La nostalgie est non seulement un beau mot mais un sentiment délicieux. Il y a de la volupté dans cette mélancolie.
L'impuissance est déprimante avec son constat d'échec.
La politique, aujourd'hui, sur tous les plans, pour la France comme pour la terrifiante vie du monde, est écartelée précisément entre le regret d'hier et le pessimisme pour demain.
Comme s'il n'y avait pas une autre voie possible.
Et qui serait, entre nostalgie et impuissance, la politique, le volontarisme, la certitude que rien n'est trop tard.
Je comprends que la confortable consolation des pouvoirs en recherche d'efficacité peut être non pas forcément de se moquer des citoyens à la recherche du paradis perdu qu'aurait été la France il y a des années, mais de leur répondre que le passé est mort, qu'il est impossible de le faire revivre mais qu'il leur revient seulement d'inventer leur propre chemin, leur vision de l'avenir.
En réalité, la nostalgie est insupportable qui laisse croire que tout ce qu'a aimé notre pays, tout ce qui l'a structuré et honoré, tout ce qui en a fait une nation longtemps fière d'elle-même, est dépassé et que, une fois rendu cet hommage à la France d'avant, nos politiques sont condamnés à improviser au regard des contraintes et des réalités actuelles. Cette obligation a pour conséquence de les voir piétiner dans l'exercice que le suffrage universel leur a confié, sans qu'ils soient capables de faire surgir de l'inédit, du surprenant de ce qu'ils ont à affronter au quotidien.
La nostalgie qui se contente de dire que c'était beau mais que tout est perdu est stérile. On attend du pouvoir, confronté à un présent qu'il ne parvient pas à maîtriser, un acte de foi, une action qui n'aura pas à inventer ses propres règles mais seulement à copier et à faire revenir, et d'abord à effectuer un inventaire qui, considérant la France d'hier, les services publics qui fonctionnaient, les institutions qui étaient respectées, la vie collective qui était urbanité et non ensauvagement, la confiance qui était octroyée aux titulaires des pouvoirs, à quelque niveau qu'ils se soient situés, ne devrait être inspiré que par cette unique ambition, cette seule obsession : reprendre dans notre présent les richesses de notre passé. Avec le refus de ce fatalisme qui justifie les impuissances et laisse croire que ce qui est nécessaire n'est pas possible et que ce qui est possible relève du voeu pieux.
Il me semble qu'on décide toujours trop vite de quitter les enseignements d'hier. Parce qu'on a décrété qu'ils ne nous servaient plus à rien. Les expériences ministérielles sinon réussies du moins satisfaisantes démontrent justement le contraire. Si, depuis quelques mois, le ministre de l'Education nationale paraît échapper à l'impuissance, cela tient précisément au fait que, de manière très simple et cohérente, il va au plus évident, au plus normal, il remet sur pied et en place, autant qu'il le le peut avec les forces syndicales, les principes, les références et le bon sens, il ose rappeler que son souci n'est pas de favoriser notre nostalgie mais de la rendre inutile parce qu'il aura su l'actualiser.
Je pourrais en dire autant de Gérald Darmanin si lui-même ne subissait pas mille incommodités tenant à des oppositions constituant plus le macronisme comme un frein régalien plutôt qu'un stimulant pour l'ordre et la justice.
Si on accepte d'emprunter une troisième voie, entre la nostalgie et l'impuissance, il y a la réactivité, le retour, le courage. On ne pourra pas faire l'économie d'une réflexion sur notre démocratie, notre État de droit. J'éprouve parfois l'impression que la France est contrainte de briller avec des boulets aux pieds, avec le handicap de ce dont elle ne cesse de se glorifier sans jamais le questionner : ses valeurs, ses principes, la sophistication de ses instances judiciaires et administratives, de ses mille voies de recours, sa bureaucratie nationale alourdie par le byzantinisme européen, ce qui la rend admirable aux yeux de ceux qui ne lui veulent pas que du bien.
J'accepte, pour conclure, de faire état d'un manque central dans notre existence républicaine, tous partis confondus et sans tomber dans l'opprobre systématique à l'encontre de notre classe politique : nous font défaut des cracks, des personnalités qui unissent, rassemblent, sont suivies en dépit des antagonismes ponctuels, sont admirées quoi qu'il nous en coûte, des phares qui, dans une démocratie battant de l'aile, montreraient la lumière, l'espoir, diraient que rien n'est perdu.
Puisqu'elles sont là et que nous sommes avec elles.
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