Pouvoir s'abriter derrière le génie pessimiste de Pascal qui a écrit que "tous les hommes se haïssent naturellement l'un l'autre", quel soulagement ! (Le Figaro dans un texte de Pierre Vermeren).
D'un coup le mythe de la bienveillance universelle s'effondre et l'obligation d'aimer autrui au prétexte qu'il serait votre semblable, votre prochain, prend l'eau. J'apprécie que sans fard, la lucidité sombre mais clairvoyante de Pascal ne nous enjoigne pas de détester autrui mais nous présente cette animosité telle une sorte de fatalité tellement "naturelle" qu'il ne faudrait pas s'en étonner.
Le démon est en nous, c'est une évidence.
Em même temps, on ne saurait interpréter ce terrifiant constat comme une incitation à ne rien tenter contre cette pente amère. Pascal ne nous ordonne pas de construire notre existence sur ce terreau qui, aussi vrai qu'il soit dans sa brutalité, ne serait guère porteur pour la réussir puisque pris à la lettre, il nous enfermerait dans la prison de la méfiance voire du rejet.
Cependant, face à l'inconcevable et merveilleusement utopique "aimez-vous les uns les autres", Pascal nous remet la réalité dans la tête et, si j'ose m'approprier cette leçon, me donne bonne conscience, moi qui ai toujours eu du mal avec la béatitude systématique. Au point que mon premier mouvement à l'égard d'autrui n'a jamais été d'accueil, d'évidente adhésion mais plutôt d'une sorte de banale suspicion que je pourrais résumer ainsi : avec autrui, qu'est-ce qui va donc m'advenir, de quel prix vais-je devoir payer cette intrusion dans mon espace ?
J'ai conscience en même temps de ne pas vivre sur une île déserte. Depuis mon enfance, avec une timidité qui n'a cessé de se prolonger au long d'une existence faisant coexister affirmation de soi et gêne profonde, je ressens autrui tel un partenaire irremplaçable mais souvent inopportun. Au risque de choquer les belles âmes, je n'ai jamais perçu ce compagnonnage contraint comme une richesse par principe mais plutôt tel un processus négatif offrant toutefois de miraculeuses exceptions.
Aussi, quand je me suis trop souvent vanté d'avoir si bien cultivé l'art de déplaire, il aurait plutôt fallu que par honnêteté j'admette avoir "naturellement" payé la rançon de choix qui me conduisaient à exclure, pour quelques pépites d'amitié et de convivialité. Il n'y avait vraiment pas de quoi se glorifier mais seulement de prendre acte d'une sorte d'infirmité sociale qui me dégoûtait du pluriel pour m'inciter à dépenser toute mon énergie dans la création de mondes privilégiés, protégés et d'ailleurs eux-mêmes fragiles.
Convenons d'ailleurs que l'époque offre mille opportunités, mille facilités pour se défier d'autrui en toute bonne conscience. Tant chacun, vous rendant la pareille, a la même aspiration : ne plus avoir le souci de l'universel en partage mais privatiser son être. On n'est pas loin de Pascal !
Reste que ce regard sévère que je porte sur moi demeure aux antipodes des attaques que parfois les réseaux sociaux déversent en m'imputant, à chacune de mes critiques politiques, une "haine" qui m'habiterait et me jetterait avec volupté dans la détestation de certaines personnalités. Par exemple Nicolas Sarkozy ou Emmanuel Macron. Alors que je n'ai jamais éprouvé une once de "haine" contre eux mais seulement la libre disponibilité du citoyen qui a le droit de formuler comme il l'entend sa désapprobation ou son soutien.
Je ne crois donc pas qu'on puisse établir le moindre lien entre mon fréquent déplaisir d'être en société et mes convictions de toutes sortes qui, sur les plans intellectuel, médiatique et politique, ne se sont jamais embarrassées d'hypocrisies et de faux-semblants.
Comme si c'était "mon être au monde" qui engendrait mon malaise. Pascal avait un tantinet anticipé sur moi qui ne me suis jamais senti empli des pensées, des sentiments et des douceurs qui garantissent qu'on n'est pas un étranger dans le monde de la vie, dans la vie du monde, mais un frère digne d'en être !
Pour aller au bout de cette élucidation, sans être imprégné de la moindre honte qui au moins me mettrait sur le chemin de la rédemption, je tente de gérer le moins mal possible cette tension entre la crudité irréfutable du dévoilement de Pascal et le "métier de vivre" selon Cesare Pavese, entre ce qui frémit de pire en soi par rapport à autrui et ce avec quoi on est bien obligé de composer pour tenir.
Heureusement, chez beaucoup, la culture est là pour réparer les ravages de la nature qui, selon Pascal, rendrait fatale la haine réciproque.
Peut-être faut-il, pour espérer contredire cet avertissement, d'abord ne pas se leurrer sur les risques qu'on porte en soi ?
@ Claggart
"Pour terminer, encore merci pour ce débat..."
Mais je vous en prie. Tout le plaisir était pour moi. Mon isolement me prive de la possibilité de converser de ces sujets qui animent mes recherches, bien que la géométrie n'en soit qu'un point d'application et d'inspiration bien limité et circonscrit. Je vous remercie de m'en avoir extrait par cet échange. Cette courte éclaircie fut appréciée.
J'aurais, bien évidemment, pris plaisir à vous montrer comme reconstruire une notion d'orthogonalité en géométrie d'incidence au moyen d'une droite et d'une conique toutes deux distinguées, mais, oui, il est temps de clore cet échange. Je suis déjà très satisfait de vous avoir fait connaître la notion de géométrie d'incidence.
N'hésitez pas à lire les liens déjà fournis sur Philippe Nabonnand, directeur des archives Henri-Poincaré et professeur d'histoire des mathématiques. Il s'est spécialisé en partie sur cela.
Je remercie nos hôtes de l'avoir permise, cette discussion. Et bien qu'elle en obscurcisse les autres aspects de la personnalité pascalienne, j'espère que cet échange au sujet de Pascal, unificateur d'Apollonius et de Pappus sous l'égide de Desargues au moyen d'un court essai rédigé à l'âge de 16 ans, témoigne d'une réelle flamboyance de cette époque qui, bien que souvent à moitié oubliée ou à mon sens semi-incomprise, irrigue encore notre culture et notre société.
Et je dis cela sans passéisme aucun. Je ne regrette pas le 17e siècle. La Guerre de Trente Ans, la guerre contre les Turcs, la guerre franco-savoyarde, les rebellions des Huguenots et les guerres de religion, les guerres civiles anglaises, le siège de Perpignan, toutes les guerres hollandaises y compris la guerre franco-hollandaise, non, je ne vais pas regretter le 17e siècle.
Rédigé par : F68.10 | 12 janvier 2023 à 14:44
@ F68.10 11 janvier 13 h 52
De même qu'il faut savoir terminer une grève je pense que notre intéressant débat sur la géométrie doit maintenant s'achever. Je vous avoue avoir découvert dans votre dernier commentaire l'existence de la géométrie d'incidence, qui ignore la notion d'orthogonalité, nécessaire pour trouver la solution de ma colle du niveau mathélem ; encore la preuve que je suis toujours du monde d'hier ; dans mon cours de taupe sur les coniques on parlait de coniques propres ou impropres, d'équations au centre, de diamètres conjugués, de directions principales, d'équations en S, de transformations par polaires réciproques, de la définition de Plücker pour la recherche des foyers, des coniques homofocales, des théorèmes de Poncelet, de Brianchon et bien sûr de Pascal. Mais j'arrête là ma liste d'ancien combattant de peur de faire de la concurrence au Professeur Charoulet.
Concernant maintenant l'équation cubique, vous indiquez que mon approche, celle de François Viète, échoue pour le degré 5 ; vous faites bien sûr allusion au théorème d'Abel sur l'impossibilité de trouver les racines des équations d'un degré supérieur ou égal à cinq avec l'expression classique en radicaux.
Pour terminer, encore merci pour ce débat, qui du moins aura le mérite de trancher avec certaines contributions sur ce blog où l'insulte rivalise avec l'invective ; je suis persuadé que les intéressés se reconnaîtront.
Rédigé par : Claggart | 12 janvier 2023 à 11:51
@ Claggart
"Sans doute le problème a-t-il une solution en géométrie analytique mais au prix de quels fastidieux calculs !"
Ce qui a l'avantage d'être méthodique. Computationalisable. Mais non, vous éludez un problème de fond:
"Mais non, pas besoin d'attirail : vous avez l'intelligence, ou l'intuition, de tracer le symétrique G du foyer fixe F1 des ellipses par rapport à la tangente."
Dans votre symétrique par rapport à la tangente, vous avez une notion d'orthogonalité dissimulée. Votre problème n'est donc pas formulé en terme de géométrie d'incidence, comme en témoigne aussi la notion de foyer. La véritable tâche de votre problème, ce serait donc de le reformuler en terme de géométrie d'incidence, puis de le résoudre sans recours à la notion d'orthogonalité. C'est là que vous verrez que votre problème n'est pas aussi simple que vous le croyez.
Quand je disais que j'avais tout un attirail pour le résoudre, je ne faisais pas spécifiquement référence à la géométrie analytique ou algébrique. J'ai aussi tout un attirail en géométrie pure pour le résoudre. C'est juste que ce n'est plus ma culture, et qu'il me faudrait plus de boulot pour le résoudre que pour une personne, comme vous, dont c'est davantage la culture mathématique.
Les coniques s'axiomatisent ainsi en géométrie d'incidence arguésienne:
Définition: Une conique (ou une polarité de von Staudt) est la donnée d'une correspondance bijective p → p° et λ → λ° entre points et droites telle que p ∈ λ si et seulement si λ° ∈ p°.
Théorème: La conique à l'ancienne s'obtient en considérant les points p tels que p ∈ p°, appelés points absolus, qui définissent bel et bien une conique à l'ancienne. Réciproquement, une conique à l'ancienne définit bien une correspondance bijective entre points et droites comme ci-dessus (cf. Philippe de La Hire, Gergonne et Poncelet, surtout Poncelet, et j'élude ici la question des imaginaires).
Les théorèmes de Pascal et de Brianchon s'inscrivent donc dans ce contexte épuré, ou ils deviennent formellement duaux (via la polarité de von Staudt). Ils n'ont trait qu'à de l'incidence: pas d'orthogonalité, ni de métrique, de symétrique ou de foyers. C'est là leur intérêt et leur force: ils sont "arguésiens" (un tout petit plus forts que l'arguésianité, en fait).
Cela, c'est la "nouvelle" géométrie d'incidence dans laquelle il conviendrait de tout reformuler, et votre exercice en particulier. C'est là de la géométrie pure pure pure, sans orthogonalité, sans métrique, et sans algèbre.
Ce que je vous "reproche" (sans acrimonie aucune) c'est de ne pas percevoir que votre géométrie porte avec elle un bagage qu'il convient d'épurer: "foyer", "symétrique", ce ne sont pas là des notions de géométrie d'incidence.
"Tangente à la conique" se reformule par contre en terme d'incidence: λ° ∈ λ signifie que λ est une tangente à la conique. L'arguésianité (ou le théorème de Pascal, un peu plus fort, pris comme axiome) est nécessaire pour prouver l'unicité de la tangente en un point... et ce n'est absolument pas trivial. Non-trivialité que le calcul différentiel dissimule en simplifiant tout cela... algébriquement. i.e. l'intérêt de l'algèbre, et la raison de la chute de la géométrie.
Et si vous arrivez à me reformuler les cubiques avec une axiomatique aussi ramassée que von Staudt pour les coniques, alors là, oui, vous aurez un moyen de vous passer de l'algèbre en revenant à de la géométrie pure sur laquelle faire de nouveaux traités, et de la moderniser si ce n'est la ressusciter. Moi, je cherche encore, pour la cubique. Du côté des catacaustiques de Tschirnhaus. Et j'ai donc plein de latin à traduire. Acta Eruditorum, 1690, page 68. C'est là le moment où la géométrie commence à sérieusement perdre pied.
Une fois cela fait, nous pourrons parler de faisceaux de cubiques en géométrie pure rigoureusement, tout comme vous parlez de faisceaux de coniques. Pour l'instant, sans algèbre, à ma connaissance, nous ne le pouvons pas. Et c'est pour cela que Monsieur Vakil est essentiellement illisible. Ce qui m'attriste.
Le discriminant de votre cubique dans l'exemple d'Einstein ? C'est du calcul différentiel dissimulé. Il s'inscrit donc dans le contexte, purement géométrique, des deux paragraphes précédents. Il devrait avoir une traduction purement géométrique en terme d'incidences construites à partir de points d'une cubique. Qu'on appelle aussi une "courbe elliptique" dans les jolis cas bien lisses.
Rédigé par : F68.10 | 11 janvier 2023 à 13:52
@ F68.10 10 janvier 16 h 23
Merci d'apporter la preuve éclatante de mon propos sur la supériorité de la géométrie pure sur l'algèbre : vous avouez "j'aurais certes tout un attirail pour le résoudre".
Mais non, pas besoin d'attirail : vous avez l'intelligence, ou l'intuition, de tracer le symétrique G du foyer fixe F1 des ellipses par rapport à la tangente ; si M est le point de contact, le lieu cherché est la demi-droite GM.
Sans doute le problème a-t-il une solution en géométrie analytique mais au prix de quels fastidieux calculs ! (équations tangentielles des coniques homofocales, etc.)
La géométrie pure est élégante, l'analytique besogneuse.
Rédigé par : Claggart | 11 janvier 2023 à 10:48
@ Claggart
"Vous pardonnerez à un ancien taupin de la fin des années 50 d'être un peu largué quand vous évoquez Tits, Haimann, Vakil, Connes, etc..."
Tout le monde est largué. Pas que vous. C'est bien le problème: la géométrie pure s'est déplacée au tout devant de la recherche sous des formes peu reconnaissables. Par exemple, les 12 points du titre du papier "Twelve points on the projective line, branched covers, and rational elliptic fibrations" de Monsieur Vakil, ce ne sont que les 12 segments BD, DA, BA, AD, EG, AG, GZ, ZD, GD, BZ, ZE, BE de la figure secteur de Ménélaüs qu'on voit dans Ptolémé et que Monsieur Carnot analysait dans sa lettre de 1800 à l'abbé Bossut, et qui fit ainsi renaître les travaux de, entre autres, Pascal, au 19e siècle.
Tout est dans Nabonnand 2006, du point de vue historique, qui est une lecture qui devrait vous plaire et vous instruire. C'est là une culture géométrique 100 % polytechnicienne dont vous êtes, en tant qu'ancien taupin des années 50, implicitement l'héritier comme en témoigne votre goût pour la géométrie. Ces mêmes 12 segments et 6 points de Monsieur Lazare Carnot, de configuration octahédrale dissimulée, vous les retrouvez donc à la pointe de la recherche. Chez, justement, Tits, Haimann, Vakil et Connes. À divers degrés chacun, sous diverses formes.
"Trouver le lieu géométrique du second foyer des ellipses ayant un foyer fixe, passant par un point fixe et tangente en ce point à une droite fixe."
Je vous avoue que je sécherais moi-même. J'aurais certes tout un attirail pour le résoudre mais, oui, effectivement, ce n'est plus ma culture mathématique, pas plus que ne le sont les cyclides de Dupin, objet remarquable, mais dont l'utilité n'est plus pratico-pratique ; contrairement à l'époque de Dupin, qui est, encore une fois, un polytechnicien.
Le problème, puisque vous parlez de foyers, c'est que dès qu'il fallut étudier les caustiques pour des surfaces réfléchissantes sans foyer, afin de canaliser les rayons du soleil par des miroirs pour faire des fournaises à la Tschirnhaus, il fallut étudier des courbes enveloppantes de rayons réfléchis. Des cubiques. Du calcul différentiel. La géométrie pure montra alors ses limites, bien qu'elle fut bel et bien tentée. Ces limites étaient surmontables, dans l'absolu, mais, de fait, personne ne s'y colla vraiment vraiment, et le cartésianisme différentiel remporta définitivement la partie.
"Revenons maintenant à l'équation cubique d'Einstein ; il connaît la recette ; le discriminant lui indique trois racines réelles ; sans hésitation il embraye sur la méthode trigonométrique de François Viète (1540-1603)."
Le problème, c'est que cette approche, que Monsieur Tschirnhaus chercha à généraliser, échoue misérablement pour le degré 5. C'est l'histoire de la transformation de Tschirnhaus, dont l'échec sous-tend la théorie moderne des fonctions θ et des formes modulaires.
"Mais au-delà de ce débat, qui je crois va indisposer la majorité des lecteurs, je pense que le plus grave est l'incapacité des élèves à exprimer en bon français une notion mathématique."
Je ne peux juger de la situation. Mais, sur ce point, vous avez entièrement raison: la focalisation sur l'algèbre fait oublier aux gens, et aux élèves en particulier, que les équations sont un langage. Que le signe = se lit comme un synonyme du verbe être. Qu'on met un point à la fin des équations car elles ne sont rien d'autre que des phrases.
C'est cette difficulté-là, celle du rapport au langage, qui fait l'objet, à mon sens, de la classe de quatrième ou troisième. Là où le raisonnement verbalisé intervient, ainsi que le raisonnement par l'absurde verbalisé. Où on commence à réellement rédiger. La géométrie, même élémentaire, est le support idéal sur lequel il convient d'autonomiser les élèves face au langage, face au raisonnement en phrases complètes. Leur faire lever les yeux de leurs équations. Leur faire comprendre qu'ils ne sont pas condamnés à avoir le nez dans le guidon et à juxtaposer des hiéroglyphes mathématiques jusqu'au bac.
Les faire jouer aux Champollion d'opérette, ce n'est pas les faire progresser. Nous sommes là parfaitement d'accord. La géométrie sert à cela: développer le raisonnement pur, sur un objet mathématique immédiatement palpable: le plan. Leur faire ressentir la transcendance du raisonnement par l'absurde en les forçant à raisonner sur des figures fausses bien choisies. Absolument. - "Mais, M'sieur, la figure elle est fausse !!" - "Ah ouais ??"
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@ Tipaza
"J'ai par exemple rarement entendu me donner la définition claire et précise d'une fonction continue. C'est normal, il s'agit là d'un des concepts mathématiques les plus difficiles à expliciter dans un langage facilement accessible. Il est en lien d'ailleurs avec le concept d'infini."
Oui et non. La continuité est une notion algébro-logique, en fait. Seule la topologie dérive de considérations à la Bolzano sur l'infini. Pas la continuité en soi. Preuve de son caractère algébro-logique ci-dessous:
Dessinez un carré ABCD. Chaque segment AB, BC, CD et DA représente une relation binaire entre ensembles A, B, C et D. Si les relations binaires des segments AB, BC, CD sont données, il existe une relation binaire maximale sur le segment DA telle qu'il soit impossible de choisir a dans A, b dans B, c dans C, d dans D tels que ces éléments satisfassent tous toutes les relations binaires du carré (au sens où au moins l'un de ces côtés dénote une relation binaire qui est condamnée à ne pas pouvoir être satisfaite par tout choix fixé de a, b, c et d.) La relation binaire DA ainsi obtenue est alors la "négation linéaire" de BC, médiée par AB et CD.
Pivotez et tournez le carré de 180 degrés. Reproduisez la procédure ci-dessus. Vous obtenez la "négation linéaire" de DA médiée par CD et AB. En appliquant la procédure ci-dessus deux fois, vous avez donc ainsi une "double négation linéaire".
Définition: La relation binaire BC est dite "continue" si elle coïncide avec sa propre double négation linéaire, médiée par AB et CD.
Quand U et V sont deux espaces topologiques, de collections respectives d'ouverts O(U) et O(V), il suffit de choisir A := O(U), B := U, C:= V, D:= O(V), de munir AB et CD de la relation d'incidence (d'appartenance) d'un point de U (resp. de V) à un ouvert de O(U) (resp. de O(V)). Et la notion de continuité ci-dessus pour une relation binaire coïncide avec la notion de relation binaire à graphe fermé pour ces topologies. Prenez une application en lieu et place d'une relation binaire, et vous avez la continuité usuelle. C'est là un exercice assez élémentaire, que je trouve plaisant. L'exercice n'est pas difficile. Avoir l'idée de l'exercice l'est. N'hésitez pas à le tenter dans votre temps libre.
La construction quaternaire ci-dessus est, de fait, une variante de la notion ternaire connue sous le nom des règles de Schröder. Elles encodent les jeux en logique aristotélicienne liant la validité des syllogismes Barbara, Baroko et Bokardo logiquement entre eux. Ce n'en est là qu'une généralisation, de ces règles, de l'arité 3 à l'arité 4. Une généralisation un peu de même nature, d'ailleurs, que le passage du triangle (3 droites dans le plan) au quadrilatère complet (4 droites dans le plan) dans la lettre de Carnot en 1800.
La continuité est donc une notion purement logique, qui se spécialise en la notion usuelle que vous connaissez, et ce sous la seule hypothèse d'espaces topologiques tels que Hausdorff les axiomatisa en 1914 dans Grundzüge der Mengenlehre. Extraite de sa gangue topologique, la continuité continue donc de faire sens, mais n'a plus rien à voir avec l'infini.
Vous ne trouverez cela dans aucun bouquin. À ma connaissance.
Vous trouverez par contre une excellente discussion de votre notion de continuité et du paradoxe de Zénon dans Paul Tannery, 1885: "Le concept scientifique du continu: Zénon d'Élée et Georg Cantor".
Malheureusement, comme les Français s'arc-boutent sur le droit d'auteur à l'âge du net, ce texte n'est pas accessible directement et, bien que je vous le conseille vivement, je ne peux vous fournir ici que la prose d'un Suisse, Cajori, écrivant en anglais, pour porter à votre connaissance les thèses philosophiques de Paul Tannery sur Zénon et Cantor.
Quand "défendre" la culture française passe par la nécessité, en France même, de citer des Suisses qui écrivent en anglais, c'est que notre culture de la propriété intellectuelle joue contre nous et n'est plus adaptée. M'enfin...
Rédigé par : F68.10 | 10 janvier 2023 à 16:23
@ Claggart | 10 janvier 2023 à 09:10
"j'ai par exemple rarement entendu me donner la définition claire et précise d'une fonction continue."
C'est normal, il s'agit là d'un des concepts mathématiques les plus difficiles à expliciter dans un langage facilement accessible.
Il est en lien d'ailleurs avec le concept d'infini.
Il a fallu attendre les mathématiques actuelles pour que les fameux paradoxes de Zénon, liés à cette difficulté conceptuelle, soient levés et clairement explicités, encore que pour le commun des mortels cela restera toujours une source d'interrogations.
Rédigé par : Tipaza | 10 janvier 2023 à 10:19
@ F68.10 09 janvier 15 h 42
Vous pardonnerez à un ancien taupin de la fin des années 50 d'être un peu largué quand vous évoquez Tits, Haimann, Vakil, Connes, etc. Aussi pour en finir avec mon argumentation géométrie pure vs algèbre je vais être plus terre à terre en l'illustrant par un cas concret.
Posons par exemple à un élève de terminale la question suivante (du niveau mathélem) :
"Trouver le lieu géométrique du second foyer des ellipses ayant un foyer fixe, passant par un point fixe et tangente en ce point à une droite fixe"
Je vous parie, à moins d'être un supermatheux, qu'il va sécher et mettre quelque temps à trouver la solution.
Revenons maintenant à l'équation cubique d'Einstein ; il connaît la recette ; le discriminant lui indique trois racines réelles ; sans hésitation il embraye sur la méthode trigonométrique de François Viète (1540-1603), et basiquement, sans réflexion ni astuce, en cinq minutes, avec bien sûr l'aide d'une table des fonctions trigonométriques, il aura déterminé les trois racines.
Mais au-delà de ce débat, qui je crois va indisposer la majorité des lecteurs, je pense que le plus grave est l'incapacité des élèves à exprimer en bon français une notion mathématique ; dans mon expérience de soutien scolaire à des élèves de terminale, j'ai par exemple rarement entendu me donner la définition claire et précise d'une fonction continue.
Rédigé par : Claggart | 10 janvier 2023 à 09:10
@ Claggart
"Vous marchez là sur les traces de Jean Dieudonné, pour lequel "il faut apprendre à penser linéairement... libérer l'élève dès que possible de la camisole de force des figures traditionnelles... etc.""
Oui et non. J'ai mentionné Dieudonné dans mon message précédent, et j'y ai effectivement affirmé qu'il voulait la mort du triangle. Littéralement. Je peux vous trouver la référence, si vous voulez: je la rechercherai dans mes notes. Dieudonné (le pote d'écriture de mon arrière-grand-papa mathématique) faisait effectivement partie du mouvement des mathématiques modernes et du groupe Bourbaki. Il a tué l'enseignement du triangle. Mais son travail est immense et il convient de le respecter pour cela.
Donc oui, Dieudonné avait raison ; parce que, effectivement, l'approche dieudonnisto-bourbakienne et grothendieckienne fut la plus féconde au 20e siècle. Et non, parce que je sais que depuis Jacques Tits et ses immeubles, le triangle fait un retour en force violent. J'en fais moi-même l'expérience en ce moment. Je suis agressé et persécuté, en ce moment même, par des triangles en bande organisée. Littéralement.
Le problème de fond, pour la géométrie à l'ancienne, c'est que bien qu'elle soit un outil pédagogique très appréciable pour les raisons que vous évoquez, elle n'est plus, sous ce format, un moyen de faire progresser les élèves vers les mathématiques actuelles, que ce soit en pratique ou au niveau du début de la recherche. Seule l'approche dieudonniste remplit ce contrat.
L'autre problème de fond, c'est que pour la moderniser, il faut prendre en compte les apports de la géométrie projective, même plane, telle que développée au 19e siècle et depuis. Karl Georg Christian von Staudt jeta les bases de cette approche en terme de géométrie d'incidence qu'on retrouve dans les immeubles de Tits. Mais pratiquer la géométrie à l'ancienne à l'aune de ces apports nouveaux nous amène au tout devant de la recherche, et ce n'est pas praticable même pour de très bons taupins. Les khôles sur les plans projectifs non-arguésiens ou sur les propriétés arguésiennes d'ordre supérieur de Monsieur Mark Haimann ? Non merci. Vous allez leur fracturer le crâne au lieu de leur ouvrir l'esprit.
Ou alors, il faudrait repousser les concours de Bac+2 à minimum Bac+5. Rien que pour la géométrie. Cela ne me déplairait pas, mais je vous en laisse imaginer les conséquences... elles sont irréalistes. Nous basculerions de facto dans un système à l'anglo-saxonne pour les mauvaises raisons, et les Français n'en veulent à aucun prix. Sauf certains normaliens qui voient les limites de notre système actuel.
Comme Monsieur Jean-Yves Briend qui nous a claqué une durite en 2009, implicitement à ce sujet, dans l'Humanité. Il le fait à la mode un peu gaucho. Moi, je pense qu'il s'agit d'une critique de fond que même le centre-droite peut porter. Mais pas au seul motif de la géométrie plane, projective, ou descriptive. Qui, oui, je vous rejoins sur ce point, est une magnifique théorie et un superbe entraînement de l'esprit. Mais qui n'est plus pédagogiquement pertinente quant au but que se fixe l'enseignement des mathématiques.
"Je maintiens au contraire que la géométrie pure demande plus d'intelligence que l'algèbre."
Non. L'algèbre récupère la géométrie en son sein. Et la dureté de la géométrie algébrique vient entre autres de la traduction de cette vieille géométrie en son sein. Les cubiques ne sont toujours pas correctement disséquées du point de vue des formes modulaires. Je le vois en travaillant en ce moment le document "Douze points sur la ligne projective, feuilletages, et fibrations elliptiques rationnelles" de Monsieur Vakil. Vous vivez donc une illusion à ce sujet, illusion qui fonctionne d'ailleurs dans les deux sens: Dieudonné, tout comme Descartes, en fut aussi victime, en sens inverse. Ce que vous voyez dans l'algèbre, c'est son côté unificateur et méthodique que vous prenez à tort pour une chose qui nécessite moins d'intelligence. Je vous assure que ce n'est pas le cas.
"Par exemple trouver le lieu des centres des coniques d'un faisceau linéaire exige plus d'astuce qu'étudier le sens de variation d'une fonction."
Vous parlez de "faisceaux" ?
Le papier de Monsieur Vakil travaille algébriquement des faisceaux de cubiques. C'est le même type de choses. D'ordre supérieur. Elles sont inattaquables de manière purement géométrique sans l'algèbre à l'heure actuelle. Sauf via un renouveau de la géométrie d'incidence et, comme je vous le dis, ces faisceaux cubiques et non plus linéaires, c'est au tout devant de la recherche. Comme le travail de Monsieur Vakil que je vous ai mis en lien. Qui reprend les travaux de mon grand-papa mathématique, Monsieur Beauville, du laboratoire... Dieudonné !! Tiens donc...
"Même résoudre l'équation cubique posée à Einstein à son bac en 1896 : x^3 - 14x - 12 = 0 n'exige que de suivre une recette élémentaire."
Le problème est que la méthode (qui existe) pour trouver la recette et non pas seulement appliquer la recette, elle nécessite bel et bien de se taper de la théorie de Galois et, implicitement, des faisceaux de cubiques. Cela m'occupe d'ailleurs beaucoup, ce réencodage des formes modulaires, ces doubles recouvrements de la droite projective, ces réseaux de Mordell-Weil, et tutti quanti, en ce moment...
Vous ne faites donc que tourner en rond autour d'une dualité entre syntaxe et sémantique. Algèbre = Syntaxe. Géométrie = Sémantique. Résoudre une cubique à la Einstein (dite "depressed cubic" dans la littérature) c'est axiomatiser ses racines. C'est la théorie de Galois: reconstruire la syntaxe et l'axiomatique à partir de la sémantique et de ses analogies internes, encodées sous le nom de groupes de Galois ou, mieux, de "modéloides" (affreuse terminologie). Reconstruire la sémantique à partir de la syntaxe, sens inverse, c'est la preuve du théorème de complétude de Gödel par Monsieur Henkin et le quasi-nazi Hasenjeager (qui géra, mal, la sécurité d'Enigma pendant la Seconde Guerre mondiale, et qui s'en est réjoui, d'avoir mal fait son boulot). Et c'est là de la logique appliquée, mon dada personnel. Ces deux problèmes sont équivalents, et même formellement duaux, en fait (prouvé dans mes notes). L'un n'est donc pas plus facile que l'autre. Contrairement à ce que vous pensez ; et contrairement aussi à ce que Jean Dieudonné pensait.
Mais, si vous faites attention au papier de Monsieur Connes, ancien professeur au collège de France, intitulé "L'hyperanneau des classes d'adèles", la question géométrique n'est toujours pas morte, et c'est un des angles d'attaque de Monsieur Connes pour la question des zeros de la fonction ζ de Riemann (un million de dollars à la clé).
"La classification (Théorème 5.1) des hypercorps extension finies de K est directement reliée à une question ouverte sur les géométries non-arguésiennes finies homogènes." -- Connes et Consani, 2011, page 86.
Ben oui... L'ombre géométrique de Ménélaüs, Ptolémé, Desargues, Pascal, Carnot, Poncelet, von Staudt, elle surplombe encore et encore les mathématiques même les plus modernes. Mais ce n'est pas enseignable à des taupins. Je ne vois pas comment cela le serait de nos jours. Si, déjà, ils arrivent à classifier les polyèdres réguliers de Platon à l'issue de la taupe, cela sera pas mal du tout. On verra pour le polytope à 120 cellules en quatre dimensions un peu plus tard, hein...
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@ Axelle D
Sur ces deux avant-derniers paragraphes au sujet de Monsieur Connes, mais pas les autres, l'accusation de Dunning-Kruger est justifiée. Quoique... je n'en suis pas complètement certain moi-même...
Rédigé par : F68.10 | 09 janvier 2023 à 15:42
@ F68.10
"Il est en large partie inutile d'apprendre la géométrie à l'ancienne"
Vous marchez là sur les traces de Jean Dieudonné, pour lequel "il faut apprendre à penser linéairement... libérer l'élève dès que possible de la camisole de force des figures traditionnelles... etc."
Je maintiens au contraire que la géométrie pure demande plus d'intelligence que l'algèbre ; par exemple trouver le lieu des centres des coniques d'un faisceau linéaire exige plus d'astuce qu'étudier le sens de variation d'une fonction, qui ne nécessite que de suivre un processus basique ; même résoudre l'équation cubique posée à Einstein à son bac en 1896 :
x^3-14x-12 = 0
n'exige que de suivre une recette élémentaire.
Rédigé par : Claggart | 09 janvier 2023 à 11:06
@ Axelle D
"Vous semblez manifestement atteint du syndrome de Dunning-Kruger."
Y a-t-il un point que vous souhaitez contester, Madame ?
Non, parce que quand on prétend que X ou Z raconte des âneries (et c'est bien ce que vous faites ici avec le "syndrome de Dunning-Kruger", qui est bel et bien une accusation d'incompétence), ce serait quand même la moindre des choses que de pouvoir pointer du doigt un point précis que vous contesteriez.
Il convient en effet de prendre un minimum de risques intellectuels quand on cherche à assassiner quelqu'un en mettant sa compétence en cause. Ne serait-ce que par politesse.
Et un truc m'échappe... Les gens qui sont lauréats de l'agrégation, quel est le titre avec lequel on est censé s'adresser à eux ? Proconsul ? Proviseur ? Profess... ?
Mince ! Cela m'échappe ! Je l'ai pourtant sur le bout de la langue... mais cela m'échappe... Alzheimer, sûrement...
Vous qui êtes si à cheval sur le respect de l'étiquette qu'on doit à chacun en fonction de son grade, rang, ou quartiers de noblesse, je ne doute pas que vous le sachiez !!
Vous pourriez me le rappeler ?
Rédigé par : F68.10 | 08 janvier 2023 à 01:43
C'est pourtant fondamental, Mary, ce que nous raconte F68.10, et l'anthropologie mathématique qu'il déploie n'est pas pour déplaire aux proustiens, cette inversion du géométrique et de sa mesure algébrique algorithmisée, cela résonne, ou raisonne, comme l'impression que l'artiste met avant l'intelligence, car seule gage de vérité pour mieux décrire la réalité.
Rédigé par : Aliocha | 07 janvier 2023 à 22:53
@ F68.10, 7 janvier 16:39
Vous semblez manifestement atteint du syndrome de Dunning-Kruger. Sur le blog de Philippe Bilger cela reste supportable dès lors que l'on peut facilement zapper vos pensums interminables et à répétition, mais si vous travaillez et pour vos collègues, ce ne doit pas être une sinécure !
Rédigé par : Axelle D | 07 janvier 2023 à 21:31
@ Aliocha
"Comme Claggart, l'évocation des coniques pascaliennes..."
Les coniques ne sont pas "pascaliennes". Elles furent étudiées dès l'Antiquité par Apollonius de Perge, et ce en réponse au problème de la duplication du cube qui, par certaines considérations de rapports se ramène aux coniques. Pascal, lui, est un élève implicite de Girard Desargues qui, le premier, prouva la propriété axiomatique dite arguésienne du plan en se basant sur la version planaire du théorème de Ménélaüs selon Ptolémée. La propriété arguésienne est une version déprojectivisée et décommutativisée du théorème de Pappus d'Alexandrie, et le théorème de Pascal sur les coniques que j'ai mentionné est une généralisation du théorème de Pappus qui lui n'est n'est qu'un cas particulier du théorème de Pascal quand la conique dégénère en un couple de deux droites. Voilà la filiation historique de ces travaux.
Mais l'innovation majeure de Pascal consiste en l'élucidation de la nature arguesienne des coniques et de leurs propriétés. Ce qui n'est pas rien car les propriétés des courbes elliptiques qui permettent à la cryptographie de fonctionner dérivent du même type de généralisations que Pascal a engagées, mais appliquées non à des coniques de degré 2 et de genre 0, mais à des courbes elliptiques de degré 3 et de genre 1. Pascal a fait le premier pas de la montée du théorème de Pappus / Desargues vers les courbes d'ordre supérieures. Celles dont Descartes avait prôné la classification et l'investigation méthodique dans l'Annexe "La Géométrie" du "Discours de la Méthode". (Annexe qui est systématiquement expurgée des publications contemporaines du Discours de la Méthode en vertu d'une séparation dogmatiquement artificielle des lettres et des sciences, vidant ainsi ce Discours des applications concrètes que Descartes avait en tête.)
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@ Vamonos
"Le triangle de Pascal peut se démontrer par récurrence, je le trouve aussi magique et majestueux qu’un sapin de Noël. Aussi transcendant que les identités remarquables, il est d’ailleurs utilisé pour les suites géométriques de Fibonacci."
L'intérêt de la méthode de sommation des n premiers nombres découvertes par Monsieur Gauß dans son enfance est bien de se passer (page 6 de ce papier de Giuseppe Longo) de la récurrence pour la troisième colonne du triangle dite de Pascal. C'est généralisable avec peine aux autres colonnes, mais il est loin d'être inconcevable qu'il y ait une méthode "synthétique", "globale", pour extraire la formule explicite des coefficients de ce triangle qui ne nécessite aucunement l'emploi de la récurrence. Elle n'a pas à l'heure actuelle été exhibée à ma connaissance (probablement parce que l'horreur connue sous le nom de nombres de Seki-Bernoulli et donc la fonction ζ de Riemann se cache derrière, tapie dans l'ombre) mais elle existe sûrement. Très probablement. J'ai toutefois ma petite idée...
Ce triangle n'est toutefois pas dû à Pascal. Pascal écrivit par contre un traité qui popularisa les propriétés combinatoires de ce triangle en vu d'applications probabilistes. C'est d'ailleurs Abraham de Moivre qui le premier exhiba les propriétés de la gaussienne en travaillant les propriétés asymptotiques de ce triangle. Mais ce triangle nous vient essentiellement de la transmission des mathématiques en provenance du monde arabe et musulman.
C'est d'ailleurs au motif de l'élaboration d'un dictionnaire en arabe que certains savants de l'âge dit d'or de l'islam ont les premiers manifesté un art de la combinatoire qui permit le calcul effectif des coefficients de ce triangle par des méthodes par récurrence ou par des formules explicites pratiquées implicitement. Cet art combinatoire s'est semble-t-il particulièrement développé au Maroc, bien avant les probabilités.
Mais ce triangle nous vient d'encore plus loin. On le retrouve dans les mathématiques indiennes sous le nom d'escalier du mont Meru (une version de l'axe du monde sous forme de montagne sacrée dans la cosmologie d'inspiration hindoue) et aussi pas mal dans les mathématiques chinoises, où il fait l'objet de plusieurs traités. Son utilisation était nécessaire pour plusieurs raisons liées: 1. les translations des équations polynomiales par décalage de l'inconnue par une constante 2. l'extraction de racines n-ième et - plus généralement, liant les deux points précédents - 3. la résolution numérique des équations polynomiales par la méthode de Ruffini-Horner, pour laquelle les Chinois avaient déjà depuis longtemps un goût et une pratique computationnelle assez raffinée. Les mathématiques chinoises traditionnelles semblent d'ailleurs avoir une compréhension intuitive et pratique de ce triangle que nous n'avons égalée qu'avec peine et inélégance en Occident au 20e siècle, comme avec Li Shanlan et son identité.
Cela étant, oui, ce triangle est lié à la suite de Fibonacci. Il suffit de tracer des diagonales de ce triangle avec un certain biais précis, et la somme des nombres de ce triangle sur ces diagonales donne la suite de Fibonacci. Nous avons toutefois fait quand même plus fort au 20e siècle que la suite de Fibonacci (due à l'Indien Pingala) avec les suites de Monsieur Somos, et en particulier la suite Somos-4.
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@ Claggart
"Du temps de ma math élém, les coniques étaient une source de problèmes qui nécessitaient une réelle intelligence dans la vision et le raisonnement. Malheureusement, aujourd’hui, la géométrie pure n’est plus au programme, les maths le sont à peine vu le niveau de précipice que je constate lors des coups de main que parfois je donne à mes petits-enfants."
C'est une évolution naturelle et nécessaire. Quand il nous a fallu développer des formes plus raffinées de géométrie avec des courbes d'ordre supérieures puis le calcul différentiel, nous étions face à un choix: 1. suivre l'approche analytique et algébrique de René Descartes pour ces courbes, celle qui est devenue usuelle ou 2. se taper l'approche dite organique des courbes de Colin Maclaurin, avec l'approbation de Newton, qui permettait de construire ces courbes d'ordre supérieures par la méthode dite des pédales. Prendre des droites, des points glissants dessus, tracer des droites passant par ces points, conserver les angles d'intersection constants et... voilà ! vous avez vos courbes d'ordre supérieures... ici le lien entre conique et cubique via une "pédale".
C'est une magnifique théorie et construction, mais il n'est pas bien difficile de comprendre pourquoi, vu son aspect de mindfuck géométrique, l'approche algébrique et analytique de Descartes lui fut préférée. L'algèbre mit bien 1500 ans à émerger de la géométrie grecque, prenant d'ailleurs racine dans le théorème de géométrie sphérique de Ménélaüs pour faire de la trigonométrie sans trigonométrie (car sans tables de sinus et de cosinus, alors pas encore calculées) au motif de l'astronomie.
Ce sont les Arabes qui les premiers ont eu l'idée de traiter les quantités indéterminées de manière algébrique, puis les Italiens et Européens qui l'ont extraite de la gangue géométrique. En partie par perte de continuité historique et fossé linguistique avec l'arabe, ainsi que par nécessité pratiques aux fins du commerce et du pognon avec les algébristes italiens, ou de la cartographie avec Oronce Fine, premier professeur de mathématiques du collège de France, et quadrateur de cercles... Verdict: l'algèbre est désormais là pour rester. Au détriment de la géométrie.
De nos jours, il est en effet en large partie inutile d'apprendre la géométrie à l'ancienne. Les problématiques de géométrie plane et de coniques ont été disséquées presque jusqu'à l'os, et l'essor du computationnel annihile l'utilité pratique d'une large part des mathématiques et de celles-ci en particulier. Calculateur professionnel était un boulot correct avant l'avènement des ordinateurs. Ce n'est plus le cas, et les mathématiques deviennent donc plus conceptuelles si ce n'est abstraites, en conséquence de ce mouvement. L'algèbre est donc devenu le cadre essentiel pour faire de la géométrie. Et le triangle est bel et bien mort, comme l'aurait dit le mathématicien Dieudonné, qui voulait explicitement l'enterrer dans les années 60. Paradoxalement, le triangle fait aussi un come-back sournois et violent avec des choses comme la théorie des immeubles de Jacques Tits, mais il ne le fait qu'en adressant des points encore plus abstraits et fondamentaux qu'on ne le fait actuellement par l'algèbre.
Les mathématiques et la géométrie sont donc en un sens victimes de leur succès. Plus elles sont mises en pratique, plus elles sont algorithmisées, plus elles sont computationnalisées, plus elles fuient dans l'abstrait et le fondamental à la recherche de problèmes nouveaux et de futures applications. Ce qui est par contre dommageable, c'est bien la perte de culture historique et donc de profondeur dans la compréhension. À titre d'exemple: le renouveau de la géométrie plane et projective au 19ème, qui fit la réputation de l'École Polytechnique, prend racine dans la lettre de Lazare Carnot, ministre de la guerre, à l'abbé Charles Bossut en 1800. (Semble-t-il qu'un ministre de la guerre, en 1800, cela a beaucoup de temps à "perdre"...). Il y redécouvrit, en mieux, plus joli, plus explicite, ce qui était connu des Grecs dans l'Antiquité: le théorème de Ménélaüs. En cherchant comment faire de la trigo sans trigo, il redécouvrit ce que les Grecs connurent et ce que les tables trigonométriques nous firent oublier par manque d'utilité pratique.
Et c'est là à mon sens un des actes fondateurs majeurs de l'école de géométrie française à la sauce de l'X. Lisez ce texte, il est abordable et recèle en germe tout ce que les taupins de votre génération peinaient à comprendre en géométrie: la théorie dite des transversales de Brianchon, qui vint à la suite de Carnot, et qui "dualisa" ainsi le théorème de Pascal dont nous avons parlé. Il n'y a de secrets, de trucs, ou d'astuces, que pour ceux qui ne savent pas lire... ou pour les taupins qu'on bizute mathématiquement ainsi.
Les mathématiques ne sont donc pas qu'une technique, qu'un instrument de sélection, qu'un truc à faire des ingénieurs. C'est une part intégrante de notre culture. Elles ont une histoire, et l'étude de cette histoire n'est pas stérile. Toute l'histoire médiévale de la gnomonique pour la géométrie, par exemple, i.e. la construction des cadrans solaires... Apprend-on cet aspect culturel en cours de maths à l'école ? Les professeurs ont-ils la liberté pédagogique de donner cette profondeur-là ? Ou simplement la volonté ou l'opportunité ? Pas certain... Que juge-t-on quand on parle de "niveau" ?
Le "niveau"... que voulez-vous que je vous dise ?.. le monde moderne subit un tel changement que je pense plus important de nous soucier de la possibilité aux aspirants mathématiciens ou scientifiques de satisfaire leur envie tôt et d'être encouragés si ce n'est reconnus pour cela. Produire tôt, publier tôt, plutôt que d'être une bête à concours. Quant aux autres, ils s'en tapent, et, à force de les gonfler avec les concours et la (semi-défunte) sélection par les mathématiques, nous nous préparons une révolte à la mode d'Idiocracy. Tout le monde ne peut en effet pas réussir. Rendons la vie la plus facile possible à ceux qui ne peuvent pas réussir et permettons à ceux qui sont capables de réussir de valoriser leur envie plutôt que de les forcer à réussir sous la contrainte de la pression sociale et les fourches caudines des concours. Autorisez l'enthousiasme, mettez-le entre de bonnes mains, et vous en aurez de l'enthousiasme. Si, par contre, tout le monde se met à cracher sur les sciences, nous nous préparons tout simplement une régression. Idiocracy.
Rédigé par : F68.10 | 07 janvier 2023 à 16:39
@ Aliocha | 30 décembre 2022 à 08:45
En ces temps de fêtes évitons tout ce qui tort l'estomac.
Je fais partie des milliers de citoyens enrhumés sévèrement mais rien d'exceptionnel, à part un sirop et pas grand-chose d'autre, je prends mon mal en patience... J'ai gardé un côté écolier, j'écoute en classe, vacciné sous toutes les coutures, grippe comprise, j'attends que cela passe.
J'espère que je ne vous ai pas contaminés, vous ne risquez pas grand-chose, mon test était une fois de plus négatif.
Rédigé par : Giuseppe | 30 décembre 2022 à 09:53
Allons, Giuseppe, ne vous faites pas plus fruste que vous n'êtes, ce serait confondre la toute simplicité d'un mur droit et du travail bien fait avec les vindictes perpétuelles de ce monde désaxé.
Je vous ressers un peu de pâté Lassalle au confit d'Haïm, ou répond à votre invitation à contempler le panorama céleste qui invite au silence nécessaire à l'écoute du grand Tony ?
Céline, quant à lui, a choisi la mise à mort, le silence l'ennuie, cela ne signifie pas qu'il n'y aurait pas d'autre divertissement.
Joyeuses fêtes, cher vaillant.
Rédigé par : Aliocha | 30 décembre 2022 à 08:45
@ Aliocha | 29 décembre 2022 à 06:53
C'est mon moment avec vous, ça semble poétique ce que vous écrivez, mais je dois être un peu fruste pour apprécier. Vous savez j'ai toujours un peu de mal à me défaire du théodolite.
Bonnes fêtes !
Cadeau ! J'adore l'écouter, j'espère qu'elle vous plaira. En parlant corrida, les associations d'idées... Un final digne des dieux dans un même souffle dans des aigus inoubliables que seuls quelques surnaturels peuvent atteindre:
https://youtu.be/DgZW2VTInL0
Rédigé par : Giuseppe | 29 décembre 2022 à 21:12
@ Axelle D | 28 décembre 2022 à 11:51
Les pauvres... Je les plains un peu... Je taquine, vous êtes too much.
Rédigé par : Giuseppe | 29 décembre 2022 à 15:20
Chapi-chapo-tougoudou...
Comme Claggart, l'évocation des coniques pascaliennes me ramène au temps passé qui jamais ne revient, sauf à reconnaître en sa résurgence mémorielle l'instant d'éternité de ce moi si lointain, perdu dans une transmission qui ne s'opère plus au bénéfice des hypocrisies de l'oubli.
Parfum de madeleine au thé d'éternité, inégalité d'un pavé sous le soulier, la droite mystique et magique du génie dessine alors, exactement comme à l'époque pour celui que j'étais, un rêve de consensus des segments opposés définis par les points aléatoires que nous sommes au cercle de la vie, qui toujours nous ramène à sa définition, notre moi n'existe qu'en relation à autrui.
Rédigé par : Aliocha | 29 décembre 2022 à 06:53
Je n’ai pas connu math élémentaire, mais en Terminale C, le mathématicien Pascal m’avait fait rêver, j’avais tenté le rapprochement entre Thalès et Pascal quand la prof avait fait crisser la craie blanche sur le tableau noir. La beauté mystique de Pascal m’avait subjugué.
Le triangle de Pascal peut se démontrer par récurrence, je le trouve aussi magique et majestueux qu’un sapin de Noël.
Aussi transcendant que les identités remarquables, il est d’ailleurs utilisé pour les suites géométriques de Fibonacci.
. . . . 1……
. . . . 1 2 1…(a+b)^2 = 1a^2 + 2 a b + 1b^2
. . . . 1 3 3 1….
. . . 1 4 6 4 1 …
. . 1 5 10 10 5 1..
. 1 6 15 20 15 6 1.
1 7 21 35 35 21 7 1
Rédigé par : Vamonos | 29 décembre 2022 à 03:00
@ F68.10 28 décembre 16 h52
Du temps de ma math élém, les coniques étaient une source de problèmes qui nécessitaient une réelle intelligence dans la vision et le raisonnement. Malheureusement, aujourd’hui, la géométrie pure n’est plus au programme, les maths le sont à peine vu le niveau de précipice que je constate lors des coups de main que parfois je donne à mes petits-enfants.
Merci de m’avoir rappelé mes 17 ans.
Rédigé par : Claggart | 28 décembre 2022 à 21:45
@ Giuseppe
"D'ailleurs pour commencer, cette allusion à Pascal me fait penser - mais je n'en suis plus sûr - que le mathématicien avait introduit au niveau de la roulette et de fait de la boule, le 5 blanc qui faisait perdre."
La performance mathématique la plus époustouflante de Pascal, c'est le théorème dit de Pascal sur les six points inscrits dans une conique.
Vous prenez un cône à base circulaire dans l'espace. Et un plan dans l'espace. Leur intersection décrit ce qu'on appelle une section conique. Prenez six points sur ladite conique. Reliez ces six points. Vous obtenez l'hexagramme mystique de Pascal. Les trois points d'intersection des trois paires de segments "opposés" sont alors "magiquement / mystiquement" alignés dans une droite, dite droite de Pascal.
En image.
C'est un théorème nettement plus important et plus profond qu'un simple jeu géométrique.
Il fait partie de toute une série de théorèmes fondamentaux qui traversent les mathématiques depuis les Porismes d'Euclide jusqu'à... Itaï Ben Yaacov ? Et qui forment un domaine de recherche encore bien actif bien que restreint, semble-t-il, à quelques "initiés". Des logiciens, de nos jours, essentiellement.
Malheureusement, Leibniz a paumé la preuve de Pascal... et elle ne nous est pas connue.
Si le théorème de Pascal était faux, une conique pourrait admettre plus d'une droite ne l'intersectant qu'en un unique point. Nous ne pourrions alors pas avoir de notion de tangente aux coniques bien définies. Donc pas de calcul différentiel. Pas de dérivés. Pas de mathématisation de la physique. Si le théorème de Pascal était faux, nous ne pourrions pas distinguer une racine simple d'un polynôme d'une racine multiple. Toutes les mathématiques s'effondreraient. Et en travaillant les conditions du théorème de Pascal, il est possible de construire de telles géométries où tout cela s'effondre.
Je me permets de vous communiquer le document original de Pascal, sur le site Gallica de la Bibliothèque Nationale de France.
Rédigé par : F68.10 | 28 décembre 2022 à 16:52
« Avec la permission de Pascal... » (PB)
Rendons hommage à celui qui a été grâce à son intelligence ouverte un des précurseurs de la méthode scientifique dans son esprit et dans sa démarche de ne pas avoir confondu science et scientisme, ce qui l'aurait rabaissé au niveau du sordide personnage de roman qu'était le pharmacien Homais sous la plume de Flaubert...
Rédigé par : Exilé | 28 décembre 2022 à 13:46
@ Giuseppe
Vous vous décrivez fort bien en projetant vos propres travers et défauts de bête et méchant personnage à l'esprit étriqué sur la femme épanouie et appréciée de son entourage que je suis.
Rédigé par : Axelle D | 28 décembre 2022 à 11:51
@ Axelle D | 27 décembre 2022 à 22:34
Décidément vous devez être une vieille dame acariâtre, voire grincheuse, vous démarrez au quart de tour et sans manivelle... Allez, bonnes fêtes de fin d'année, j'espère que le père Noël vous a gâtée d'un peu de souplesse et de recul de vue. Je taquine bien sûr.
Rédigé par : Giuseppe | 28 décembre 2022 à 09:49
@ Giuseppe | 27 décembre 2022 à 21:08
Vous n'êtes décidément pas à un mensonge près pour faire le kéké !
Malheureusement pour vous, la plupart des contributeurs et lecteurs réguliers de ce blog savent lire et pourraient témoigner de votre mauvaise foi concernant cette histoire de champion du Ventoux. Sachant que c'est uniquement à la suite de l'étalage de vos "présumées" prouesses sportives alliées à vos continuelles vantardises en matière d'ascension en vélo que j'avais écrit que faire le Ventoux en 2h10 au départ de Bédoin, à 70 ans passés, ce n'était pas mal non plus, ainsi que l'avait fait un de mes amis qui lui, justement, ne se prend pas pour un champion... Ce qui avait déclenché votre ire et vos sarcasmes !
Rédigé par : Axelle D | 27 décembre 2022 à 22:34
@ Achille | 27 décembre 2022 à 16:47
et accessoirement Axelle D et son champion du Ventoux.
D'ailleurs pour commencer, cette allusion à Pascal me fait penser - mais je n'en suis plus sûr - que le mathématicien avait introduit au niveau de la roulette et de fait de la boule, le 5 blanc qui faisait perdre.
Quand jeunes sans le sou nous allions regarder en curieux au casino (de province), les plus téméraires qui appliquaient la martingale du rouge ou du noir: en doublant la mise sans changer de couleur, il fallait bien que ça gagne... Certes c'était du petit bras (très petit), et il fallait que ce maudit 5 ne soit pas trop de sortie.
2 je perds, 4 je perds, 8 je perds, 16 je gagne et donc ma mise est payée.
J'ai perdu 14 mais j'ai gagné 16... Il fallait être très patient ou alors appliquer pour les amateurs, les études du livre "Le hasard vaincu"... Un autre temps... Mais pour perdre beaucoup surtout.
Bon aujourd'hui, pour la Vététiste du blog, c'était pelouse souple, soleil du plus bel effet, et pour ceux qui ne connaissent pas le plus beau panorama du monde
Rédigé par : Giuseppe | 27 décembre 2022 à 21:08
@ Giuseppe | 27 décembre 2022 à 14:40
« Ouf, j'ai pris peur j'ai pensé à Praud... »
Mais non, c’était avec la permission de Pascale, sans qui ce blog n’existerait pas ! 😉
Rédigé par : Achille | 27 décembre 2022 à 16:47
"Avec la permission de Pascal..." (PB).
Ouf, j'ai pris peur j'ai pensé à Praud...
Rédigé par : Giuseppe | 27 décembre 2022 à 14:40
La haine réciproque fonde notre identité culturelle, accuser la nature n'est qu'une manière de se défausser de sa propre responsabilité, avoir un bouc émissaire, c'est ne pas savoir qu'on l'a, ou le dénier, ce qui revient au même.
Il suffirait à notre hôte de se rende compte que l'intrusion d'autrui dans son propre espace s'accompagne du même phénomène chez celui-ci, pour que sa lucidité remarquable sur lui-même l'amène au constat que la privatisation de son être est un état préalable partagé avec l'autre, dont la conscience qu'on peut en avoir détermine une accession commune au partage universel de cette réalité, sur laquelle alors il serait possible de fonder communauté sans désigner un artefact rituel qui permet à chacun de ne pas faire cet effort sur lui-même.
Le sentiment d'être étranger à une communauté permet d'apercevoir quel mensonge définit celui d'être un frère digne d'en être, permet de ne plus confondre la vie du monde avec le monde de la vie, et à quel effort sur soi-même nous sommes invités pour être au monde sans en être, accédant à ce lieu unique du cœur humain où le renoncement à la haine réciproque est condition nécessaire et suffisante à l'amour du prochain, qui renvoie le démon intérieur du moi, qui ne sait se définir que contre l'autre, à ce qu'il est, rien, rien qu'un mensonge qui ne sert plus qu'à ne pas éprouver la souffrance de se sentir étranger au prix de la corruption de la perception de cette réalité.
Pascal témoigne avec acuité combien sont peu les justes qui ont la chance insigne d'être frappés par la grâce d'être exclus tout en sachant pardonner, ouvrant le compagnonnage sur la route d'Emmaüs qui seul permet d'envisager sereinement un avenir pour l'humanité sous un autre soleil que la haine, laissant ceux qui voudrait se réclamer d'elle choisir de retourner au rite ancien par incapacité à admettre l’acceptation d’un ordre commun qui ne serait plus fondé sur l’ordre sacrificiel, mais sur la prise de conscience personnelle de la nécessité de renoncer individuellement à la royauté factice de son moi, chacun renonçant à son pouvoir personnel au bénéfice de la santé paisible du groupe, reconnaissant l’exacte frontière qui n’est pas définie par nous mais que nous sommes à même de discerner depuis la révélation évangélique, la frontière entre l’amour et le ressentiment.
Là est le jugement et là est l’ordre qui ne peut se formuler que dans le cadre intime de nos relations personnelles, qui nous permettrait d’exercer notre liberté souverainement en pleine conscience de la grâce qui nous est faite de pouvoir y accéder, ayant alors latitude de combattre l’ennemi qui nous entraîne sans cesse par sa ruse à le haïr, à admirer la force et à retourner à nous mentir sur nous-même pour nous en protéger, refondant sur la révélation l’illusion que nous pourrions en éviter les souffrances de sa blessure narcissique, alors que la grâce ne nous protège que de sa corruption, et nous invite à choisir avec courage le chemin qu’elle nous indique clairement, ou à le refuser en connaissance de cause.
https://teuwissen.ch/imlift/wp-content/uploads/2013/07/Weil-L_Iliade_ou_le_poeme_de_la_force.pdf
Aussi, chaussés des escarpins de la foi qui protège, dansons sur ce fil acéré de la réalité.
La vérité alors ne nous corrompt plus, mais nous permet de la servir en admettant de partager la souffrance absolue avec ceux qui savent quels sont les pierres qui pavent les chemins de la joie:
https://www.youtube.com/watch?v=GA35ecgIIRQ&t=3s
Rédigé par : Aliocha | 27 décembre 2022 à 07:32
@ Michel Deluré | 26 décembre 2022 à 17:13
"Mais le génie, qu'il soit de Pascal ou de quiconque, est-il exclusif de tout bon sens ? Pascal n'est-il pas plein de bon sens lorsqu'il affirme : « Qu'est-ce que l'homme dans la nature ? Un néant à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout... »"
Le génie, en tout cas la conception que j’en ai, est une faculté exceptionnelle qui permet justement d’échapper au bon sens dans des domaines aussi variés que les sciences, la philosophie et les arts.
Il permet de voir plus loin que l’horizon des évidences et donc de remettre en cause des certitudes solidement établies puisées dans des livres saints écrits à une époque où la compréhension du monde était très limitée.
La Terre centre de l’Univers, la création du monde expliquée dans la Genèse nous paraissent terriblement désuètes et surtout fausses aujourd’hui avec les connaissances acquises par la science.
Mais le génie de Pascal ne l’empêchait pas d’être croyant, comme de nombreux grands scientifiques l’ont été avant et après lui.
Heureusement ce don n’est pas réservé aux seuls athées. La foi aussi dépasse la notion de bon sens.
Nous sommes dans un monde complexe qui nous dépasse.
Rédigé par : Achille | 27 décembre 2022 à 06:57
@ Hélène Andriant | 26 décembre 2022 à 15:06
Seule femme peut décocher de telles vacheries…
(Ne pas se méprendre, c’est un compliment…)
Rédigé par : sbriglia | 27 décembre 2022 à 06:37
@ Hélène Andriant | 26 décembre 2022 à 15:06
"À travers tout un billet à vous dédié"
Contribuer sur le blog de Philippe Bilger est plus qu'un atelier d'écriture, c'est une expérience d'écriture collective dont l'université devrait étudier le résultat, je ne sais trop sous quel angle. Notre hôte nous fait ici participer à son autoanalyse. Grâces lui en soient rendues.
"vous vous définissez comme timide et quasi misanthrope. Je n'ose imaginer ce qu'eût été votre exposition médiatique avec d'autres dispositions de caractère..."
Mon hypothèse: elle aurait été moindre. Ce billet me fait comprendre pour la première fois que le ressort intime de l'exposition médiatique de Philippe Bilger qui parfois m'indispose est non seulement ce que lui-même appelle sa "timidité" et son "déplaisir d'être en société", mais ce que Tipaza appelle avec un grand bonheur de formulation sa "misanthropie sociale", condition de possibilité (comme on dit dans la langue un peu cuistre de la philosophie: je me réjouis d'avoir étudié la Généalogie de la morale sous l'égide de Patrick Wotling cité dans un autre commentaire) d'"interviews modèles de sérénité" et de maïeutique, comme si l'écrin de la sérénité et l'approfondissement d'une personnalité étaient pour notre hôte un moyen de surmonter l'antipathie défensive que suscite chez lui l'autre approché, approche distanciée au cas où l'autre lui volerait de l'espace mental ou de la tranquillité d'esprit, par son absence de retenue, Philippe Bilger étant insupporté par la vulgarité, au-dessus de tous les vices de société.
Notre hôte ne se met pas en position de surplomb, mais à couvert et à distance pour retrouver la fraternité. À son opposé, sans méconnaître la valeur de la pudeur, je ne sais vivre qu'à découvert.
"Le démon est en nous, c'est une évidence" (PB)
Voir le diable, c'est voir son double. On se croit malin de voir le diable et on se dit qu'à malin malin et demi, mais le fait est qu'on le voit et ce n'est pas jojo (comme le disait François Hollande au sortir de chez les Massonneau, nous apprend Valérie Trierweiler dans "Merci pour ce moment", référence décalée).
"Le moi est certes haïssable" comme l'analyse remarquablement Marc Ghinsberg commentant Pascal, et j'ai souvent trouvé cet alibi pour déclarer forfait au combat spirituel que je suis (entendez mon "moi" est) un ennemi trop puissant pour que je puisse le combattre. Alibi que démentit un prêtre à qui je le confiai: "On ne peut pas éviter le combat spirituel, on ne peut pas y échapper". "Car échapper au sacrifice de soi", complétait un autre prêtre, "c'est avouer qu'on est prêt au sacrifice de l'autre". Sans doute. Mais le "moi" ne peut pas s'oublier, pour répondre à ceux qui pensent qu'on peut échapper à ses malversations par l'oubli de soi. Le "moi" s'il est haïssable, s'il est méprisable, est également inoubliable. Mais surtout, je ne crois pas que le "moi" soit intrinsèquement notre ennemi comme le diable est l'ennemi de nos âmes. Le "moi" ne nous veut pas de mal, il nous en fait faire. L'enfer, ce n'est pas les autres, c'est le moi, mais c'est un enfer par voie de conséquence. Nous avons un ennemi intérieur et ce n'est pas le moi, c'est le diable.
Reste à nous demander si nous devons aimer jusqu'à nos ennemis intérieurs. J'aurais tendance à croire que nous devons aimer ceux-là tous les premiers. Mais le moi n'est pas un ennemi intérieur, le moi nous est extérieur. C'est une simagrée de déguisement voulue par le diable pour nous faire prendre une vessie, le moi pour une lanterne, "le soi". S'aimer soi-même, ce n'est pas aimer le moi, c'est aimer le "soi" en nous, le "soi" en moi. A contrario, je crois que, parce que le diable est notre ennemi intérieur, nous devons l'en aimer davantage comme le dit Annick de Souzenelle, mais l'aimer sans la moindre complaisance. Étant entendu qu'on ne peut aimer Dieu de tout son coeur, de toute son âme et de tout son esprit et nous aimer les uns les autres que moyennant ce préalable de l'amour de soi et qu'en puisant à cette source dont l'eau n'est pas grumeleuse comme lorsque nous croyons aimer pour Dieu en nous valorisant dans cette fausse humilité.
Mais par quelle fatalité non pas les hommes se haïssent naturellement comme le dit Pascal qui exagère en étant coutumier de ce mode d'enseignement qui fait comprendre, mais nul ne peut aimer tout le monde sans avoir des sympathies et des antipathies ? Je ne m'explique pas ces dissensus, ces ressentiments, ces rejets inutiles.
Rédigé par : Julien WEINZAEPFLEN | 27 décembre 2022 à 04:32
Les affinités sont électives et l'injonction de s'aimer les uns les autres est interne à la communauté chrétienne, pour donner un témoignage qui donne envie aux autres d'être des disciples du Christ, exactement comme le commandement "Tu ne tueras pas" (ou "Tu n'assassineras pas") est interne au peuple d'Israël, à qui Dieu demande au chapitre suivant d'exterminer tous les Amalécites, femmes et enfants compris...
Peut-on aimer pour l'exemple, surtout si l'exemplarité demandée est aggravée de cette parole qui sonne comme un chantage : "Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande." Peut-il y avoir un commandement d'amour ? L'amour se commande-t-il ?
Et peut-on se satisfaire de ne pouvoir aimer tout le monde ? Je m'en désole, moi que console l'idée que l'appartenance à l'Eglise nous fait appartenir à un seul corps dont, si un membre souffre, tous les autres organes souffrent aussi.
Quand je vous écoute aux "Vraies voix" ou ailleurs, je sens, sinon de la suspicion envers vos interlocuteurs de rencontre, du moins de la retenue dubitative. Vous n'épousez l'âme du peuple que par éthique personnelle et vous n'êtes pas le dernier à dégainer sur les réseaux sociaux.
Rédigé par : Julien WEINZAEPFLEN | 26 décembre 2022 à 21:21
"Heureusement, chez beaucoup, la culture est là pour réparer les ravages de la nature qui, selon Pascal, rendrait fatale la haine réciproque." (PB)
Certes, mais malheureusement, chez beaucoup plus, la culture sème les ravages de la nature qui, selon moi, rend fatale la haine réciproque...
Encore que ladite haine "réciproque", nous la voyons plus de la part des gauchos et immigrés envers les Français que l'inverse - pour preuve que le fondu du moment est bien seul.
Rédigé par : Xavier NEBOUT | 26 décembre 2022 à 21:10
Les apports de Pascal aux mathématiques et aux sciences physiques sont considérables. Mais son apport à l’anthropologie, science de l’homme par excellence, c’est-à-dire à la connaissance du comportement des hommes, de leur histoire, de leurs croyances, est plus considérable encore et toujours autant d’actualité.
Rédigé par : Denis Monod-Broca | 26 décembre 2022 à 20:11
Notre "État de droit" à force de faire l'ange avec les racailles, les assassins au détriment de toutes les victimes, fait la bête.
Ces racailles, ces assassins "déséquilibrés" ont un libre arbitre, il me semble. Ils pourraient aussi choisir un autre parcours.
Mais ces pauv' chéris ont des circonstances atténuantes.
Papa, maman n'étaient pas gentils. Le quartier où ils vivent n'est pas beau, etc.
Ce sont de pauvres victimes. Et patati et patata.
Rédigé par : Isabelle | 26 décembre 2022 à 18:27
Entre la recommandation suivante :
"Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés (Saint Jean 15-17)"
Et le premier et le deuxième commandement :
"Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ton âme, de toutes tes forces. Et tu aimeras ton prochain comme toi-même." (Marc 12:31)
il me semble qu'il y aurait matière à réflexion : à savoir n'est-il pas primordial de commencer par s'aimer par soi-même et travailler à son propre épanouissement avant de prétendre formuler des recommandations et donner aux autres ce dont on n'a aucune idée et qui parfois nous manque gravement ? Sachant que l'amour don de Dieu commence, forcément, par soi, que l'on ne peut donc le partager qu'en ayant pris conscience de la réalité et de l'authenticité de ce précieux héritage nous invitant à la fois à la modestie concernant nos propres mérites et au partage si nous avons beaucoup reçu (voir l'histoire des talents).
Rédigé par : Axelle D | 26 décembre 2022 à 17:33
@ Achille 26/12/22 08:05
Plutôt que de se référer au « génie de Pascal », vous invitez notre hôte à faire appel à son propre bon sens.
Mais le génie, qu'il soit de Pascal ou de quiconque, est-il exclusif de tout bon sens ? Pascal n'est-il pas plein de bon sens lorsqu'il affirme : « Qu'est-ce que l'homme dans la nature ? Un néant à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout... »
L'homme n'est-il point finalement un sujet extraordinairement complexe à appréhender, au point que Montaigne, qui s'y connaissait en matière de bon sens, prétendait dans ses Essais : « Certes, c'est un sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant que l'homme. Il est malaisé d'y fonder jugement constant et uniforme. »
Rédigé par : Michel Deluré | 26 décembre 2022 à 17:13
À travers tout un billet à vous dédié, vous vous définissez comme timide et quasi misanthrope. Je n'ose imaginer ce qu'eût été votre exposition médiatique avec d'autres dispositions de caractère...
Rédigé par : Hélène Andriant | 26 décembre 2022 à 15:06
Cher Philippe Bilger,
En ce 26 décembre, jour férié dans la région de votre enfance, je tiens à vous rassurer : vous ne connaîtrez pas le sort funeste de saint Etienne, lapidé pour avoir évoqué Dieu.
Et pour cause, c’est vous-même qui battez votre coulpe, convaincu que la distance naturelle que vous gardez avec votre prochain serait une faute morale dont vous devriez vous repentir.
À tort me semble-t-il, tant la circonspection et la prudence à l’endroit d’autrui sont des réflexes naturels de défense.
Vous n’êtes cependant pas imprégné, dites-vous, de la moindre honte, et vous avez bien raison ; chacun, de par sa nature, son éducation, son caractère, son environnement, aborde l’autre différemment, et c’est tant mieux.
Prudence est mère de sûreté, surtout lorsqu’on apprend de la bouche de Pascal que « l’homme n’est ni ange, ni bête, et le malheur veut que qui fait l’ange fait la bête ».
Chacun, au cours de son existence, se rend compte combien une confiance trop vite accordée et une générosité trop grande peuvent se retourner contre soi, et nous transformer en démon.
Ce qui est vrai sur le plan personnel l’est aussi au niveau de la communauté nationale.
Soumis depuis cinquante ans à la dictature rousseauiste d’une vision idyllique de l’Autre, nous avons ouvert notre cœur et nos frontières à tous les vents de l’immigration ; nous étions persuadés que cette générosité allait déteindre sur ces nouveaux arrivants à qui nous allions inculquer nos valeurs.
Las, nous goûtons chaque jour davantage les fruits amers de notre altruisme, de notre prétention et notre candeur. Mais nous sommes pourtant (encore ?) persuadés que c’est le seul chemin conforme à nos valeurs.
Puisse votre tempérance servir urgemment d'exemple aux élites qui nous gouvernent !
Rédigé par : Florestan68 | 26 décembre 2022 à 14:37
CONTRASTE
J'écoute chaque matin l'émission « Avec philosophie » sur France Culture. Ce lundi 26 décembre, les deux invités étaient Céline Denat et Dorian Astor. Tous deux ont notamment publié un « Dictionnaire Nietzsche ». La première a écrit son dictionnaire avec Patrick Wotling, autre grand nietzschéen. Le second a dirigé son dictionnaire, en collection Bouquins, avec une trentaine d'autres auteurs.
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/avec-philosophie/tout-n-est-il-qu-interpretation-6902537
L'émission a été du plus haut niveau et je l'ai suivie la plume à la main. C'était éclairant et passionnant.
L'émission s'arrête à 11 h comme d'habitude. Pourquoi ai-je titré « Contraste » ? Parce que l'émission suivante « Cultures Monde » était consacrée… aux marabouts et aux féticheurs. Autre genre. Non merci, sans façon.
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/cultures-monde/marabouts-feticheurs-conjurer-les-malheurs-5936730
Rédigé par : Patrice Charoulet | 26 décembre 2022 à 14:15
De ce billet en forme de confession ou d'aveux spontanés, je retiendrai ceci :
"Je ne crois donc pas qu'on puisse établir le moindre lien entre mon fréquent déplaisir d'être en société et mes convictions de toutes sortes qui, sur les plans intellectuel, médiatique et politique, ne se sont jamais embarrassées d'hypocrisies et de faux-semblants."
Lorsque l'on sait que :
- Vous avez passé votre vie professionnelle à vous confronter, vous affronter aux autres
- Vous pratiquez des interviews modèles de sérénité
- Vous avez ouvert un blog parmi les meilleurs
- Vous participez à des talk-shows télé
On peut conclure, et le diagnostic est facile, que vous êtes atteint d'une affection rarissime et même unique :
la misanthropie épanouie, parfaitement sociable et extravertie.
De quoi rendre malade n'importe quel psy qui aurait la prétention de soigner cette non-affection.
Surtout ne changez pas, c'est parfait.
J'allais dire plus que parfait, mais grammaticalement le plus que parfait est relié au passé et je ne voudrais pas vous froisser.
Pourtant l'avantage du passé est qu'on peut sélectionner ce que l'on conserve, sélection impossible dans le présent.
Avoir un passé à soi tout seul, ne le partager qu'avec ceux que l'on aime, voilà un plaisir opposable au présent, "déplaisir d'être en société", que vous n'aimez pas.
Ceci dit, faire référence à Pascal, janséniste s'il en fut, au lendemain d'un réveillon de Noël montre que vous avez le champagne légèrement tristounet. Un conseil, changez de marque, je vous conseillerais bien le Ruinart rosé, mais après avoir conseillé le kirsch de Zoug il n'y a pas longtemps, j'ai peur de passer pour un alcoolique alors que je ne suis qu'un épicurien, l'opposé de Pascal en quelque sorte. ;-)
Rédigé par : Tipaza | 26 décembre 2022 à 13:52
@ Marc Ghinsberg | 26 décembre 2022 à 10:39
« Quel est le remède ? Soyez modeste et tournez-vous vers Dieu plutôt que vers vous-même, nous dit Pascal.
Que ceux qui se réclament de nos racines chrétiennes y réfléchissent ! »
Excellente analyse ! D’autant que de nos jours Dieu, notre créateur, a bien du mal à reconnaître les siens ! :)
Rédigé par : Achille | 26 décembre 2022 à 11:47
L'homme était pour Pascal un sujet d'interrogations, qui se demandait quelle chimère celui-ci pouvait donc bien être, habité qu'il était par tant de contradictions, le constatant à la fois « juge de toutes choses, imbécile ver de terre, dépositaire du vrai, cloaque d'incertitude et d'erreur, gloire et rebut de l'univers ».
Mais il reconnaissait cependant en l'homme cette spécificité qui résidait dans la capacité qu'il avait de penser qui le différenciait du reste de l'univers. Toute la dignité de l'homme résidait donc pour lui dans la pensée : « Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale ».
À voir l'évolution de notre société, il faut croire que l'enseignement de Pascal est loin d'avoir été retenu !
Rédigé par : Michel Deluré | 26 décembre 2022 à 11:17
Pascal a donc écrit : « Tous les hommes se haïssent naturellement l'un l'autre ». Cette pensée en évoque immédiatement une autre qui l’éclaire : « Le moi est haïssable ». Écoutons ce que dit Pascal : « Le moi est haïssable. Ainsi ceux qui ne l'ôtent pas, et qui se contentent seulement de le couvrir, sont toujours haïssables… En un mot le moi a deux qualités ; il est injuste en soi, en ce qu'il se fait le centre de tout ; il est incommode aux autres, en ce qu'il le veut asservir ; car chaque moi est l'ennemi, et voudrait être le tyran de tous les autres. »
En fait, selon Pascal, si les hommes se haïssent, c’est parce que d’abord chacun pense à lui-même et se laisse envahir par le moi. « Le démon est en nous, c’est une évidence » nous dit Philippe Bilger. Et pour cause serait-on tenté de dire, puisque le démon c’est le moi nous dit Pascal. L’enfer ce n’est pas les autres, c’est chacun de nous.
Pascal dénonce cette tendance que nous avons à nous considérer comme le centre du monde, ce nombrilisme orgueilleux qui nous rend insupportable aux autres, et qui rend les autres insupportables à nos yeux. Quel est le remède ? Soyez modeste et tournez-vous vers Dieu plutôt que vers vous-même, nous dit Pascal.
Que ceux qui se réclament de nos racines chrétiennes y réfléchissent !
Rédigé par : Marc Ghinsberg | 26 décembre 2022 à 10:39
Votre « Pensée » de Noël me plaît infiniment :
vous me permettez ainsi une psychanalyse rapide…sérieuse et sereine !
Partageant, pour le moment, le sort des privilégiés, je ne supporte plus l’arrogance de nos « Importants » qui, en toutes circonstances, jouent des rôles dont ils endossent les petits costumes, en singeant la solidarité, le souci de l’ôôôtre, tellement certains de représenter le Bien, une fois pour toutes !
Contentons-nous d’arrêter de vouloir faire l’ange… ce serait un progrès immense dans notre environnement
de sacro-sainte « com » !
Avec mes vœux reconnaissants, cher Philippe Bilger !
Rédigé par : Celtapiou | 26 décembre 2022 à 10:11
« ...en m'imputant, à chacune de mes critiques politiques, une "haine" qui m'habiterait et me jetterait avec volupté dans la détestation de certaines personnalités. Par exemple Nicolas Sarkozy ou Emmanuel Macron. Alors que je n'ai jamais éprouvé une once de "haine" contre eux mais seulement la libre disponibilité du citoyen qui a le droit de formuler comme il l'entend sa désapprobation ou son soutien. » (PB)
En fait, il s'agit là plus généralement d'un dévoiement de la signification de la « haine » qui est mise en avant dès que l'on émet quelques critiques même modérées de telle ou telle façon discutable de voir les choses ou bien encore de certaines dispositions dangereuses pour la paix civile en France comme celles qui font la promotion d'une immigration incontrôlée.
Rédigé par : Exilé | 26 décembre 2022 à 10:07
« Pouvoir s'abriter derrière le génie pessimiste de Pascal qui a écrit que "tous les hommes se haïssent naturellement l'un l'autre", quel soulagement ! » (PB)
Vraiment ? Personnellement je fuis les pessimistes qui passent leur temps à se lamenter sur leur sort. Ils me filent le bourdon.
Les Français feraient mieux d’écouter le conseil attribué à Prévert : « Le bonheur se reconnaît au bruit qu’il fait quand il s’en va. »
Marre de ces gens qui trouvent qu’ils n’en ont jamais assez, comme ce quarteron de contrôleurs qui n’hésitent pas à gâcher les fêtes de fin d’année de milliers de gens qui sont loin d’avoir leurs revenus (salaire + primes) et qui n’écoutent même plus les consignes de leurs syndicats qui les ont incités à arrêter leur mouvement dsastreux pour leur entreprise.
Marre aussi de ces gens qui veulent confiner le pays dans un souverainisme archaïque et ruineux.
Déjà les Britanniques commencent à se mordre les doigts d’avoir opté pour le Brexit qui a déjà coûté la bagatelle de 35 milliards à leur PIB .
Un Frexit conduirait inexorablement au même résultat.
Plutôt que de s’abriter derrière le « génie pessimiste de Pascal », notre hôte serait mieux inspiré en faisant simplement appel à son bon sens. Ce dernier est peut-être moins impressionnant que le génie de Pascal, mais a le mérite de ne jamais s’écarter de la raison.
Rédigé par : Achille | 26 décembre 2022 à 08:05
Blaise Pascal d’un point de vue philosophique serait donc l’anti-Jean-Jacques Rousseau ce qui aboutirait à l’image romantique d’un désespéré par la nature humaine qui trouvait refuge dans son laboratoire.
Pourtant cette pensée semble loin de l’héritage du grand mathématicien du siècle de Richelieu.
Les travaux de Pascal sur la philosophie et la religion sont marginaux en comparaison de son apport aux mathématiques. En géométrie, il a ouvert une voie immense et puis, associé à Fermat, il a jeté les bases du calcul probabiliste, largement utilisé de nos jours par les assureurs et les traders.
La postérité a gardé le nom de Pascal pour l’unité de pression du système MKSI. Les aviateurs et les météorologues utilisent quotidiennement l’hectopascal pour sauver des vies.
Pascal croyait en Dieu, sa pensée était bien loin des préoccupations des athées du vingt-et-unième siècle et de leur foi intransigeante envers le renoncement au divin, à l’amitié, à la générosité. Tous les prétextes sont bons pour continuer à détruire la civilisation européenne mais de grâce laissons Pascal en dehors de cette funeste ambition.
Rédigé par : Vamonos | 26 décembre 2022 à 03:36