Jérôme Garcin (JG) vient de publier "Des mots et des actes - Les Belles-Lettres sous l'Occupation".
Cet auteur, qui est un ami, éprouve une passion pour la littérature, il écrit des livres qui sont remarquables et ont toujours bénéficié d'une critique enthousiaste. Son registre est infiniment varié, de l'intime à l'Histoire.
À son égard, je n'ai jamais douté de la sincérité de ces louanges, précisément parce que je les approuvais et les partageais. Alors qu'en général, j'ai toujours jugé la critique française (littérature, cinéma et ou théâtre) connivente, clientéliste, excessive et donc fausse, oscillant entre l'hyperbole et la démolition et donnant trop rarement une impression de liberté et d'authenticité. Peut-être ma vision est-elle excessivement pessimiste ; ou dois-je concéder être arrêté, devant beaucoup d'analyses favorables ou non, par cette limite intolérable qu'elles ne rejoignent pas les miennes ?
Avec le dernier et court ouvrage de JG, que j'ai lu d'une traite tant il mêlait la littérature, la période terrifiante et, pour certains, héroïque de l'Occupation, le destin de plusieurs écrivains détestables dans leurs écrits et leur comportement, maudits, rejetés, fusillé pour Robert Brasillach, talentueux mais égarés ou admirables tel Jean Prévost. Je me suis trouvé confronté à une excellence mais aussi à un léger malaise.
© Crédit photo : Francesca Montovani/Gallimard
Je n'ai pas à discuter le choix de ses hostilités et de ses dilections. Pour ces dernières, on sait que Jean Prévost, auquel il consacre plusieurs chapitres, est un modèle : comme écrivain, comme homme de courage, résistant et héroïque, comme personnalité capable de tout mener de front, homme de réflexion et d'action.
Quand JG se penche sur les écrivains qu'il honnit parce qu'ils ont écrit des horreurs, qu'ils ont pactisé d'une manière ou d'une autre avec l'occupant et qu'ils n'ont pas correspondu à son idéal de "chevalerie", parfois noblement sacrificielle, il ne perd rien de sa qualité de style, de son art des portraits et de sa fluidité narrative.
Pour le style, il rapporte ce qu'on reprochait à Paul Morand dans sa correspondance avec Jacques Chardonne : "faire du style dans chaque phrase". Ce pourrait être, de manière positive, porté au crédit de Jérôme Garcin.
Ce qui m'a perturbé, et qui tranche avec la compréhension profonde dont JG sait faire preuve même à l'encontre du pire, est le ton de dérision, ou condescendant, ou moralisateur, dont il use souvent. Comme s'il était impossible, en jugeant ces quelques écrivains méprisables, d'expliquer mieux pourquoi ils l'avaient été, dans quelle nasse l'Histoire les avait englués et comment ils n'avaient pas su ou pu en sortir. Un Robert Brasillach a été admirable à partir de son arrestation, durant son procès avec une justice expéditive et lors de son exécution : cela ne compense pas ses écrits indignes mais aurait appelé, de mon point de vue, moins de dogmatisme inquisiteur.
J'ajoute que JG a totalement raison de célébrer les écrivains résistants, mêlant à leur talent le courage d'affronter le nazisme et pour quelques-uns d'y perdre leur existence. Mais j'ai eu parfois l'impression, à le lire, qu'il fallait avoir résisté pour bien écrire, pour être qualifié de grand écrivain. Je n'irais pas jusqu'à placer Céline au-dessus de tous parce qu'il a révolutionné la langue française mais avoir ébloui avec Le Voyage ou Mort à crédit n'est pas à négliger.
Dans ce beau petit livre, je suis touché indirectement par l'autoportrait de JG : la littérature n'est pas tout pour lui, le courage est capital, dire non plutôt que oui, face à l'intolérable, est exemplaire, la vie n'est pas un long fleuve tranquille mais une lutte où il faut savoir se tenir.
J'espère, avec ce billet, n'avoir pas trahi l'honnêteté d'une critique, pas davantage que le bonheur d'une amitié.
@ Jean sans terre | 04 novembre 2024 à 00:47
"Zemmour aime la France telle qu’était dans les années 60-70. Mais cette époque ne fut qu’un moment. Dans le fond, il n’aime pas la France, celle longue de 1500 ans, tout simplement parce qu’il ne sait pas ce qu’elle est."
Très juste.
Mais "la vraie France, la seule France, la France éternelle", comme disait le général de Gaulle, il ne la sent pas vibrer en lui en parcourant toute son histoire depuis la lointaine Austrasie, elle ne l'habite pas, il ne la connaît pas.
Rédigé par : Axelle D | 04 novembre 2024 à 12:23
@ sylvain
Zemmour a tort pour l’élémentaire raison que le Grand Remplacement ne survient qu’après que le Petit a produit ses pleins effets. Avant même les invasions, les Français étaient déjà remplacés par ce qu’ils sont désormais. Tant que la cause n’est pas traitée, les effets perdureront. La cause, ce ne sont pas les musulmans qui comblent un vide. Cela n’est que le symptôme. La cause, ce sont les Français avec tout leur système nouveau de représentation du monde fondé sur des valeurs abstraites et désincarnées, fallacieuses et pernicieuses.
Zemmour rêve de revenir au monde de son enfance, d’avant les vagues migratoires, sans même comprendre que c’est parfaitement impossible et que ce monde même contenait en germes toutes les prémisses du monde actuel.
De tout cela, Zemmour ne dit rien. Cela lui échappe comme cela échappe aux millions de Français qui ne comprennent rien à ce qui leur arrive et qui se contentent avec une parfaite mauvaise foi d’affirmer que « c’est la faute des élites ». Les élites ne font que décliner leurs aspirations. La faute en incombe à ce qu’ils sont. Ils portent l’entièreté de la responsabilité.
Quant aux autres renonciations, il abdique sur tout. Il n’y a pas de France lorsque l’on renonce à la souveraineté. Dans l’UE, il sera impuissant et il le sait. Et d’abord, qu’est-ce que cette idée de se soumettre aux intérêts étrangers ? Quelle honte. Un patriote peut-il consentir à cela ? Est-ce que les Germains ou les Américains vont encore nous dicter notre conduite ? Armistice de 40 ou AMGOT de 44 ? UE ou OTAN ? Finalement, les choses ont bien peu évolué en soixante-dix ans. Son slogan se limitera donc à des incantations magiques : « Remigration », « Dehors les étrangers » ! Ne voyez-vous pas qu’il est plus sioniste qu’il n’est français ?
Zemmour aime la France telle qu’était dans les années 60-70. Mais cette époque ne fut qu’un moment. Dans le fond, il n’aime pas la France, celle longue de 1500 ans, tout simplement parce qu’il ne sait pas ce qu’elle est.
Rédigé par : Jean sans terre | 04 novembre 2024 à 00:47
@ Jean sans terre | 03 novembre 2024 à 12:34
"On passera vite sur le Grand Remplacement et l’invasion des Mahométans. Cela vire à l’obsession."
C'est ce que disaient les gens comme vous au sujet de Hitler, le trouver dangereux c'était de l'obsession, les pacifistes se sont plantés et tout le monde connaît le résultat de leur aveuglement limite coupable de la guerre qui a suivi.
Même scénario avec Zemmour qui a eu raison avant tout le monde, harcelé sali pénalisé embastillé par les racailles pacifistes gauchislamistes macroniennes pour avoir annoncé avec raison tout ce chaos criminel que nous subissons aujourd'hui.
Désolé, ne soyez pas jaloux, Zemmour a une intelligence supérieure à tout ce troupeau de moutons zombis dont vous faites partie ; l'histoire en fera un héros résistant, un Jean Moulin, un visionnaire qui avait prévenu le peuple de tous les malheurs et crimes qu'il subit aujourd'hui mais tous ces crétins collabos soumis pétochards ont choisi la soumission à leurs bourreaux, tant pis pour eux, qu'ils assument !
Rédigé par : sylvain | 03 novembre 2024 à 18:33
@ sylvain
Vous aurez le temps de l’être, sylvain. Le dada de Zemmour, comme souvent chez ces coreligionnaires, c’est l’invasion des Mahométans. Laissons-lui le mérite d’avoir mis dans le débat public un aspect cardinal de la pensée de Renaud Camus, sans d’ailleurs pratiquement jamais le nommer. Un autre aspect, dont on ne parle jamais, est encore plus instructif. Camus l’appelle le Petit Remplacement.
Zemmour a de vilaines manières qui le rendent au mieux déplaisant, au pire insupportable. On passera vite sur le Grand Remplacement et l’invasion des Mahométans. Cela vire à l’obsession. On croirait un fanatique religieux de Jérusalem. Ce qu’il dit n’est plus original. Ce n’est que trop maladivement ressassé. Les Français, dans leur très grande majorité, ne veulent pas de ces solutions extrêmes. Ils l’ont assez montré. Il serait bien plus intéressant de s’interroger pourquoi. Il ne le fera pas.
On en vient à se demander s’il souhaite vraiment ce qu’il dit ou s’il ne s’en sert que pour faire carrière. L’introspection, non plus, n’est pas son fort. Quel dommage, il pourrait s’améliorer, tirait les leçons de ses échecs, voir la vérité en face, au lieu de persister dans ses dénégations. Il se contentera paresseusement de reprendre son thème de prédilection qui suffit à lui assurer une clientèle fidèle et quelques succès d’audience.
Sur tous les autres sujets qu’il aborde, quelle catastrophe ! Il se trompe sur à peu près tout et avec une remarquable pleutrerie se couche sur plusieurs aspects essentiels qui touchent au pré carré français, malgré d’habiles tours de passe-passe sémantiques. Pourtant, sa capacité d’analyse est vantée ; je ne la vois pas.
Quant à sa capacité d’interprétation et de compréhension de l’histoire française, elle est douteuse, tout comme sa dilection pour la France qu’il aime comme un étranger, ou comme l’aiment quelques-uns de ceux qui en 1970 avaient vingt ans et voudraient demeurer dans cette époque qu’ils s’imaginent dorée. Je ne voudrais pas vous désillusionner. Le mieux est encore de le découvrir par vous-même. On en reparlera dans quelques mois ou quelques années, lorsque le mirage aura passé.
L’homme ne me paraît définitivement pas crédible, ses lacunes et ses faiblesses sont, elles, rédhibitoires. Il était meilleur comme publiciste. Comme homme d’État, il n’est manifestement pas au niveau, du moins pour ce que j’en attends. Vous me direz : les autres non plus. J’acquiescerai probablement.
Sinon, si vous croisez Sarah Knafo, la véritable tête depuis l’origine de Reconquête!, et de ce qu’il en reste après que tout le monde est parti – le « premier sexe » depuis fait sourire – vous lui rapporterez qu’il serait bon qu’elle cesse de voyager aux États-Unis aux frais des adhérents et que son manège au parlement insulte un peu trop l’intelligence des électeurs. Décidément, cette jeune femme, malgré la fulgurance de son intelligence, par bien des côtés, a des manies semblables au président. Sans doute, la raison en est-elle dans sa formation et la fréquentation du même milieu.
Ah, j’oubliais. Dites-leur aussi à Reconquête! qu’ils feraient mieux de mettre à la direction des personnes expérimentées plutôt que tous ces jeunes gens qui n’ont rien fait et qui ont de trop hautes prétentions. Peut-être y gagneraient-ils de faire moins d’erreurs de présomption.
Rédigé par : Jean sans terre | 03 novembre 2024 à 12:34
@ sylvain | 01 novembre 2024 à 18:58
Quel plaisir malsain et pervers prenez-vous à insulter et calomnier des millions de personnes qui ont dû subir l'humiliation de la défaite, l'évacuation, les privations de toutes sortes, l'emprisonnement, la torture, la déportation, l'extermination dans des conditions atroces ?
Non monsieur pas tous collabos loin s'en faut.
Quant aux résistants de la première heure par tous moyens et aux Justes (qui furent nombreux et prirent des risques inouïs sans se faire mousser), vous devriez avoir honte de nier leur courage, voire pour certains leur héroïsme. Je pense en particulier à Florentin et Léonard (proches de ma famille) capturés par les boches et affreusement torturés mais qui n'ont pas parlé.
Par ailleurs arrêtez avec vos analogies ridicules et offensantes concernant le héros de la Résistance Jean Moulin. Autant comparer un homoncule avec un géant.
Quant aux dénonciateurs et délateurs, ils ont toujours existé (ce que la récente crise du Covid a une fois de plus démontré) ; il me semble même que vous en faites partie en raison de vos accusations tendancieuses permanentes et sans fondements sous couvert de l'anonymat, ce qui n'est pas très glorieux !
Alors cessez de ranimer le bûcher de Rouen, Jeanne (d'Arc) dont vous vous parez en permanence (tandis que vous profanez son étendard comme nombre de vos acolytes sectaires), vous l'auriez livrée avec Cauchon de la même furie que nous poursuit votre hargne, de la même fumée que vos discours délateurs et vengeurs.
Honneur et respect !
https://youtu.be/HdXh21qsx9E?si=3GOMqO-YDiA_HOBe
Rédigé par : Axelle D | 02 novembre 2024 à 12:54
@ Jean sans terre | 01 novembre 2024 à 23:23
« Je crois que vous vous méprenez beaucoup, sylvain, à l'endroit de Zemmour et serez fort déçu »
Ne soyez pas déçu si je ne suis pas déçu de Zemmour, bien au contraire, c’est même un héros qui n’a jamais mis genou à terre face aux procureurs inquisiteurs islamos fachos gauchistes macroniens.
Rédigé par : sylvain | 02 novembre 2024 à 11:36
@ Exilé
« En persistant à juger avec une coupable facilité le passé, on s’épargne de juger courageusement le présent. »
C’était le sens de ma suggestion finale qui aurait convenu également aux observations de M. Hirel. Je n’ai pas souhaité descendre du général au particulier mais rester au général afin de dégager une maxime juste en la plupart des occurrences.
Au demeurant, votre développement est intéressant. J’agrée l’essentiel.
Au passage, on peut remarquer qu’au sortant de la guerre, on cherchait à complaire au camp des vainqueurs. On savait que l’on était un salaud - pour reprendre une insulte sartrienne - mais on ne voulait pas trop que cela se voie ni que cela se sache. Désormais, on est complaisant avec soi-même ou entre-soi. Je ne suis pas du tout certain que l’on ait autant conscience d’être un salaud. On fait partie du camp qui domine. Il serait curieux d’observer l’évolution des comportements si les circonstances changeaient.
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@ sylvain
Je crois que vous vous méprenez beaucoup, sylvain, à l'endroit de Zemmour et serez fort déçu.
Rédigé par : Jean sans terre | 01 novembre 2024 à 23:23
N'oublions jamais que la France occupée avait atteint des records de collabos délateurs hallucinants, tout le monde dénonçait tout le monde, tout le monde résistait en chantant "Maréchal nous voilà" !
À la fin de la guerre, tout le monde avait sa carte de résistant de dernière minute, tout le monde dénonçait ses voisins qui avaient collaboré, croix de bois croix de fer, avec les boches. Tout le monde faisait du zèle pour être les premiers à tondre les femmes et pendre les collabos.
Nous retrouvons le même scénario aujourd'hui chez les macroniens collabos islamistes alliés aux corrompues mafias gauchistes et leur gestapo anti-RN, anti-Zemmour le Jean Moulin de la seule et vraie résistance qui paie très cher le prix de sa forfaiture pour avoir essayé de soulever le peuple contre l'infâme invasion criminelle, organisée, souhaitée et protégée par Macron, sachant que notre peuple veau soumis préfère tomber sous les coups de ses bourreaux que défendre son honneur, honneur qui se limite à un doigt en macronie islamogauchiste.
Rédigé par : sylvain | 01 novembre 2024 à 18:58
@ Jean sans terre | 31 octobre 2024 à 13:11
« Le monde intellectuel a figé la morale publique aux procès qui ont suivi la guerre. Soixante-dix ans qu’il ne s’est plus renouvelé. Il serait enfin temps d’aller de l’avant. Qu’il ait fallu faire l’introspection de cette période inédite, sans conteste, était indispensable et salutaire. S’y fixer définitivement est confortable. »
En fait, cette période de l'histoire de France est et a été abondamment instrumentalisée très tôt par des gens qui ne s'étaient pas très bien comportés en 1940 mais qui, quand le vent a tourné, ont estimé que la commission d'actes parfois vus de nos jours comme stratégiquement aussi excessifs qu'inutiles, permettrait de faire oublier leur attitude première plus que discutable, actes illustrés vers la fin par des horreurs commises par des « résistants de la vingt-cinquième heure » ou par des procès menés de façon expéditive.
Mais cette instrumentalisation a été reprise, après quelques années d'accalmie, dans les années soixante-dix quand la réalité de la vie en URSS avec ses crimes et ses goulags, puis l'exode des boat-people et enfin l'auto-génocide cambodgien ont été révélés au monde entier et ont jeté un opprobre qui aurait normalement dû être universel et définitif sur l'idéologie marxiste-léniniste dite communiste.
Alors la gauche, qui aurait dû se cacher et faire profil bas, a entrepris une manœuvre de diversion pour faire oublier ses turpitudes, pour ne pas monopoliser le rôle d'accusé et afin de l'échanger contre celui plus confortable de grand Inquisiteur insatiable.
Elle a alors saisi le prétexte de la vulgarisation de la mémoire de la Shoah pour ressusciter la résurgence d'un antisémitisme alors quasiment inexistant dans la population française (les attentats alors constatés ayant été perpétrés par des groupes ou services étrangers) en en accusant la prétendue extrême droite, malhonnêtement associée par elle au monde de la collaboration pendant la guerre alors que ce dernier était pour la plus grande partie issu de milieux de la gauche ou du pacifisme.
Et tout cela à des fins de basse politique à caractère terroriste, dont l'ignoble manipulation socialo-communiste de Carpentras est un exemple, afin de désinformer les Français qui commençaient déjà à ne pas voter «dans le bon sens»
Après 80 ans (nous n'allons tout de même pas remonter aux Armagnacs et aux Bourguignons) ne serait-il pas temps, sans chercher à effacer la mémoire du passé dont celle des crimes commis, de cesser de judiciariser l'Histoire à tout propos et hors de propos, en dépassionnant le débat et surtout en cessant d'entretenir un climat de guerre civile permanent ?
Rédigé par : Exilé | 01 novembre 2024 à 18:39
@ Xavier NEBOUT
Monsieur, vos observations sur la primauté du fait religieux dans les sociétés ne sont pas sensément contestables. Évidemment tous ceux qui raisonnent à partir de concepts creux, telles l’universalité, la fraternité, n’y comprennent rien. Ils font de la casuistique.
Toute la droite intellectuelle pensait au début du siècle précédent que l’âme juive était corruptrice de l’âme française. Elle ne pensait pas moins des maçons et de l’idée de progrès. Elle résistait encore. 1870 n’était pas encore si loin. D’où, en quelque sorte, le mouvement réactionnaire qui a suivi le traumatisme de la défaite, mouvement partagé par une majorité large de la population. Le travail de sape et de corruption de l’identité française commençait à faire son œuvre dans les écoles françaises. La population s’est laissé emporter et n’y a rien vu. Les vainqueurs ont depuis réécrit l’histoire à leur façon.
De Gaulle, dans la seconde partie du siècle s’est accommodé assez lâchement avec l’air du temps. Il n’a guère fait mieux que le Maréchal. Étrange similitude de destin. Il a tenté de sauver ce qui pouvait encore être sauvé dans une France en totale déroute morale. Le prestige est sorti provisoirement indemne. Je m’interroge s’il sut discerner comment l’état d’esprit de la jeunesse avait été influencé pernicieusement de l’étranger. Je doute qu’il en prit toute la mesure, ou seulement tardivement. Je pense qu’à la fin plus encore que le Maréchal il était totalement désabusé et désespéré. Alors, il n’a plus songé qu’à sa gloire dans l’Histoire en enjolivant ses Mémoires, et en y laissant des traces qui serviraient aux âmes racées qui un jour reprendraient la tâche.
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@ hameau dans les nuages
Vous savez, je crois que je suis en plus considérable affliction que vous. Certes, je sais toute la puissance irrépressible du conditionnement. Mais je ne peux m’empêcher de considérer que chacun a au fond de son âme une petite étincelle, une flamme, irréductible et qu’il peut voir ce qu’il s’interdit habituellement de regarder, qui est là flagrant et net devant son regard. Mon affliction vient de ce qu’il ne le fait et se conduit en aveugle. J’ai tenté de comprendre et je crois avoir compris. Mon cœur en a été navré mortellement. Souffrir est encore vivre. C’est peut-être même vivre le plus intensément. Je ne veux pas m’abandonner au désespoir. Je résisterai jusqu’à ma dernière goutte de vie. Tant qu’on n’est pas mort, il reste un espoir. Et puis, il y a ceux qui restent. Il en restera toujours qui ont l’âme bien née. Ma vie n’a pour moi plus d’importance. Mais eux sont le sel de ma vie.
Rédigé par : Jean sans terre | 01 novembre 2024 à 15:59
« Un critique littéraire, c'est une mémoire livresque considérable plus une culture tous azimuts plus l'esprit de découverte plus un fort pouvoir d'analyse plus un vrai talent d'écrivain. »
Quand Bernard Pivot, pour réfuter en être un, écrivait cela dans « Le Métier de lire » (Gallimard, 1990), pensait-il à son alter ego de France Inter, tout nouvellement nommé aux commandes de cette autre émission culte qu’était déjà « Le Masque et la Plume » ?
Pour ma part, avec la modestie qui convient, j’ose ajouter à la définition de Bernard Pivot une autre qualité indispensable au critique littéraire, en fait à tous les critiques, quelle que soit leur spécialité artistique : l’indépendance de son expression.
Oublier les amitiés, se dégager des pressions, se moquer du qu’en dira-t-on, fuir les connivences, ne pas craindre les conséquences, voilà qui est redoutable à accomplir et rarement réussi... pas même envisagé.
Jérôme Garcin étant un ami de notre hôte, j’admets que la courtoisie, dont le critique doit aussi parfois se défaire, m’oblige à être prudent dans ma façon d’écrire que JG n’a pas toujours fait preuve de toutes les qualités requises pour être critique littéraire, en particulier de cette indépendance d’esprit qui doit rompre toutes les chaînes, quitte à se retrouver seul contre tous.
En étant plus franc, j’aurais affirmé que JG a été - et l’est probablement encore - un membre éminent, et même l’un des chefs, de la caste des critiques littéraires qui, animés par le goût de paraître et, pour beaucoup d’entre eux, un progressisme bienvenu dans les salons, dominent depuis des lustres l’intelligentsia parisienne, désignent les talents et, confraternité oblige, s’obligent à force acclamations dès que l’un d’eux publie. Il en est de même dans les petits mondes des critiques de cinéma, de théâtre et de musique... Les amis des amis sont des amis, les ennemis des amis sont des ennemis et les amis des ennemis des amis sont des ennemis...
Je crois que, de ma vie, je n’ai rencontré qu’un seul critique réellement indépendant. Prof agrégé de lettres, Paul Lafaille était pigiste dans un quotidien lillois (qui n’existe plus) qui lui avait confié sa chronique théâtrale. Dix minutes après la fin d’une « première », il déboulait à la rédaction, s’installait sans mot dire devant sa machine à écrire. Trois quarts d’heure plus tard, il remettait ses « 2500 signes et espaces » au secrétariat de rédaction et s’en allait... La règle voulait qu’un coursier aille porter l’un des premiers exemplaires du journal aux artistes qui, accompagnés de leur cour médiatique, dînaient et faisaient la fête, déjà sûrs de la presse du lendemain. Certains « Fauteuil 131 » l’assombrissaient...
Quant au comportement de Jérôme Garcin vis-à-vis des « auteurs maudits des années brunes de notre histoire », il n’est que la conséquence logique de cette organisation grégaire qui oblige à ne pas se démarquer de la pensée unique. Qui, dans cette communauté jugeant des élégances oserait, non une louange, mais simplement le constat des qualités d’écrivain de tel ou tel « collabo » ? C’est l’opprobre assuré, le pilori certain... « Fasciste ! ».
« Le ton de dérision, ou condescendant, ou moralisateur » de JG vis-à-vis d’eux est nécessaire au maintien de son aura, au poids de son carnet d’adresses, à la persistance de l’admiration qu’on lui porte... Et tant pis si la littérature française est privée de quelques auteurs qui la rendraient encore plus prestigieuse. La réhabilitation de leurs œuvres, même expurgées des traces de leurs erreurs, coûterait trop cher à qui la tenterait.
Tant pis si la culture française, en 2025, ne parvient pas à se dégager de ces temps troubles qui hantent les esprits peut-être plus aujourd’hui qu’au lendemain de la guerre, lorsque la France libérée devait s’unir pour se reconstruire. De toutes façons, un président de la République encore en place n’a-t-il pas affirmé qu’elle n’existe pas ? Partout ailleurs dans le monde, il aurait été démissionné. Les Français sont des veaux... sont restés des veaux... Tous... sauf quelques téméraires :
« Parce que je n'aurais pas requis la peine de mort contre Brasillach. Parce que je n'aurais pas tout mis en œuvre pour qu'il soit condamné à mort. Parce que j'aurais accueilli son recours en grâce. Parce que je n'aurais pas, si j'avais été Brasillach, désiré serrer la main de l'accusateur Reboul. » (Philippe Bilger)
Rédigé par : Serge HIREL | 01 novembre 2024 à 15:40
@ genau | 31 octobre 2024 à 21:02
« On fait lire aux enfants la lettre de Guy Môquet sans leur dire comment il a été trahi, abusé, livré alors que ça mériterait un développement de conscience. »
Et surtout sans même leur avoir expliqué qu'il n'avait rien, mais alors vraiment rien d'un résistant, alors qu'il s'agissait ici aussi d'une énième façon de réécrire l'Histoire afin de tromper les Français.
Pour une fois que le Monde peut nous expliquer un fait nettement et sans ambages, donnons-lui la parole pour remettre les choses dans leur contexte :
https://www.lemonde.fr/idees/article/2007/06/23/guy-moquet-le-mythe-et-l-histoire-par-jean-marc-berliere-et-sylvain-boulouque_927306_3232.html
Rédigé par : Exilé | 01 novembre 2024 à 14:49
@ Jérôme | 31 octobre 2024 à 20:40
"...qu'il était moins grave de livrer un juif étranger qu'un français. La kippa m'en tombe. La bêtise n'a pas de limites."
Si vous me le demandez je vous répondrai que je préfère que ce soit un juif étranger qui soit livré à ma place.
Il faut avoir une bêtise illimitée pour dire le contraire, fastoche de donner des leçons d'héroïsme aux autres, pas fastoche quand il s'agit de sauver sa peau plutôt que livrer celle d'un autre, c'est plus prudent.
Rédigé par : sylvain | 01 novembre 2024 à 14:33
Il est plus constructif et plus intéressant de savoir comment l'antisémitisme allemand commodément réduit à celui d'Hitler a abouti à la catastrophe, que de se vautrer dans la diabolisation et le refus de la vérité historique.
Il y a à la base et toujours le problème religieux que l'on veut ignorer : une religion est une méthode collective de spiritualité - nous pouvons dire d'accès au salut de l'âme. Elle repose sur des dogmes et des principes moraux. Si on fait cohabiter des individus n'ayant pas les mêmes tout en les considérant d'égale valeur, la justice est impossible.
Il ainsi impossible de condamner avec ses principes moraux, le musulman qui traite de traînée une femme habillée avec un short et avec un décolleté jusqu'au nombril comme tout un chacun l'aurait fait chez nous il y a seulement un siècle. De même, le prêt à intérêt jadis interdit aux chrétiens mais permis aux juifs, a entraîné leur prospérité financière et par conséquent le ressentiment qui fera leur perte.
C'est pourquoi saint Louis comme Isabelle la Catholique avaient déporté des juifs sans haine ni mépris, l'un vers des villes créées pour eux comme Carpentras, l'autre vers l'Afrique du Nord.
La laïcité et son aboutissement avec la loi de 1905, est une spécificité du peuple le plus prétentieux de la planète pour ne pas dire autre chose, comme il est le seul à avoir condamné son roi à mort.
À la sortie, on a, avec Macron et sa bande, la ruine financière et morale.
Et pour couronner le tout, ce n'est pas un clergé de dégénérés qui va nous donner la solution pour en sortir.
Rédigé par : Xavier NEBOUT | 01 novembre 2024 à 12:18
@ Jean sans terre | 31 octobre 2024 à 13:11
Voilà ce que j'écrivais ici même il y a dix ans, dix ans déjà.
"Ah non c'est trop facile ! Les écoliers par le biais de leurs livres scolaires ont connaissance de la traite des nègres. C'est un fait historique même s'il est quelque peu malmené. N'ont à se repentir voire dédommager s'il le faut, que les descendants des responsables.(...) J'estime que dans l'état où se trouve notre pays, nos ministres ont plus urgent que de faire du mémoriel leur principale activité. Je ne suis ni responsable ni coupable et n'ai pas à enlever mon béret devant le descendant d'une supposée victime de la traite négrière pour expier des crimes que ma famille n'a pas commis. L'amalgame, ça suffit. Et d'être traité comme des "salauds" aussi.
Sinon vous avez là sous vos yeux des responsables français qui ont soutenu les néonazis de Kiev voulant faire des pogroms et la chasse au juif. Le fait qu'ils soient de gauche ne devrait pas être pour vous un obstacle.
Il s'agit là de mémoire immédiate.
Mes petits-enfants pourront dire : ils savaient et n'ont rien fait et l'ont même encouragé et financé. Mais on leur racontera une autre histoire bien sordide sur la responsabilité des Français qui n'en pouvaient mais."
(Rédigé par : hameau dans les nuages | 14 mai 2014 à 23:03)
Et là nos politiques, notamment locaux, continuent de faire repentance entourés des rabbins.
https://www.facebook.com/photo?fbid=10231286912947335&set=pcb.10231286921707554&locale=fr_FR
Rédigé par : hameau dans les nuages | 01 novembre 2024 à 09:57
Notule en cours de lecture du corpus delicti.
Certaines fois, le sujet m'échappe. C'est le cas. Manque de subtilité, peut-être, sans doute, sûrement. Morand m'a toujours fasciné, dans sa cruauté presque tendre. Brasillach, c'est un des mystères de cette époque, et avec un préopinant, je revisite notre histoire, le destin atroce du maréchal Pétain, dont les gens d'aujourd'hui ne savent rien, sauf ce que leur bonnit la gauche qui se tait honteusement sur sa compromission soviétique. On fait lire aux enfants la lettre de Guy Môquet sans leur dire comment il a été trahi, abusé, livré alors que ça mériterait un développement de conscience.
La résistance, variable avec le courant (pardon) qui la guidait et l'impression bipolaire qu'elle pouvait laisser. Espoir, mais surtout crainte des représailles, brutalité de l'intervention chez les citoyens, ambiguïtés.
Mais nous ne sommes pas ici pour ratiociner sur les comment et les pourquoi, seulement pour revisiter le résultat du trouble, et surtout de la nécessité de comprendre. Il me paraît (en cours de lecture) lire de la philosophie châtrée.
Une bonne morale mais sans sanction, un engagement sans munitions.
Bon, à suivre, au moins pour moi, courage, on les aura.
Rédigé par : genau | 31 octobre 2024 à 21:02
Je me suis toujours demandé comment les Allemands avaient fait pour nous faire un deuxième trou d'balle aussi facilement en 40. Avec tous les petit-fils de résistants, fils de résistants qui se déclarent, tous les Français étaient donc de rudes guerriers.
Le prof pédant "pédante".
Le noeud bout dans le ridicule de la réécriture zemmourienne de l'histoire. Jusqu'à suggérer qu'il était moins grave de livrer un juif étranger qu'un français. La kippa m'en tombe. La bêtise n'a pas de limites.
Rédigé par : Jérôme | 31 octobre 2024 à 20:40
Futurs professeurs de lettres modernes, il vous appartiendra de décider si la langue française que vous enseignerez à tous restera ou non une des plus belles langues de civilisation ou si, grécisée par les pédants, puis anglicisée par les snobs, avant d'être américanisée par les marchands, elle deviendra l'un des patois de ce que j'ai appelé d'un mot qui, par malheur, n'était pas outrancier : le sabir atlantique. (Etiemble, 1964)
Rédigé par : Patrice Charoulet | 31 octobre 2024 à 20:16
Ah, les résistants, comme on a la mémoire courte, et surtout inexistante...
On avait déclaré la guerre, et on était en débandade.
Que fallait-il faire ? Se battre jusqu'au dernier ?
Faire mourir les autres, c'est facile, c'est ce que voulaient certains en continuant depuis l'Algérie.
Et puis on est allé chercher le seul qui avait une chance de limiter les dégâts. Le vieux Maréchal, aussi vénéré par les Français que respecté par les Allemands qui savaient bien qu'ils lui devaient leur défaite en 1918, et qu'il comptait les morts.
Alors, on a eu un armistice inespéré.
Et puis les Français, ils admiraient Hitler pour sa fulgurante réussite en Allemagne et pour nous avoir battus.
Alors, après tout, la collaboration, pourquoi pas ?
Les juifs ? D'abord, n'étaient menacés de déportation que les juifs étrangers, et même ceux-là, on ne savait pas quel était leur sort.
Brasillach lui-même qui ne cessait de les vilipender depuis vingt ans, et qui aurait voulu s'en débarrasser comme le préconisait Hitler, a été consterné après avoir visité Dachau, non pour la mortalité, mais seulement pour la misère qui y régnait, il n'a plus dit un mot à ce sujet par la suite.
Alors Pétain a fait ce qu'il a pu, et les dits collaborateurs pensaient bien faire en rêvant d'une Europe heureuse sous protectorat allemand plus qu'occupation.
Car il y avait le danger communiste - intérieur et extérieur, et on l'a aussi oublié, si ne n'avait pas été le nazisme, en Allemagne, ça aurait probablement été le communisme. Les Russes, lorsque Hitler est entré en Russie, étaient quatre millions l'arme au pied à la frontière allemande.
Ça, on ne veut pas le savoir.
Alors résister.
Pétain avait organisé une résistance de l'armée en vue d'une victoire finale des alliés, une résistance du renseignement. On ne veut pas savoir.
Quant à une résistance armée contraire en violation de l'armistice que nous avions signé, De Gaulle lui-même y était hostile.
Les résistants communistes et évadés du STO, on n'avait pas besoin de ça pour mettre la pagaille.
On a oublié.
La "Résistance" avec trente-six guillemets, c'est pour les ignorants et les gogos.
Rédigé par : Xavier NEBOUT | 31 octobre 2024 à 17:04
Le monde intellectuel a figé la morale publique aux procès qui ont suivi la guerre. Soixante-dix ans qu’il ne s’est plus renouvelé. Il serait enfin temps d’aller de l’avant. Qu’il ait fallu faire l’introspection de cette période inédite, sans conteste, était indispensable et salutaire. S’y fixer définitivement est confortable. En condamnant peu scrupuleusement les hommes d’avant on s’exonère beaucoup trop facilement de considérer ceux d’aujourd’hui, dont soi-même, et de projeter sur eux toute la lumière qu’il faudrait. Ne s’aperçoit-on pas que les hommes d’aujourd’hui sont dans la même confusion que ceux d’avant ? Notre époque comprend son lot d’hommes d’honneur courageux et son lot de traîtres et d’infâmes collaborateurs. En persistant à juger avec une coupable facilité le passé, on s’épargne de juger courageusement le présent.
Rédigé par : Jean sans terre | 31 octobre 2024 à 13:11
Dans son dernier livre, Jérôme Garcin dresse un panorama des belles-lettres françaises sous l’occupation. Le tableau est effrayant. À quelques rares exceptions près, tel l’admirable et méconnu Jean Prévost, les écrivains et de façon plus générale les intellectuels, à des degrés divers, ont participé à la collaboration ou s’en sont accommodés à l’image finalement du pays. Illustration de cette triste loi : le nombre ne garantit pas la vérité.
Jérôme Garcin ne tombe pas dans la facilité du manichéisme. Il ne met pas dans le même sac Jean Cocteau et Robert Brasillach, l’un agit par légèreté coupable, l’autre par une sorte de fanatisme.
Mais à la fin du livre, on éprouve le même sentiment que celui dont nous fait part son auteur dans son introduction : « J’ai essayé de comprendre sans jamais y parvenir, d’où vient que l’exercice de la littérature peut mener à l’insoumission comme à la soumission, à la bravoure comme à la lâcheté ; et pourquoi on ne se méfie jamais assez des mots ».
Rédigé par : Marc Ghinsberg | 31 octobre 2024 à 09:04
« Cet auteur, qui est un ami, éprouve une passion pour la littérature, il écrit des livres qui sont remarquables et ont toujours bénéficié d'une critique enthousiaste. Son registre est infiniment varié, de l'intime à l'Histoire. » (PB)
Thèse, antithèse, synthèse.
Généralement quand un billet commence par un éloge (thèse), il faut s’attendre à quelques égratignures bien senties dans la seconde partie, concernant notamment les écrivains maudits de la période de l’Occupation.
Tout repose finalement sur la conclusion. Allez, nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais on reste ami, hein ? :)
Rédigé par : Achille | 31 octobre 2024 à 08:08
"J'espère, avec ce billet, n'avoir pas trahi l'honnêteté d'une critique, pas davantage que le bonheur d'une amitié." (PB)
Je dirais que parler du livre d'un écrivain en bien lui rend un service signalé. S'il est un démiurge, il ne s'appelle pas Apollon ou tout autre dieu si artiste.
Incapable de faire la publicité pleine d'ubiquité de son oeuvre.
Et en plus, il n'est pas forcément son meilleur avocat... Si on n'exige pas d'eux d’écrire des romans, pourquoi attendrait-on qu'un écrivain fasse la réclame de son oeuvre ?
C'est un talent qu'on peut avoir... ou pas.
Le courage, je le pense aussi, est un talent, qui peut se décliner sous au moins deux espèces, intellectuel et physique.
Si l'écrivain ne serait pas un écrivain sans un regard singulier sur le monde, on aurait tort d'attendre de tous une lucidité sans défaut, et ce surtout, dans le domaine politique. Le romancier, vampire universel, tire son oeuvre du sang des autres et du sien, mais enfin, s'il guette les comportements et les fils qui agitent les êtres, rien ne dit qu'il voit forcément l'irruption du nouveau dans une époque, malgré un tel recul.
L'historien ou d'autres n'y sont pas forcément aptes non plus, malgré une focale différente. Et on pourrait le dire de tant de gens qu'en France on attend comme des guides, tout simplement parce que Voltaire avec Calas, Zola avec Dreyfus, nous ont gâtés : on exige de ceux qui regardent l'océan de la proue du navire, des qualités de vigie.
Eh bien, certains voient plus loin pour certaines choses, du moins, et d'autres non. Et la masse du public n'a pas plus de talent pour recevoir les messages que les regardeurs de vagues l'art de les énoncer. Hélas, pour quand une vague scélérate déferle !
Il y a le courage physique. Avoir la lucidité de voir le mal, c'est souvent aussi reconnaître ce qu'il en coûte de se dresser contre lui : la mort, mais avant cela, peut-être, la mort de son oeuvre, qui ne sera pas publiée, la perspective, si on se bat vraiment, d'être torturé avant de mourir.
Et il y a le risque d'avoir trahi ses compagnons avant, parce que les gens résistant à... la question, sont fort rares, et qu'hélas, tout le monde n'a pas sur soi de poison, voire le courage de le prendre à temps.
Car cela va contre l'instinct de survie, l'espoir plus indéracinable que n'importe quelle mauvaise herbe, voire qui sait pour certains, l'interdit du suicide : qui ne croit pas avoir le droit de s’éclipser est à la merci de tous les coups du sort..
Et tomber en captivité, surtout torturé, est encore un cas où on peut voir qu'en principe, la lance est plus forte que le bouclier.
"Ce qui m'a perturbé, et qui tranche avec la compréhension profonde dont JG sait faire preuve même à l'encontre du pire, est le ton de dérision, ou condescendant, ou moralisateur, dont il use souvent." (PB)
Je gage que comprendre des gens qui révulsent est très fatigant... Après l'effort, le réconfort, on s'en dédommage par le style.
Il y a bien des écrivains de fiction qui méprisent leurs personnages, ou du moins certains. Comme s'ils en avaient le droit ! Ils en sont responsables, les ayant créés, et l'effort d'empathie me semble un passage obligé pour mieux les développer.
Plaignons les personnages battus par l'auteur ! Et le lecteur qui n'entend pas les cris, mais le vide du pantin d'encre.
Pour en revenir à la description d'êtres réels, le cas des gens peu fréquentables est problématique.
Trop sympathiser risque de faire qu'on prenne leurs mauvais côtés, trop s'en éloigner de ne pas les comprendre.
L'avocat général ne saurait manquer de voir des gens qui ne sont pas tous des bandits au grand cœur. Mais un romancier peut éviter de traiter de certains sujets... Autant en profiter, malgré ceux qui le poussent vers ceci ou vers cela, pourquoi votre livre ne parle-t-il pas de ?
Parce que le livre, c'est la réponse à un appel. Pas le vôtre... Des questions, des visions, tout ce qui, en soi, se résout, non dans le sens, se guérit, mais se donne à reconfigurer dans l'oeuvre.
Cependant, réfléchissons à ceci : si on interdit de dire certaines choses dans certains pays, pourquoi ne pas aller d'obligations négatives à des obligations positives ?
Parfois et réservées à certains, type réquisition d'écrivains, et soyons de notre temps, scénaristes de fiction et autres blogueurs.
Se battre pour la liberté ? C'est œuvrer à ce que d'autres que soi accroissent leur embrassement du monde, que les créateurs... et celui à qui sa vie dérobe cette vocation, d'être le créateur de sa vie.
Des choses très élémentaires vont dans ce sens : qu'il puisse regarder une ou des chaînes de télévision répondant à ses choix, qu'il ait le droit, anonyme, de dire ce qui ne peut l'être sans masque, sur la toile.
Rien de révolutionnaire, dans ces requêtes... Mais il est dramatiquement facile d'imposer ceci ou cela aux gens, surtout quand ça sort en rafale : les gens ne peuvent pas suivre.
C'est pourquoi, je pense, la tentation d'appeler aux prohibitions ou faire partie du pouvoir, voire de mêler les deux, attire... On ne crie plus dans le désert : chacun de ses oukases sculpte le réel.
Il l'appauvrit, il l'enlaidit ? Et alors, l'être humain ayant un instinct de domination irrécusable, il est bien naturel que le tente de "régner en enfer plutôt que que servir au paradis."
Et en plus, en pays occupé, il n'est pas question d'aller contre une puissance suprême, divine, contrairement au rebelle de Milton, on suit, au contraire, le courant, en rejoignant les vainqueurs.
Pour son malheur, l'être humain ressemble plus à la poule qu'au chat : lui convient qu'un supérieur le picore, s'il peut en faire autant à un inférieur. Une table renversée donne de formidables opportunités, c'est une des raisons de la fascination de la table rase.
La tabula rasa ? Les soldes pour le pouvoir.
Cerise sur le gâteau, l'ivresse du pouvoir peut donner à penser qu'on fait quelque expérience mystique, forcément anoblissante.
Et puis, l'écrivain écrit seul : dans les cercles du pouvoir, il ne l'est plus, et il passe d'être obscur, marginal, à central, sous le soleil. De perpétuelles vacances, n'y manque que le bord de la mer. Et c'est là, au contraire, que tout le monde le prend au sérieux.
En somme, l'écrivain trouve une place, quelque fonction et un faux sens... L'écrivain, ce curieux par profession, ce libre par vocation, pourrait prendre comme emblème un corbeau exceptionnel découvert dans le livre dont le lien suit.
Un oiseau entrait et se dépêtrait de toutes les cages, un curieux génie, sortant non de sa lampe, mais de dispositifs scientifiques comme de casse-têtes nourriciers.
https://www.actes-sud.fr/catalogue/nature-et-environnement/vivent-les-corneilles
L'écrivain, bon, en fait, l'artiste, rassemble ce qu'il peut trouver du monde pour en créer un autre.
Voulez-vous partager mon monde ? Telle est sa question fondamentale.
Double impulsion chez l'artiste, la critique, en tout cas, la constructive, aide à s’améliorer.
Mais elle fait forcément mal, parce que l'oeuvre est en principe ce qu'il a de plus précieux.
Donc, la critique littéraire incorruptible et l'amitié indéfectible se mêlent chez notre hôte.
Mais l'auteur peut le voir autrement, type, tu pouvais me le dire, pour rectification du tir, plus tard, et te montrer plus vendeur... J'ai si peur de ne pas être (assez) lu !
Ce n'est pas que par vanité : mon oeuvre est pour moi un monde vivant, et je ne veux pas qu'elle meure (si j'avais voulu faire dans l'éphémère, je me bornerais à dessiner des mandalas à effacer, à la façon de certains bouddhistes).
Sauf que !
Notre hôte n'a pas de devoir qu'envers l'ami écrivain, il l'est aussi, il ne va pas faire mentir sa plume.
Et puis, il ne va pas tromper ses lecteurs !
Rédigé par : Lodi | 31 octobre 2024 à 07:02