La droite républicaine, qui s'est rendue deux fois à l'Élysée ces derniers jours avec le même trio dont Laurent Wauquiez (LW) comme inspirateur principal, a tort. Et pas seulement parce que son refus de participer au gouvernement va laisser la place à un Premier ministre de gauche comme le président de la République l'en a, paraît-il, avertie lors des échanges.
Mais surtout à cause d'une stratégie incompréhensible.
Nicolas Sarkozy (NS) a totalement raison quand il déclare "que la droite doit assumer la responsabilité de gouverner" et que "les Républicains doivent oeuvrer à faire nommer un Premier ministre de droite (...) plutôt que de céder à la facilité de laisser nommer une personnalité de gauche" (Le Figaro).
Cette approche lucide de l'ancien président ne nous dispense pas, par honnêteté, d'expliquer pourquoi hier le rapprochement avec le macronisme, souhaité par certains et d'abord par NS, aurait été délétère alors que dans la situation actuelle il serait positif.
Hier la droite n'avait aucune raison de se fondre en perdant les dernières forces qui lui restaient dans le macronisme, une gauche chic parfumant ce centrisme alternatif du "en même temps" encore vivace. Aujourd'hui, face à un président affaibli depuis les élections européennes, et surtout à cause d'une dissolution suicidaire, la droite a tout pour reprendre la main. Le rapport de force a changé de bord.
Pourtant elle recule devant l'obstacle - une habitude chez Laurent Wauquiez ? - alors qu'une conjoncture exceptionnelle lui offre l'opportunité de concrétiser les mesures vigoureuses qu'elle porte, notamment sur le plan régalien et en matière d'immigration. Elle serait assurée d'obtenir, sur le plan parlementaire, l'aval d'une majorité de députés Renaissance, de députés du Rassemblement national (NS a rappelé à juste titre "qu'il est faux de dire que Marine Le Pen est plus dangereuse que Jean-Luc Mélenchon") et de quelques députés socialistes libérés du dogmatisme idéologique rendant aveugle face au réel et aux remèdes nécessaires.
Face à cette probable configuration, qu'oppose-t-on à droite ? Le fait qu'il y aurait des risques parlementaires, que rien ne serait forcément gagné et que le gouvernement y perdrait son crédit. Et que par voie de conséquence le futur que Laurent Wauquiez espère présidentiel (en se croyant seul à droite dans la joute à venir !) serait sans doute définitivement obéré.
Ce sont des raisonnements d'épiciers qui ne devraient pas peser face à l'état calamiteux de la France, qui appelle des actions urgentes et vigoureuses - NS le souligne avec force et inquiétude. La situation devrait reléguer les tactiques égoïstes, qui d'ailleurs garantiraient moins la victoire demain qu'une attitude d'homme d'État maintenant.
NS doit, cette fois, être écouté par un camp que certes il a profondément déçu mais on ne saurait dénier à l'ancien président une intuition et des fulgurances souvent sans égales.
Modestement, je voudrais poursuivre sur sa ligne et m'étonner d'abord de ce pacte législatif et de ces lignes rouges, en eux-mêmes pertinents mais qui sont proposés sans la volonté réelle d'incarner le premier et de prévenir les secondes. Étrange conception de la politique que cette frilosité d'une droite prétendant imposer ses réflexions mais s'arrêtant au bord de l'action.
J'ai été surpris par le propos de LW qualifiant de "décevant" son dernier entretien, en compagnie de Bruno Retailleau et Annie Genevard, avec le président de la République. Comme si cela avait été à ce dernier de mener la danse républicaine, de dire oui, de dire non, de se comporter comme si, dans le climat sombrement démocratique de ces derniers mois, il était encore le héros, même défait.
Aberration d'autant plus critiquable qu'Emmanuel Macron s'était lui-même privé de son autorité constitutionnelle en transférant ce qui lui aurait incombé dans la sphère des partis.
Aussi on aurait attendu de cette droite une acceptation évidente de cette mission qui aurait été à la fois une charge et un honneur. Et, plutôt que de quémander à Emmanuel Macron son aval pour tout, elle aurait dû contraindre le président à seulement prendre acte de la réalité de ses entreprises et de ce que le pays exigeait pour sa sauvegarde. La droite est tombée dans le piège inverse : aussi faraude qu'elle a prétendu apparaître, elle s'est placée subtilement sous le joug du président pour, allons jusque-là, se donner bonne conscience en fuyant ses responsabilités opératoires. Elle aurait dû au contraire opposer au président une politique gouvernementale du fait accompli.
Ainsi probablement va-t-on manquer une occasion unique : la droite républicaine avait tout pour revigorer la République, elle va laisser passer sa chance, par lâcheté et défaut de clairvoyance.
Sauf miracle de dernière minute.
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