier livre, "Blanc", chez Gallimard, que je finis de lire ce matin dans la quiétude du petit matin en écoutant les Suites françaises de Bach par Ton Koopman.
Un double régal de lecture et d'audition. ;-)
Rédigé par : Tipaza | 16 octobre 2022 à 06:32
Un détail, un petit rien constituent un élément déclencheur qui provoque l’apparition d’un obstacle insurmontable entre le génie intemporel de Marcel Proust et mon petit cerveau assoiffé de connaissance.
Au bout de deux pages, le support du génie de Marcel me glisse des mains. Nox et Thanatos surgissent de nulle part, alertés par les incantations inhérentes au rythme de la prose de Marcel. La déesse du sommeil et le dieu de la mort m’attrapent, l’une par la tête et l’autre par les pieds. Pour les rêves dans le cerveau, je n’ai rien contre ; mais le froid glacial dans les mollets me terrifie. Alors, je me réveille en sursaut et je remercie mon instinct de conservation.
Courage et motivation en bandoulière, je vais refaire une tentative un de ces jours. Après une douche froide et un double café bien chaud, je vais m’asseoir en pleine lumière et attaquer la première des 4 000 pages du premier roman de Marcel qu’il faut absolument avoir relu plusieurs fois.
Rédigé par : Vamonos | 16 octobre 2022 à 05:38
Longtemps, je n’ai pas lu Proust.
Son air de dandy et sa fameuse moustache sur sa photo quasi officielle ne m’inspiraient pas confiance. Il y a tellement de livres et tellement d’écrivains, une infinité en fait, que lorsque vient le moment de choisir on doit bien se fier aux apparences. Alors finalement, à l’âge respectable de 62 ans, je me suis lancé, non sans hésitation, dans la lecture de l’intégrale des sept livres de « À la recherche du temps perdu ».
Je ne sais plus trop combien de temps cela m’a pris, probablement un mois et demi, sur ma liseuse, un peu chaque jour. Mais j’en suis venu à bout. Avec difficulté. À part la fameuse première phase du premier ouvrage qui est assez courte, quasiment tout le reste est constitué de phrases extrêmement longues, tarabiscotées, pénibles à déchiffrer. Un style certainement unique qui a en grande partie fait sa renommée, mais pas à la portée de tout le monde. Je suis pourtant friand de la belle langue française, mais je me suis surpris à plusieurs reprises à lire des mots dont je ne connaissais pas le sens.
J’ai quelquefois eu l’impression de perdre mon temps. J’en garde un souvenir partagé, je vois bien la chronique sociale. Mais c’est le drame de cette vie étouffée aux deux sens du terme qui m’a frappé. Vivre toute sa vie dans un cocon sans jamais connaître le Monde, en ayant été seulement dans « le monde ». Terrible. J’ai lu le récit de la vie d’un prisonnier. Je n’y ai pris aucun plaisir.
Il est sans doute de pire prison, mais l’opulence, la richesse, la renommée, l’absence quasi totale de liberté dans son milieu social de grands bourgeois et d’aristocrates me l’a fait prendre en pitié.
En refermant ce livre, j’ai réalisé que cette quantité de mots, de phrases, était bien la seule façon qu’il avait trouvée de combler le vide de son existence. Il ne me semble pas qu’il ait été à la recherche du temps perdu, mais plutôt à la recherche de l’espace manquant, celui qui l'a toujours empêché de respirer, de choisir sa vie, de se mouvoir où il l'entendait.
Une époque tellement différente de la nôtre, un milieu social tellement éloigné du mien, j’ai tout de même essayé de trouver des points d’accroche. Alors oui curieusement il est né un 10 juillet comme moi, il était asthmatique comme moi, il a failli en mourir à l’âge de neuf ans et cela me rappelle de terribles souvenirs. Après avoir établi cette petite liste, je suis bien heureux de n’avoir pas eu son destin et d’avoir un peu pu jouer sur le mien.
Il a pourtant traversé une époque parmi les plus exaltantes mais aussi les plus terribles de l’humanité. Je veux parler de ces formidables inventions, l'électricité, l’aviation, le téléphone, qu’il ne cite quasiment jamais, comme si ces inventions qui bouleversaient l’humanité n’étaient pas de son monde. Et la guerre de 14, qu’il traverse, comme Zweig, sans s’en apercevoir, comme on passe la main à travers un ectoplasme. Je suis bien persuadé qu’il aurait pu écrire tous ces ouvrages 200 ans avant, il n’y aurait eu aucune phrase à changer. Ses ouvrages sont en ce sens intemporels.
On pourrait penser que de si longues histoires pourraient donner l’idée à un réalisateur de films de mettre ces ouvrages en images. Je sais bien que cela a été tenté mais sans grand succès. L’explication est que aussi longs et prolifiques que soient ses ouvrages et les années de sa vie qu’ils décrivent, il ne s’y passe pratiquement rien. Rien de cinématographique, rien à montrer. On reste prisonnier de son imagination, on ne voit pas le monde dans lequel il vit, on ne voit que le fonctionnement de son cerveau.
C’est assez paradoxal. Mais pas unique. Combien d’ouvrages interminables ont été écrits à propos de pas grand-chose et parfois de rien. On loue son étude psychologique des personnages. Je la trouve très superficielle et ne peux en tirer aucun enseignement.
Alors, Marcel Proust reste évidemment un monument de la littérature française. Mais un monument baroque, surchargé. Dont on peut admirer la complexité, la maîtrise stylistique, sans jamais se sentir proche ni de lui-même ni de ses personnages semi-fictifs ; guère d’humanité dans ses ouvrages. De ces artistes dont on admire la technique, le coup de pinceau, sans jamais pouvoir dire ce qu’ils ont peint.
Marcel Proust est un technicien de la littérature, il n’inspire pas, ne fait pas rêver. Il a traîné sa vie comme un boulet.
Il faut le lire, comme on visite un monument de l’intérieur, sans pouvoir s’extasier sur sa façade, sans savoir dans quelle ville on est.
Rédigé par : EMIN | 16 octobre 2022 à 02:35