Ces derniers temps, au sujet de l'hostilité systématique que le président de la République semble inspirer, je songe au mot sarcastique de Philippe Séguin sur Edouard Balladur : "Même s'il faisait quelque chose de bien, je ne suis pas sûr qu'il descendrait dans les sondages..."
Je peux comprendre que sur le plan politique il suscite une forte opposition. Il est clair que son comportement personnel, ce que d'aucuns qualifient d'arrogance, n'est pas majoritairement apprécié. Ce qui me gêne est le caractère obsessionnel de cette dénonciation, comme s'il était devenu impossible de trouver dans la moindre de ses actions, dans n'importe lequel de ses projets, de quoi contenter le citoyen.
Pire, comme si on n'avait même plus le droit sinon à la nuance du moins à une approche à peu près équilibrée de sa personnalité aux prises avec un second mandat difficile alors que le premier déjà n'avait pas été de tout repos.
À dire vrai, je dois être le premier à me repentir dans la mesure où il m'arrive, à partir d'une critique légitime de ses oeuvres, de sa faiblesse régalienne, de ses défaillances démocratiques et de ses erreurs, graves ou non, d'en rajouter comme s'il était interdit à son égard de faire preuve de mesure.
Comme si paradoxalement il était d'autant plus coupable qu'il s'était fait réélire, certes dans des conditions républicaines inachevées, et qu'il quittera la scène politique nationale en 2027. On aurait pu supposer que cette échéance, si elle allait naturellement libérer un certain nombre d'ambitions, apaiserait l'ire à l'encontre d'Emmanuel Macron.
Pourtant on n'y arrive pas. Je ne m'empêche pas assez.
Il faut ne rien retenir à sa décharge. Le sentiment dominant dans le pays est une sorte de détestation dont on se débarrasse trop vite en affirmant que le président en est exclusivement responsable et que tout est alors permis à son encontre. Ce qui est une injustice et une absurdité.
Convenons qu'il a parfois mis du sien dans cette approche dont il pâtit. Un certain nombre de ses attitudes et de ses propos n'ont pas été conformes à la dignité présidentielle et lui ont été renvoyés, tel un boomerang, à l'occasion de mises en cause de quelques citoyens exaspérés ou insultants ayant dépassé les bornes.
L'exemple récent de cette femme qui sur Facebook l'a traité "d'ordure" est éclairant. Elle est poursuivie et sera sans doute condamnée. Mais j'imagine que son avocat, faute de pouvoir plaider la provocation stricto sensu, invoquera quelques grossièretés sorties de la bouche du président pour s'efforcer de justifier cette insulte. L'argumentation ne prospérera peut-être pas mais il est déjà symptomatique qu'on puisse faire état de ce possible moyen de défense.
Il n'empêche que, pour continuer dans le registre de ma contrition - j'aspire à savoir m'arrêter au plan politique et à ne pas tomber dans une exaspération plus instinctive que partisane et argumentée -, je me suis surpris plusieurs fois, dans les Vraies Voix sur Sud Radio, face à mon amie Françoise Degois si constamment socialiste, à ne même pas oser mettre en avant l'intelligence et la singularité du président, comme si mon regard politique devait emporter le déni des qualités pourtant indiscutables du Président.
Cette configuration d'un Président honni presque mécaniquement - ce qui lui permet de proférer ce poncif qu'il a à accomplir son devoir et à subir des avanies pour le bien de la France - est d'autant plus préjudiciable qu'il n'est pas entouré que de conseillers ou de ministres d'un modeste niveau mais qu'en tout cas aucun d'eux n'est capable d'assumer une part de la vindicte pour l'en délester si peu que ce soit.
J'en arrive enfin à ce qui m'a toujours frappé chez Emmanuel Macron. Il a sa nature, son tempérament, il aura beau faire, il n'en changera pas. Je suis convaincu - c'est mon désaccord avec ses ennemis compulsifs - que sa lucidité sur lui-même n'est pas absente, qu'il s'efforce d'offrir, partout où il passe publiquement, le meilleur de soi mais que son être est le problème. Comme si une authentique modestie ne parvenait jamais à se rendre visible. Comme s'il nous condamnait à lui trouver, trop souvent, un air supérieur. Et ce n'est pas sa faute véritablement.
Je renvoie à mon billet du 1er septembre 2022: "Apologie d'un président qui ne pourra pas changer..."
En politique, dans une démocratie, le citoyen a tous les droits. Contester comme approuver.
Mais c'est à cause de ces autres éléments, dont je prends ma part, que je demande pitié pour le président.
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