J'ai toujours préféré, aux forces de la nature, les faibles, les fragiles. Aux "grandes gueules", les timides et les intelligents du verbe.
C'est à cause de cette pente qui ne m'a jamais quitté que le destin de Cesare Pavese a été une fascination constante.
Le 27 août 1950, un dimanche à Turin, dans la chambre 49 de l'hôtel Roma, CP s'est suicidé en avalant une dose mortelle de somnifères. Il a été découvert allongé sur le lit, en bras de chemise, les chaussures enlevées. Sur la table de chevet, sept paquets de cigarettes vides. Sur la première page de ses "Dialogues avec Leuco", son oeuvre préférée, Cesare Pavese avait écrit avec son stylo noir ces quelques mots : "Je pardonne à tous et à tous je demande pardon. Ça va ? Pas trop de bavardages".
Pour notre part nous n'avons rien à lui pardonner et si nous pouvions être tentés de lui reprocher cette fin résolue et prématurée à 42 ans, le beau et sensible livre de Pierre Adrian "Hôtel Roma" nous en aurait dissuadés aussitôt.
Pourtant j'éprouvais une inquiétude initiale, vite dissipée : que le récit fût davantage consacré à l'auteur vivant qu'au mort illustre. Ce qui heureusement n'a pas été le cas puisque les déambulations italiennes de Pierre Adrian ont tourné autour de Cesare Pavese, de ses lieux, de son entourage, de ses passions et de ses mélancolies.
Comment craindre que Pierre Adrian ait pu être influencé par "la noirceur de Pavese" - selon un article dans Causeur - alors qu'au contraire il nous montre que depuis l'enfance jusqu'aux derniers jours pathétiques d'appels au secours non entendus, celui-ci était déjà obsédé par le suicide ; une solution radicale pour lui qui était inapte au "métier de vivre", le titre de son journal intime.
Je n'ai pu m'empêcher de penser au "Feu follet" de Drieu la Rochelle avec cette différence fondamentale que Pavese a été tenaillé toute son existence par le désir de s'effacer. Même si ceux qui l'entendaient l'évoquer pouvaient en douter, lui n'ignorait pas que cette morsure intime, un jour, trouverait son tragique accomplissement.
J'écris "tragique" mais je suis persuadé que lui-même n'aurait pas qualifié telle cette issue, tant l'évolution du monde, de la société, leur défiguration par rapport au bonheur de ses origines rurales, dans cette vie paysanne chassée par l'urbanisation et l'industrialisation, dont il a eu sans cesse douloureusement la nostalgie, ses propres difficultés d'être et de pouvoir aimer charnellement, sa conscience à la fois de vouloir rejoindre les autres et de ne pas le pouvoir, ne pouvaient que le conduire inéluctablement vers ce suicide, précédé, durant quelques jours, par la recherche éperdue non pas d'un visage, d'un coeur ou d'un bras pour le dissuader mais pour lui donner au moins l'illusion de dernières douceurs.
Cette jeune fille qu'il a rencontrée, immédiatement qualifiée d'amour et qui, alors qu'il désirait la revoir le samedi 26 août, le rejette parce qu'elle l'avait trouvé triste et peu agréable.
Bien avant, cette liaison de quelques semaines, miraculeuse par l'union des corps, avec une jeune actrice américaine qui, n'ayant plus répondu à ses courriers, découvrit à sa mort qu'il était célèbre.
Il y a eu quelques constantes dans le parcours de cet homme et de cet écrivain d'exception. Une sorte de désengagement militant : communiste mais rétif au grégarisme ; pas de résistance affichée au fascisme mais distribuant en solitaire des tracts contre la bombe atomique. Il avait le courage d'un pessimiste qui ne se paye pas de mots - pas de "bavardages" ! - et une amertume qui, pour être chronique, visait juste et profond. Elle contraignait chacun, comme le chanterait Jean-Jacques Goldman, à "veiller tard" sur les ombres et les mystères de la condition humaine.
En compensation à sa désolante perspicacité sur lui-même et sur ce dont il manquait cruellement - être aimé pour lui-même, totalement, et pouvoir tout rendre en retour -, il y a quelque chose d'émouvant dans son aspiration à la félicité des origines, de l'enfance, à caresser la magie de l'être qui vous attend, qui vous espère, de la maison chaude et de l'amitié. Il y a les départs, les éloignements mais pour revenir.
Cette sensibilité venant attendrir, consoler les terres arides d'une impitoyable absence d'illusions, fait apparaître que peut-être le cours de la fatalité aurait pu être détourné, que le suicide aurait pu ne pas être cette destination obligatoire gangrenant, en amont, les rares instants de plaisir ou d'espérance.
Dans les dernières journées de Pavese, ceux qu'il cherche à rencontrer sont absents. Il n'y a plus personne dans cette ville étouffante. S'est-il senti abandonné ? Probablement aurait-il désiré un mot, un souvenir, une fraternité professionnelle - il adorait se rendre dans les salles de rédaction -, un signe, une écoute, une intuition mais rien ne lui aurait fait manquer le rendez-vous qu'il s'était fixé à lui-même le 27 août en ce dimanche.
Loin de s'être laissé assombrir par le destin de Cesare Pavese, Pierre Adrian, au comble du talent et de la délicatesse, lui oppose certes sa joie d'être mais lui offre surtout empathie et compréhension. Un superbe salut d'un écrivain à un autre. Il nous rend fraternelle cette personnalité déchirante, obstinée dans la défaite.
L'écrivain était dépressif, mais le suicide ne se limite pas à cette considération.
Il est la solution de ceux qui n'en ont pas d'autres, et prétendre aller contre est tout simplement condamner quelqu'un à se taper la tête contre les murs, ce que je trouve tant liberticide que cruel.
En plus, les gens donnent dans l'hérésie jumelle de soit ne pas critiquer les morts, y compris quand ils ont gravement nui aux autres, soit se moquer d'eux, leur attribuant toutes sortes de faiblesses bien dérisoires. Mais se tuer n'est pas toujours faiblesse, il peut être acte de force quand on pense que sinon, on perdra sa liberté ou qu'on vivra une vie qui quoique libre n'aura pas de sens.
Vraiment, je ne vois pas en quoi se vautrer dans l'absurde comme un porc dans la boue serait un acte de force.
Quant à ceux qui se suicideraient par faiblesse, il faut être ignoble pour se moquer d'eux... Il n'est déjà pas très convenable de se moquer de qui tombe par terre ou toute autre chose du même genre, moment de faiblesse ne tirant guère à conséquence, alors se moquer de qui meurt par faiblesse ! Ignoble.
Les seuls cas où les gens sont légitimes d'en vouloir au suicidé est quand sa mort leur donne l'impression de mourir un peu, ce qui est rare.
Il y a le cas des parents laissant en plan leurs enfants et autres irresponsables.
On peut s'imaginer le cas rare où tel auteur est indispensable au lecteur, quand c'est plutôt le lecteur qui est indispensable au lecteur. Vu que le lecteur a mille livres, et le lecteur un seul miroir ou alter ego, ou public : sans lequel il est vide, sauf le cas où il écrit pour le tiroir.
Qu'un auteur soit indispensable au lecteur, c'est aussi rare qu'étrange : la littérature n'est pas monothéiste, un seul auteur, un seul livre, mais polythéiste, il y a autant d'auteurs qu'on peut en rêver, et en principe beaucoup qui nourriront le lecteur.
Cette abeille aux milles fleurs.
Si l'écrivain est responsable de ses livres, devant chercher l'ultime perfection, il n''est pas tenu de se maintenir en vie pour fournir son public en livres. Ce n'est pas pour rien que les Grecs ont inventé des déesses de l'inspiration, les muses, l'artiste étant dévoué à l'art, et non des divinités du public, obligeant ledit public à reconnaître ses favoris ou contraignant les artistes à se maintenir en vie pour lui.
L'idée étrange qu'on aurait à pardonner à l’écrivain d'en finir est monothéiste, ou plutôt, l'idée de condamner le suicide vient de ce qui a pris la place de l’hellénisme et de la vision romaine de la vie.
Au contraire, le guerrier vaincu se tuant pour ne pas finir esclave est par exemple honoré à l'époque.
Plus tard, on a diabolisé le suicide, il en reste de savoir si on va pardonner à celui qui se suicide. Si on s'avise qu'il a peut-être des raisons dont les survivants pourraient être responsables, on se dit qu'il serait bon que l'auteur du suicide pardonne.
Bien sûr, un persécuté pourrait avoir la bonne idée de se tuer pour éviter une vie faite de chemin de pierres de sa lapidation.
Mais on peut le faire non pour outrages subis, mais, par exemple, comme Montherlant, pour ne pas devenir aveugle et dépendant. Doit-on en vouloir à quelqu'un de ne pas accepter le sort qui lui était promis, a-t-on une raison d'en vouloir aux autres de les quitter car on va devenir aveugle alors qu'ils ne vous ont pas crevé les yeux ?
Bien sûr que non, arrêtons de mettre le pardon à toutes les sauces.
Le pauvre Pavese...
Autre traduction dans Wiki :
"Pavese se suicide le 27 août 1950 dans une chambre de l'hôtel Roma, place Carlo-Felice à Turin, laissant sur sa table un mot : « Je pardonne à tout le monde et à tout le monde, je demande pardon. Ça va ? Ne faites pas trop de commérages."
Quand tout dégoûte, comme il l'écrit ailleurs, il est aisé de comprendre que les bavardages, et pire les commérages, ne plaisent pas.
Pour les diminuer, je pense que l'écrivain donne ce que veut la foule : je demande pardon et je pardonne, fermez le rideau.
Faible ou fort, l'écrivain ? Je n'en sais rien, mais d'une sensibilité exacerbée, il devait trouver insupportable le mélange de vide et d'absurde qu'il y a entre les êtres, sans parler du bruit des propos ineptes qui les entourent.
Auteur, nous avons parlé de ton suicide, ne nous en veux pas en considérant que nous avons tenté de te comprendre, et qu'ainsi, plusieurs auront peut-être envie de lire ton oeuvre.
Si tu vis, puisses-tu être dans un lieu répondant à tes désirs.
Rédigé par : Lodi | 14 septembre 2024 à 08:15
Je viens de relire ce que j'ai écrit au sujet de Cesare Pavese (voir citation*) et où un certain Marchenoir n'aurait vu que hargne et mépris.
Une explication de texte s'imposerait pour cet inculte.
*"Il déambule pour fuir, se fuir ou chercher une personne à qui parler. Il aurait voulu être attendu, désiré quelque part, trouver un foyer qui le réchauffe avec la lumière qui redonne la vie, l'espoir (et non ces lumières inutiles éclairant des maisons que des hommes fatigués par le dur labeur du jour ne voient même plus). Pas plus qu'on ne le voit lui déambulant avec son désespoir, en pleine déréliction."
Rédigé par : Axelle D | 14 septembre 2024 à 00:45
À l'occasion d'un 11 septembre, il valait peut-être mieux penser aux centaines de morts de 2001 à New York et Washington qu'à un Pavese en août 1950 à Turin, surtout après s'être plaint en août 2024 de : "Recherche désespérément sujets" (PB) !
Rédigé par : Claude Luçon | 14 septembre 2024 à 00:15
@ Axelle D | 13 septembre 2024 à 18:32
"Pas très malin de pondre une telle ânerie qui n'a vraiment rien à voir avec le sujet du jour, à savoir le suicide d'un dépressif compulsif. Peut-être commencer par lire Franz Bartelt afin de voir de quoi il était question dans son oeuvre 'Ah, les braves gens !'."
Merci de démontrer la justesse de mon commentaire. Lequel a tout à voir avec le billet du jour et "le suicide d'un dépressif compulsif", comme vous dites, et plus encore avec la hargne et le mépris qu'il a suscités, ici, chez certains.
Hargne et mépris dont vous redoublez à l'occasion de votre réaction, comme pour me donner raison. Mais a-t-on jamais attendu autre chose de votre part ?
On notera la citation de l'ignorant qui veut faire cultivé, à la fin de votre crotte verbale.
Vous me permettrez de choisir mes propres mots, sans devoir me référer à ce que d'autres en auraient fait dans de toutes autres circonstances.
Face à des malfaisants comme vous, le suicide est en effet une option envisageable.
Rédigé par : Robert Marchenoir | 13 septembre 2024 à 22:23
@ Robert Marchenoir | 13 septembre 2024 à 14:41
Pas très malin de pondre une telle ânerie qui n'a vraiment rien à voir avec le sujet du jour, à savoir le suicide d'un dépressif compulsif. Peut-être commencer par lire Franz Bartelt afin de voir de quoi il était question dans son oeuvre "Ah, les braves gens !".
Rédigé par : Axelle D | 13 septembre 2024 à 18:32
Mais qu'y a-t-il à pardonner à Pavese ?
Quant aux commentaires, que de haine envers un homme désespéré... Ah ! les braves gens...
Rédigé par : Robert Marchenoir | 13 septembre 2024 à 14:41
Ah, mon Dieu, il est édifiant que Tipaza ait besoin de me dénigrer pour justifier ses énormités.
Laissons-le s'admirer au miroir de ses interprétations fallacieuses qui ne méritent que la reconnaissance du fait évident qu'il ne sait ni ce qu'il dit, ni ce qu'il fait :
Pitié, par pitié, pitié pour les victimes, trompées de n'avoir su pardonner.
https://www.youtube.com/watch?v=bEhaLO98j1I
Rédigé par : Aliocha | 13 septembre 2024 à 11:53
« Une pas assez constante pensée de la mort n'a pas donné assez de prix au plus petit instant de ta vie » écrivait Gide. À croire que Cesare Pavese n'avait donc pas suffisamment pensé la mort pour n'avoir eu cette aptitude à mieux aimer la vie.
Rédigé par : Michel Deluré | 13 septembre 2024 à 10:28
L'humanité ayant quelques millions d'années devant elle, la civilisation occidentale a du temps devant elle pour sortir de la stupidité grave dans laquelle elle s'enfonce sans cesse aujourd'hui au sujet de l'âme et sa destinée.
En attendant, il y a peut-être mieux à faire que s'intéresser à des nullités sur le plan spirituel au prétexte qu'elles meurent comme des imbéciles.
Rédigé par : Xavier NEBOUT | 13 septembre 2024 à 08:25
"Il y a eu quelques constantes dans le parcours de cet homme et de cet écrivain d'exception. Une sorte de désengagement militant" (PB)
Tout est dit !
Il y a eu dans le comportement de Cesare Pavese une sorte de dilettantisme qui l'a conduit à effleurer les choses, les événements, sans jamais aller au fond du fond, sans s'investir pleinement.
Et pourtant son engagement politique est clair et sans nuances, mais le croit-il lui même, ou est-il désabusé de lui-même, pour que cet engagement ne le contraigne pas ?
Il n'engage que la partie superficielle de lui-même.
Au fond la question que l'on peut se poser est celle-ci : s'aime-t-il lui-même suffisamment pour s'engager pleinement ?
L'amour qu'il cherche chez cette jeune fille qu'il a rencontrée, immédiatement qualifiée d'amour, ne serait-il pas l'amour de lui même qu'il voudrait recevoir en miroir ?
Un amour qui lui a tant fait défaut qu'il a fini par renoncer à lui-même en se suicidant.
Il semble qu'il soit resté sur la surface de sa personne en cherchant chez une femme idéalisée le fond de son être.
C'est un grand classique de l'amour, du moins des amours qui finissent mal.
Il y a deux formules qui se ressemblent beaucoup, tout en provenant de deux sources opposées.
La première se trouve dans la Bible.
Dans la Genèse Dieu dit à Abraham : "Leikh leikha : Va vers toi !" (*)
La seconde est chez Nietzsche : "Deviens ce que tu es".
Dans les deux cas il s'agit d'une injonction de plonger dans ses profondeurs, mais pas d'une façon névrotique de ressassement, de ce qui ne va pas, mais d'acceptation de ce qui est, de soi-même, pour grandir ensuite.
Une fois accepté l'inexorable des profondeurs, il semble, si l'on en croit Dieu et Nietzsche, que la situation devienne sinon plus facile, du moins plus vivable, puisqu'en s'acceptant on finit par s'aimer et donc à offrir à d'autres la possibilité de nous aimer.
Au fond il faut un minimum de narcissisme pour aimer et être aimé, toujours d'après ces deux maîtres du sujet.
Bon voilà tout ce que je peux dire sur le sujet.
Je précise que je n'ai lu qu'une moitié ou un peu moins d'un livre de Cesare Pavese, et c'était il y a bien longtemps. Le livre m'est tombé des mains, tellement je l'avais trouvé sinistre. Je ne me souviens même plus du titre c'est dire.
(*) Désolé de jouer les Aliocha, mais celui-ci ne faisant pas son boulot correctement, comme d'hab, il fallait bien que quelqu'un le fasse. ;-(
Rédigé par : Tipaza | 13 septembre 2024 à 08:06
"Cette jeune fille qu'il a rencontrée, immédiatement qualifiée d'amour et qui, alors qu'il désirait la revoir le samedi 26 août, le rejette parce qu'elle l'avait trouvé triste et peu agréable.(PB)
En voyant la photo on comprend la jeune fille !
Rédigé par : Claude Luçon | 12 septembre 2024 à 22:28
Mon Dieu, quelle laideur, quel échec de toute une vie, quelle haine de soi-même, une somme de désolations se retrouve condensée lors de cette fin sordide dans une chambre d’hôtel qui était devenu la maison ultime d’un écrivain transalpin.
Pavese était arrivé à la fin d’un processus d’autodestruction, il nageait dans le mal, il rampait dans la solitude profonde. Il se situait aux antipodes de l’idéal de beauté accessible en respirant de l’air pur, en admirant des fleurs, des animaux, des couleurs chaudes.
Il aurait mieux fait d’écouter JJG et de mettre en pratique ses conseils intemporels :
Envole-moi, envole-moi, envole-moi
Loin de cette fatalité qui colle à ma peau
Envole-moi, envole-moi
Remplis ma tête d'autres horizons, d'autres mots
Envole-moi
Rédigé par : Vamonos | 12 septembre 2024 à 15:18
Arrivé au bout du rouleau de sa volonté de vivre, Cesare Pavese a laissé un message posthume. Ce simple geste prouve qu’il était encore lié au monde des vivants. D’autres suicidés n’ont plus cette once d’humanité, ils sont tellement désespérés par la violence du monde qu’ils préfèrent couper la lumière sans un mot.
L’intoxication à la nicotine tue lentement, les poumons se remplissent d’eau plus vite que le sang et l’air ne peuvent purifier ces deux organes vitaux. Le manque de nicotine est une torture qui altère beaucoup de réflexes mais surtout le sommeil. Se coucher tard nuit, comme disait le grand Raymond Devos.
Septembre est le mois des dépressions, les jours raccourcissent, les vacances sont terminées, l’espoir s’amenuise jusqu’à s’éteindre.
L’espoir est le moteur qui s’arrête en dernier, commence alors la procédure fatale avec des cachets, de l’alcool, une arme à feu, un plongeon de haut vol sans eau en bas, les oeuvres complètes d’Annie Ernaux, etc.
Rédigé par : Vamonos | 12 septembre 2024 à 12:41
"Traverser une rue pour s’enfuir de chez soi seul un enfant le fait, mais cet homme qui erre, tout le jour, par les rues, ce n’est plus un enfant et il ne s’enfuit pas de chez lui. En été, il y a certains après-midi où les places elles-mêmes sont vides, offertes au soleil qui est près du déclin et cet homme qui vient le long d’une avenue aux arbres inutiles, s’arrête. Est-ce la peine d’être seul pour être toujours plus seul ? On a beau y errer, les places et les rues sont désertes. Il faudrait arrêter une femme, lui parler, la convaincre de vivre tous les deux. Autrement, on se parle tout seul. C’est pour ça que parfois il y a des ivrognes nocturnes qui viennent vous aborder et vous racontent les projets de toute une existence. Ce n’est sans doute pas en attendant sur la place déserte qu’on rencontre quelqu’un, mais si on erre dans les rues, on s’arrête parfois. S’ils étaient deux simplement pour marcher dans les rues, le foyer serait là où serait la femme et ça vaudrait la peine. La place dans la nuit redevient déserte et cet homme qui passe, ne voit pas les maisons entre les lumières inutiles, il ne lève plus les yeux : il sent seulement le pavé qu’ont posé d’autres hommes aux mains dures et calleuses comme les siennes. Ce n’est pas juste de rester sur la place déserte. Il y a certainement dans la rue une femme. Qui, si on l’en priait, donnerait volontiers un foyer."
Cesare Pavese, Lavorare stanca (Le travail fatigue)
Il déambule pour fuir, se fuir ou chercher une personne à qui parler. Il aurait voulu être attendu, désiré quelque part, trouver un foyer qui le réchauffe avec la lumière qui redonne la vie, l'espoir (et non ces lumières inutiles éclairant des maisons que des hommes fatigués par le dur labeur du jour ne voient même plus). Pas plus qu'on ne le voit lui déambulant avec son désespoir, en pleine déréliction.
Il est sûr que la compagnie de cet homme ne devait pas être de toute gaieté, voire éprouvante pour l'équilibre et le moral. Son attente de l'autre étant démesurée par rapport à ce que lui-même avait à offrir...
Rédigé par : Axelle D | 12 septembre 2024 à 11:42
Cet écrivain avait certainement du talent. Enfin, je veux bien vous croire car je n’ai rien lu de lui, mais il semble que dans la vie il ne devait pas être très agréable à vivre.
Trop romantique, trop tourmenté dans notre monde agité. C’est sans doute ce sentiment d'isolement qui l’a poussé à mettre fin à ses jours.
Bien des écrivains ont connu son triste sort comme Gérard de Nerval et Romain Gary pour ne citer que ces deux noms.
Rédigé par : Achille | 12 septembre 2024 à 09:54
Pardonné comme on pardonne, en même temps.
Per tutti la morte ha uno sguardo.
Verrà la morte e avrà i tuoi occhi.
Sarà come smettere un vizio,
come vedere nello specchio
riemergere un viso morto,
come ascoltare un labbro chiuso.
Scenderemo nel gorgo muti.
La mort a pour tous un regard.
La mort viendra et elle aura tes yeux.
Ce sera comme cesser un vice,
comme voir ressurgir
au miroir un visage défunt,
comme écouter des lèvres closes.
Nous descendrons dans le gouffre, muets.
https://www.youtube.com/watch?v=MDtaE0Cbayo
"La mer enlève et rend la mémoire, l’amour
De ses yeux jamais las fixe et contemple,
Mais les poètes seuls fondent ce qui demeure."
F. Hölderlin
Rédigé par : Aliocha | 12 septembre 2024 à 09:27