Le 25 mars, à Paris, il y aura le premier congrès d'Horizons.
Je suis persuadé qu'Édouard Philippe (EP) sera considéré comme coupable de son succès, de la même manière que tout lui est reproché par les macronistes depuis qu'Emmanuel Macron l'a remplacé comme Premier ministre. EP avait commis le crime de lèse-majesté de demeurer devant le Président dans les sondages.
Les avanies, la condescendance, les accusations de déloyauté n'ont pas cessé. Comme s'il faisait peur et, à la fois, troublait par sa discrétion calculée. On a presque l'impression que l'idéal, pour les adversaires de son camp, inspirés et stimulés par Emmanuel Macron, serait de le voir disparaître de la joute politique. Laurent Marcangeli, chef de file des députés Horizons, a raison : "Notre existence dérange. Qu'Édouard soit populaire, qu'il crée son parti, qu'il ait un groupe parlementaire, ça déplaît" (Le Figaro).
Profondément le malaise vient du fait que la démarche d'EP échappe au schéma classique qui voudrait qu'une personnalité rejetée et jalousée ne puisse s'abandonner qu'à l'alternative suivante : se révolter avec perte et fracas ou se fondre dans la masse majoritaire et espérer dans le futur.
EP a choisi une dissidence plus subtile. Il n'est pas tout à fait et pleinement dedans, il n'est pas à l'évidence dehors. Il essaie de sauvegarder son indépendance et sa liberté en instillant une opposition délicate, en proposant des mesures autonomes trop systématiquement écartées, parfois à juste titre comme l'instauration de peines minimales d'un an d'emprisonnement contre les récidivistes jugés coupables de délits de violences contre les forces de l'ordre.
Quand EP s'attache à "l'ordre des comptes et à l'ordre dans la rue", lorsqu'il vise la politique des chèques et regrette trop de concessions sur le plan des retraites, nul doute qu'il jette dans le jardin présidentiel et celui de la majorité relative des pierres offensantes dans un univers habitué à plier et à obéir.
Ces aigreurs qu'EP maîtrise et distille à doses homéopathiques, mêlées à son aura qui persiste et s'amplifie parmi les personnalités qui comptent pour 2027, doivent être d'autant plus insupportables pour le Président qu'il n'oublie sans doute pas que durant son premier mandat, le Premier ministre EP avait commis quelques erreurs fondamentales qui ont obéré son bilan.
Il n'empêche que, si EP a tactiquement un problème - "le problème de tous ceux qui ont été et voudraient être. Que faire en attendant ?" - et qu'il tente "de résoudre l'équation entre la loyauté et la différenciation...en montrant aux Français qu'il n'est pas Macron tout en étant loyal", l'attitude du pouvoir à son encontre n'est pas digne.
La joie mauvaise et diffuse avec laquelle son alopécie a été commentée comme si elle ruinait son avenir, le contraignant à se défendre : "ça n'est ni douloureux ni dangereux ni contagieux ni grave", la dérision avec laquelle on moque sa stratégie qui n'est pas médiatique mais se consacre à "un grand travail d'entraînement, de réflexion et d'enracinement", son caractère secret qui laisse présumer des menaces constantes contre le macronisme, sont autant de signes qui démontrent que le président est plus préoccupé par la volonté de bloquer EP que par celle d'entraver le futur de Bruno Le Maire ou de Gérald Darmanin.
Si le destin d'EP ne me laisse pas indifférent, cela tient à deux raisons.
D'une part, dans le camp macroniste, il me paraît la personnalité la plus singulière, la plus réfléchie.
D'autre part, est-il exclu que chez LR qu'il a quitté, il puisse un jour redevenir une option ?
En attendant ce qui adviendra et qui est imprévisible, s'ils laissaient EP un peu tranquille ?
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