Les chroniques de Michel Guerrin sur la culture, dans le Monde, m'intéressent toujours, que je les approuve ou non. Stimulantes, elles tranchent radicalement avec l'esprit général de ce quotidien, qu'une distinction un peu condescendante éloigne du sentiment populaire.
Elles sont d'autant plus remarquables qu'on pourrait craindre le pire dans le domaine de la culture dont Michel Guerrin écrit justement "qu'elle est dominée par la gauche depuis toujours (...) et que la bataille idéologique en cours se propose d'en finir avec l'hégémonie de la gauche sur la culture institutionnelle".
L'un des fers de lance de cette résistance est David Lisnard, le maire de Cannes, qui a écrit que l'argent public "n'avait pas à financer des spectacles hostiles aux valeurs républicaines, militants, contraires à nos principes". Cette argumentation est habile car elle n'ostracise pas. Elle peut être approuvée par une droite et une gauche de bonne foi.
"Quand les peuples se droitisent, l'argent public peut-il encore être monopolisé par les oeuvres de gauche ?" : on a le devoir, en effet, de se questionner ainsi.
Michel Guerrin, aux antipodes de la conception d'une culture clivante et d'une arrogance élitiste, s'interroge précisément pour savoir comment on peut rendre la culture populaire pour qu'une majorité de citoyens, notamment dans les provinces, ne se sente pas délaissée. Cette question centrale est fondamentale pour une authentique politique culturelle. Le rédacteur de la chronique énonce tout ce qui pourrait paraître rejoindre la vision de gauche dans la culture d'aujourd'hui et il reprend ce qui est perçu comme une évidence par beaucoup : "Offenser est consubstantiel à la définition de l'artiste".
C'est cette conception de l'artiste que je me permets de discuter. Si j'en avais envie, je pourrais généraliser ma contestation et m'étonner, par exemple, du fait que dans plusieurs activités intellectuelles, notamment médiatiques, on considère que l'essentiel est de pourfendre, d'être moins un pouvoir qu'un contre-pouvoir permanent. C'est ce dont se réclame le journaliste de base, qui s'estimerait déshonoré par un mécanisme d'adhésion.
Je m'inscris en faux à l'égard de ce poncif qui imposerait l'offense pour être un véritable artiste. J'ai des exemples dans la tête, au fil des siècles, qui au contraire démontrent que l'artiste a d'abord été un créateur, un esprit, un talent qui rassemblent. Qui, par l'universel, loin de déchirer l'humanité qui l'écoute, l'admire ou le critique, favorise son unité, sa concorde et, pendant quelques heures, sa sensibilité et son intelligence tendues vers un même but : le spectacle qui la fait s'aimer parce qu'elle aime en même temps la même chose.
J'entends bien que dans la définition par l'offense, il y a une humeur âpre, acide, belliqueuse, qui correspond au désir de subvertir le monde et de se camper en intrépide même sans risque. J'avoue préférer le bel unanimisme engendré par l'artiste authentique qui ne nous blesse pas mais nous rejoint, édifiant un pont entre lui et nous.
Acceptons cette idée provocatrice que l'art soit destiné à nous faire du bien.
Incroyable ! Un livre célèbre a été écrit pour UN SEUL lecteur.
Fénelon avait écrit « Télémaque »* uniquement pour le duc de Bourgogne, son élève. Ce livre ne vit le jour que par l'infidélité d'un domestique qui en avait pris copie.
*dont je recommande la lecture
Rédigé par : Patrice Charoulet | 05 juin 2025 à 15:41
@ Axelle D
J'ai rencontré deux fois, en début de phrase (d'où la majuscule) "Saches que...".
L'auteur voulait donc bien employer l'impératif présent et a mis, bien à tort, un "s".
Rédigé par : Patrice Charoulet | 26 mai 2025 à 15:01
@ Patrice Charoulet
Plutôt que de relever les fautes des uns ou des autres, en donnant leur nom ou en misant, je pense, sur la curiosité publique pour qu'on vous interroge, pourquoi ne pas servir de correcteur bénévole ?
Evidemment, vous pourriez expliquer aux personnes aidées qu'elles ont fait telle faute à tel endroit par oubli de telle règle de grammaire ou toute autre raison. Sauveur de texte et professeur ! Ne serait-ce pas plus beau que censeur et rapporteur ?
Sinon, sur le blog, contrairement à d'autres, je ne suis pas contre vos hors-sujet sur la langue. Si on part du texte de monsieur Bilger, ce qu'il peut inspirer varie, de même que l'ombre par rapport au corps. Ma seule critique porte sur le fait de désigner des coupables... qui ne le sont même pas tous forcément, quelle cerise sur le gâteau !
Bien sûr, votre comportement serait autrement grave dans un cadre judiciaire... Cependant, le respect dû à chacun, à notre langue ainsi qu'à l'exemplarité professorale me semble commander un meilleur usage des compétences langagières de votre part. Alors, peut mieux faire ?
Rédigé par : Lodi | 26 mai 2025 à 07:35
@ Patrice Charoulet | 25 mai 2025 à 16:05
Il n'y a aucune faute s'il a employé le verbe savoir au subjonctif (...que tu saches...) et non à l'impératif.
Or comme vous ne citez pas le contexte, impossible de juger.
Rédigé par : Axelle D | 25 mai 2025 à 23:02
Je lis un texte d'un homme des plus estimables, qui a occupé, grâce à ses hautes compétences, les plus grands postes dans sa vie. Deux fois (ce n'est donc pas une inadvertance) il écrit : « Saches que... ». Il n'y a pas d's à la fin de ce mot !
Rédigé par : Patrice Charoulet | 25 mai 2025 à 16:05
À la télé, j'entends une journaliste très connue poser une question à son invité politique. Elle commence sa phrase ainsi : « Comment définireriez-vous... ».
Cette forme n'existe pas en français.
Le conditionnel présent du verbe « définir » est : Je définirais, tu définirais, il définirait, nous définirions, vous définiriez, ils définiraient. Cette dame aurait donc dû dire : « Comment définiriez-vous... »
Rédigé par : Patrice Charoulet | 24 mai 2025 à 19:12
@ Patrice Charoulet | 14 mai 2025 à 15:01
Pourquoi donc n'avoir pas consulté (la plume ou non à la main) le TLF (dictionnaire en ligne de la langue française) avant de vous en prendre indûment à Apolline de Malherbe qui, contrairement à vos allégations malveillantes, n'a pas péché contre la langue française en employant le substantif vraisemblabilité ?
Rédigé par : Axelle D | 17 mai 2025 à 19:31
La plume à la main, je lis avec plaisir un livre de Flaubert. Je tombe sur un mot que je ne comprends pas. N'acceptant pas cela, comme d'habitude, j'ouvre les principaux dictionnaires unilingues qui m'entourent. Inutilement. Reste à écrire le mot sur mon ordinateur, en espérant une réponse. En vain. Que faire ? Consulter en ligne le TLF. Le TLF, Trésor de la langue française, est un immense dictionnaire, coûtant une fortune, que je n'ai pu m'acheter, mais qui est en ligne. Je trouve le mot. Tout s'éclaire. Le TLF me gratifie même d'une citation de George Sand, en date de 1833. George Sand était une grande amie de Flaubert. Quand elle mourut, son ami écrit avoir beaucoup pleuré. Je présume que Flaubert a trouvé ce mot dans un livre de son amie et que ce mot lui a plu. En tout cas, je connais maintenant ce mot français.
Rédigé par : Patrice Charoulet | 17 mai 2025 à 14:29
Je ne pense RIEN sur l'art, les artistes, la culture.
Je ne pense RIEN sur aucun peintre, et moins que rien sur aucun peintre non figuratif. Je trouve Picasso nul.
J'aime la langue française passionnément.
J'admire Littré, Paul Robert, Alain Rey, Furetière, Henri Bénac...
J'aime quelques morts : Molière, La Fontaine, La Bruyère, La Rochefoucauld, Chamfort, Joubert et un écrivain français vivant que je ne puis nommer.
Rédigé par : Patrice Charoulet | 12 mai 2025 à 14:54
@ duvent | 11 mai 2025 à 22:32
« Ceux qui sont des amateurs sont des amateurs, et l'Art est hors de leur portée, c'est ainsi qu'ils devraient être humbles devant l'exception, ce qui leur permettrait de reconnaître l'immensité du talent quand elle se présente devant leurs yeux de pignoufs ! »
Désolé de vous contredire, mais il arrive que des « pignoufs » soient de véritables artistes et que ce qu’ils créent vaille (artistiquement) tout autant, sinon plus, que des productions de maîtres reconnus et cotés dans les galeries renommées. En voici un exemple en Saintonge : 400 statues en ciment armé réalisées, dans les années 70-80, par un menuisier de métier, Gabriel Albert, qui, aujourd’hui, figurent à l’inventaire des Monuments historiques.
https://www.jean-marie-sicard.fr/le-jardin-de-gabriel
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jardin_de_Gabriel
Qu’on aime ou qu’on n’aime pas, il s’agit d’art... et d’un ensemble artistique « d’exception » (à la fois parce qu’il est unique et hors du commun). Il s’agit d’« art naïf » (ou d’« art brut », indiquent certains spécialistes) et le Menuisier Gabriel est à classer aux côtés du Douanier Rousseau et du Facteur Cheval, deux « amateurs » autodidactes auxquels nul ne dénie aujourd’hui le titre d’« artiste », n’est-ce pas ?
À noter que l’on doit le sauvetage du « Jardin de Gabriel » à « Ségo », qui, présidente de la Région, a acheté le jardin, la maison et l’atelier de Gabriel Albert et fait restaurer les statues... Si, si, la reine du Chabichou laisse là un bon souvenir au Poitou-Charentes. Le fait est suffisamment rare pour qu’il soit souligné...
Rédigé par : Serge HIREL | 12 mai 2025 à 14:23
« Je m'inscris en faux à l'égard de ce poncif qui imposerait l'offense pour être un véritable artiste. J'ai des exemples dans la tête, au fil des siècles, qui au contraire démontrent que l'artiste a d'abord été un créateur, un esprit, un talent qui rassemblent. Qui, par l'universel, loin de déchirer l'humanité qui l'écoute, l'admire ou le critique, favorise son unité, sa concorde et, pendant quelques heures, sa sensibilité et son intelligence tendues vers un même but : le spectacle qui la fait s'aimer parce qu'elle aime en même temps la même chose. » (PB)
Le Tartuffe ou l'Imposteur, l'Avare, les Précieuses ridicules, ces pièces de Molière qui dénonçaient des travers humains éternels ou des aberrations de son temps, ne pourraient-elles pas être le canevas de pièces modernes, tellement la bêtise humaine est intemporelle ?
Quand un nouveau Molière nous réjouira-t-il avec un « L'Antiraciste ou le Sycophante», un « Le Redistributeur ou le Généreux avec l'argent des autres », « Les Wokes ou les Échappés de l'asile» voire un « Les Fourberies du Président » ?
Rédigé par : Exilé | 12 mai 2025 à 12:29
Allons y au phosphore !
L'art n'aurait-il pas un effet psychotrope en faisant rejoindre les parties gauche et droite du cerveau - raison et intuition, à l'instar des hallucinogènes hypnotiques ?
Ne serait-ce pas pour cela, qu'il y a très peu d'artistes femmes ?
Rédigé par : Xavier NEBOUT | 12 mai 2025 à 11:40
@ Xavier NEBOUT
Vouloir réduire Proust à l’homosexualité correspond bien à vos superstitions spirituelles, qui discriminent toute explication de leur méprise.
Vous devriez lire les livres avant de les brûler.
Rédigé par : Aliocha | 12 mai 2025 à 10:31
@ genau | 12 mai 2025 à 01:49
« Il est renversant qu'après des millénaires d'écrits, aphorismes et doctes avis de dames et messieurs avisés, on continue à jaser sur une définition, un but, une mission de ce quelque chose qu'on aime appeler l'art et à qui on confie une fonction. »
Ce qui est renversant c'est que je m'apitoie sur le fond de votre pensée, et il m'apparaît deux hypothèses, voire plus :
1) une mesquinerie due à l'amertume
2) une posture due à un esprit de diva
3) une feinte due à l'expérience du fleuret
Bref ! Je ne tiens pas pour une écriture performante celle qui tourne autour du pot sans nous faire voir ce qui s'y trouve...
« Je me souviens d'une représentation des Indes galantes, à Gent, je pense, brillante, enchantée, mais dont la dernière note fut suivie d'un énorme "Ouf", poussé par un spectateur voisin, qui a provoqué un rire libérateur. »
« Ouf » est un commentaire très profond, il a l'avantage d'être bref et celui de constater combien les prétentieux et les ambitieux souffrent lorsqu'ils s'acoquinent indûment.
« Ouf », est aussi un avis très pointu, et il convient de le mettre sur le fronton des écoles, car c'est avec des « ouf » que l'humanité a construit ses mythes dont l'utilité est comment dire ; OUF !
Mais vous usez du slogan avec originalité, c'est d'un niveau qui pourrait taquiner le firmament et nous le voyons dans votre phrase : « L'art au sommet, mais c'est un peu la vie mélancolique des méduses. »
Le plus percutant étant « méduses » !
« L'art est pingre ou munificent, parfois en même temps ; Beaumarchais ne sera jamais démenti : "Pour pouvoir créer, il faut avoir mangé". »
Beaumarchais, que j'aime beaucoup, était un beau parleur, il savait comme ceux de son temps avoir autant d'esprit que de besoins, et pour une montre il aurait dit mille vérités qui aurait pu donner un évangéliste hors pair comme il s'en voit dans les Amériques...
Mais il me semble que vous n'avez pas saisi complètement le sens de "Pour pouvoir créer, il faut avoir mangé", et vous l'avez dévoyé.
Désormais, je vous le dis , la phrase que je soutiens en matière de création est celle-ci : "Pour pouvoir créer, il faut avoir bu du café."
Ainsi, en matière d'Art l'échange n'est pas tempéré, car la plupart est craintive, le reste est bouffi de vanités... Mais il reste l'espérance dont on sait qu'elle est composée de deux tiers de concupiscence, un tiers d'inquiétude et le dernier tiers de Picon !
Rédigé par : duvent | 12 mai 2025 à 10:07
"Acceptons cette idée provocatrice que l'art soit destiné à nous faire du bien." (PB)
Peut-être faudrait-il préciser que ce bien nous est procuré par le truchement du Beau et du Vrai.
Et c'est précisément cette intervention du Beau et du Vrai qui permet de faire la différence entre l'artisan et l'artiste.
L'artisan utilise le beau pour la réalisation d'objets utiles dans le cadre du vrai défini par les conventions sociales que l'artiste a générées.
L'artiste peut être considéré de deux façons différentes.
Dans une première vision, on peut dire qu'il est un créateur de ce que l'on appelle l'Art, un art qui n'est pas simple à définir.
On peut aussi considérer qu'il est le vecteur ou le média par lequel le Beau et le Vrai se manifestent. Ce qui suppose une certaine transcendance, ou immanence, comme on voudra, à ces deux concepts.
Dans cette approche, on comprend mieux la distance souvent observée entre le créateur et sa création, celle-ci semblant parfois, sinon complètement étrangère à la personnalité de l'artiste, du moins distanciée au point qu'il semble difficile de faire le lien entre le créateur et sa création.
On peut citer deux cas limites.
Mozart est celui qui vient tout naturellement.
Une musique d'une finesse et d'une sensibilité extrêmes, alors que le personnage, si on croit sa correspondance et la légende fondée sur son vécu, était loin de la pureté qui se dégage de ses oeuvres.
Cela a donné une excellente pièce de théâtre et un aussi bon film, "Amadeus", où même si l'on trie entre l'aspect spectacle et la réalité, il reste tout de même l'image d'un homme "normal" dans ses relations et affects.
En peinture le Caravage, à la vie dissolue, a pourtant donné des toiles d'un réalisme impressionnant sur les souffrances de Jésus soumis à la torture.
Mais heureusement tous les artistes ne sont pas en opposition avec leurs oeuvres.
Il n'en reste pas moins qu'ils donnent l'impression ou que l'on peut lire leurs oeuvres comme une transmission d'un idéal platonicien, qui leur est extérieur et dont ils sont les passeurs, plutôt que d'une création autonome.
Cet idéal du Beau et du Vrai évolue selon l'état de la société, il n'est pas le même évidemment suivant les canons de la beauté de l'Égypte ancienne ou les règles académiques de la Grèce, de la Renaissance, etc.
Dans tous les cas, un certain ordre esthétique semble apparaître, dans lequel l'artiste s'inscrit à l'insu de son plein gré ou en toute conscience, on ne sait jamais où se situe le curseur, comme on dit.
Ce n'est que récemment, au sens du temps long de l'Histoire, que l'artiste est devenu, non plus le passeur d'un ordre esthétique qui le dépasse, mais simplement celui qui exprime ses sensations et ses états d'âme, quand il admet avoir une âme.
L'oeuvre perd alors de son universalité pour devenir celle d'un homme.
On dit souvent qu'il n'y pas d'oeuvres d'art éternelles, mais qu'il y a de l'éternité en elles, pour celles qui passent l'épreuve du temps avec succès.
C'est cette éternité en elles qui semble manquer aux oeuvres contemporaines parce que trop personnelles, elles ne sont pas rattachées à quelque chose de supérieur, qui les dépasse.
Et c'est peut-être ce que le public, qui ressent le beau et le vrai comme le bien, reproche à la post-modernité : l'absence de continuité dans l'histoire de l'humanité pour devenir simplement l'histoire d'un individu un peu plus doué que d'autres pour manipuler les outils de ce que l'on appelle l'Art.
Rédigé par : Tipaza | 12 mai 2025 à 07:04
@ Aliocha
Surpris que vous soyez lisible, mais c'était du Proust ! Qui confond le verbe avec l'instinct.
Quand le pédantisme voudrait être le paravent de l'homosexualité et de la nullité sur le plan spirituel...
Rédigé par : Xavier NEBOUT | 12 mai 2025 à 06:56
La culture populaire est tout de même l'origine de la culture savante, les mythes anciens et modernes, sont, à la base, populaires. Mais il est vrai qu'avec l'écrit et avec le monothéisme, on a pris de haut l'oralité et tout ce qui ne suivait pas une certaine orthodoxie. On coupe les arbres sacrés, et avec eux, les racines populaires de la culture païennes, ou bien on "convertit" arbres et anciens sanctuaires, ce qui veut dire entrer dans un moule, moule international... Et après, on s'étonne que la culture populaire ne soit guère pleine de vie.
Et on se plaint d'une influence anglo-saxonne, comme si celle, internationale, du monothéisme, avait été meilleure. S'imposant par le chantage à l'enfer puis par une force plus terrestre, c'est cela, oui... Mais l'anémie de cultures locales dévitalisée par le monothéisme puis par l'État en interdisant des langues ne pouvait pas laisser grande force à la culture populaire.
Comment peut-on critiquer la pauvreté de gens qu'on a privés de leur capacité à inventer des cultes, des rites et des mythes voire de s'exprimer dans leur langue ?
Ça me rappelle ceux qui osent prendre de haut des indigènes décadents alors que ce sont eux qui les ont chassés de leurs terres pour créer des réserves naturelles sans humains. Quand on les expulse pour les ressources naturelles, c'est mal, quand c'est pour la Nature sacralisée, bien... Alors que cela revient exactement au même, des populations sont arrachées au rapport qu'elles entretenaient avec leurs terres pour diviser le monde en terres plus rentables qu'autrefois et terres intouchables.
Dans tous les cas, ce sont ceux qui les ont exilés de leurs propres cultures qu'il faut pointer du doigt, et non leurs victimes. Une mondialisation d'évangélisation a ouvert la voie à une autre, celle de la culture anglo-saxonne, où le protestantisme promouvait la liberté individuelle et le respect de l'offre et la demande, de sorte que des créateurs moins courtisans ou moins méprisants que ceux d'autres pays trouvent plus naturellement leur public, en une sorte de culture populaire, pop, mondiale, méprisée des élites françaises, héritières de l'Église et de l'État promouvant de mettre tout le monde dans leur lit de Procuste.
Alors bien sûr, il y a eu des réactions excessives, type vandalisme sous la Révolution, art niant l'art, enfin, après l'ordre sans vie, une explosion inévitable de ressentiment. Cependant, comme je l'ai écrit, il y a une culture pop mondiale où tout n'est pas à jeter, de même que la renaissance d'une certaine culture populaire type renaissance de la harpe celtique, que je pense porteuse d'avenir.
Il n'est pas sain de faire prendre n'importe quoi pour de l'art non plus que de mépriser une culture populaire bien écrasée mais dont je pense qu'elle refleurit. Définir l'art ? Comme dans bien des cas pour trouver quelque formule, bon courage ! Je dirais qu'on le reconnaît comme on le voit, de même que que les membres d'une même famille dispersée se retrouvant enfin, que ce soit avec difficulté ou comme s'ils ne s'étaient jamais perdus.
Rédigé par : Lodi | 12 mai 2025 à 06:45
Il est renversant qu'après des millénaires d'écrits, aphorismes et doctes avis de dames et messieurs avisés, on continue à jaser sur une définition, un but, une mission de ce quelque chose qu'on aime appeler l'art et à qui on confie une fonction. Ce qui nous fait du bien... Alors chacun y va de sa mention d'une oeuvre, connue ou inconnue, qui témoigne de sa culture ou, plus simplement, de ses goûts. Il en résulte une vaste cacophonie que chacun pourrait disséquer pour en extraire des humeurs contrariantes.
Je me souviens d'une représentation des Indes galantes, à Gent, je pense, brillante, enchantée, mais dont la dernière note fut suivie d'un énorme "Ouf", poussé par un spectateur voisin, qui a provoqué un rire libérateur. Mais enfin, voyons, les Indes galantes, tout Peuris s'en pâme. Eh bien non, c'est mignon, sans être modeste, ça tient debout dans un grand silence, c'est de l'art au sommet, mais c'est un peu la vie mélancolique des méduses.
Il y a, cependant, des formes artistiques peu évoquées : le silence, capital en musique, en littérature. Mais, ignare, me dit-on, ce sont des techniques de composition, pfffff, qui sans doute participent de la création artistique, mais n'en sont pas sui generis (chacun y va de sa citation lat(?)ine). Qui dira : "va, je ne te hais point" de telle façon que la tendresse de la litote soit portée par la note du "va". C'est de l'art à part entière, porté par une comédienne possédée.
La pensée s'élève, même si elle prend sa source dans la déjection, ô bienheureuse bouse (et ce n'est pas moi qui ai commencé) qui envahit l'alpage en créant un rappel à l'humble nature face au glacier immaculé, sauf par les fumées polluantes et les fixations glaciaires des retombées nucléaires, éternel, sauf le rabotage permanent des sommets par la nature volcanique de notre terre, sans compter les déjections humaines de l'Everest qui, d'expérience directe, font de cette colline un champ d'engrais pour fleurs immarcescibles (j'en avais envie).
L'art qui est ruse autant que technique ou qu'association inattendue dit à chaque génération des invocations larmoyantes, cf Luckie Luke "Ce vase où croît une verveine...", souvent héroïques, qui seront grotesques à la génération suivante : "le sang impur abreuve nos sillons" qui n'était rien d'autre qu'un appel au meurtre de la noblesse réputée de sang bleu et c'est en cela que les hommes politiques sont des artistes, divisibles en rôles de bout de programme jusqu'aux vedettes internationales, dont les critères de sélection ne sont jamais bien définis, pourvu que le sujet s'accommode des champs d'engrais de l'Everest.
La politique, chez l'adjoint d'arrondissement, jusqu'au grand criminel d'État, est-elle autre chose que l'art de tromper ? À cette aune, un traité de camouflage est une Énéide et l'Art de la guerre une bluette.
Certes, l'art n'a aucune obligation de résultat et j'avoue ma perplexité devant les lions de la grotte Chauvet dont le décalage de perspective crée un mouvement dont la vérité est telle qu'elle dépasse la présence obsédante d'un Moïse se vantant de sa position élevée (oui, d'accord, c'est très mauvais), mais...... à bien réfléchir.......
L'art est pingre ou munificent, parfois en même temps ; Beaumarchais ne sera jamais démenti : "Pour pouvoir créer, il faut avoir mangé".
Rédigé par : genau | 12 mai 2025 à 01:49
@ Xavier NEBOUT | 11 mai 2025 à 18:41
Il y a le métier et il y a l'art !
Il y a les mosaïques de Zeugma et celles de Gaudi à Barcelone...
Il y a le portrait de la Gorgone par le Caravage et le portrait de Miro...
Ceux qui sont des amateurs sont des amateurs, et l'Art est hors de leur portée, c'est ainsi qu'ils devraient être humbles devant l'exception, ce qui leur permettrait de reconnaître l'immensité du talent quand elle se présente devant leurs yeux de pignoufs !
Aurea mediocritas !!!!
Rédigé par : duvent | 11 mai 2025 à 22:32
On devrait aussi relire Apocalypse XIII, la deuxième bête semble tromper tous ceux qui ne savent contenir les cataractes de fèces de leur ressentiment.
Rédigé par : Aliocha | 11 mai 2025 à 22:12
"Le livre intérieur de ces signes inconnus (de signes en relief, semblait-il, que mon attention explorant mon inconscient allait chercher, heurtait, contournait, comme un plongeur qui sonde), pour sa lecture personne ne pouvait m’aider d’aucune règle, cette lecture consistant en un acte de création où nul ne peut nous suppléer, ni même collaborer avec nous. Aussi combien se détournent de l’écrire, que de tâches n’assume-t-on pas pour éviter celle-là. Chaque événement, que ce fût l’affaire Dreyfus, que ce fût la guerre, avait fourni d’autres excuses aux écrivains pour ne pas déchiffrer ce livre-là ; ils voulaient assurer le triomphe du droit, refaire l’unité morale de la nation, n’avaient pas le temps de penser à la littérature. Mais ce n’étaient que des excuses parce qu’ils n’avaient pas ou plus de génie, c’est-à-dire d’instinct. Car l’instinct dicte le devoir et l’intelligence fournit les prétextes pour l’éluder. Seulement les excuses ne figurent point dans l’art, les intentions n’y sont pas comptées, à tout moment l’artiste doit écouter son instinct, ce qui fait que l’art est ce qu’il y a de plus réel, la plus austère école de la vie, et le vrai Jugement dernier." (M. Proust)
Rédigé par : Aliocha | 11 mai 2025 à 21:50
@ duvent
"L'art n'est pas un métier"
Détrompez-vous. Peindre un joli paysage avec le talent d'un amateur est une chose.
Placer le ciel et la terre, le grand arbre, les personnages, le soleil etc. au nombre d'or, maîtriser l'harmonie des couleurs, celles qui avancent et reculent, ça s'apprend et c'est un métier - ça s'apprenait même en école d'architecture, il y a longtemps.
Rédigé par : Xavier NEBOUT | 11 mai 2025 à 18:41
Qu’est-ce que la culture populaire ? Sans doute ce que beaucoup, presque tous, identifient à la civilisation à défendre contre l’allochtone barbare qui ne daigne pas s’assimiler, sans songer une seule seconde qu’eux-mêmes depuis plusieurs générations et malgré le progrès technique, sont revenus à l’état de barbarie, sans s’en rendre compte, sous les assauts répétés et incessants de l’anticulture américaine et de la déchristianisation.
Pour prendre un exemple, je me représente Bernard Tapie, imbibé de pathos communicatif, au jeu de la vérité, en 1985, chantant le blues du businessman. C’est à fendre le cœur tant l’âme française jaillit artistiquement à profusion. J’imagine volontiers M. Bilger en éprouvant l’envie. L’envie d’avoir envie, il va de soi. Pourquoi pas aussi, une ripaille gargantuesque à la fête locale du saucisson avec un peu de bruit d’arrière-fond, un peu d’accordéon, du Johnny et les dernières nouveautés musicales des artistes des quartiers populaires ? Quand tout cela disparaît, on s’étonne que les gens votent Marine ou Jordy. Vraiment, les mahométans sont répugnants. Que diable, gardons nos traditions ! Une civilisation de mille ans, cela se défend ! Vive nos traditions. Pour paraphraser Zemmour, vive nos cathédrales et notre art de vivre. Et, surtout, surtout, vive la civilisation du Cochonou et du saucisson. Ai-je bien transgressé et scandalisé ? Ou mieux, suis-je parvenu à rassembler derrière moi ?
Rédigé par : Jean sans terre | 11 mai 2025 à 17:06
Depuis Jack Lang et son relativisme, tout est culture et toutes les cultures se valent. Donc tout est art et donc artistique. Même l'étron déposé sur le sol d'une galerie à la mode est une œuvre d'art !
Or, l'art est sublimation, perfection dans le geste, dans le coup de pinceau que de rares personnes possèdent. Ou dans l'agencement sublime des notes de musique par des compositeurs dont les œuvres ont franchi les années et les siècles en provoquant toujours en nous des sensations qui emportent l'âme. Les Compagnons font aussi œuvre d'artistes : ils l'ont prouvé dans tous les domaines du travail manuel en refaisant de Notre-Dame de Paris un joyau incomparable de la culture et de l'art français, qui traverse les siècles. Ce que rejettent dans les basses-fosses de l'oubli les contempteurs du Beau et adeptes du progressisme.
La provocation ? Nous y avons eu droit pour l'ouverture des Jeux olympiques et il eût fallu tomber en pâmoison devant la qualité artistique alléguée par ses promoteurs : où étaient le sublime et la beauté intrinsèque ?
Le pape Léon XIV lui-même renoue avec une tradition multiséculaire de l’Église catholique et par des cérémonies faites de simplicité dans l'un des joyaux de la chrétienté à Rome. Pas de provocation, illusion nourrie par ceux qui veulent renverser la beauté pour elle-même et, au fond, ont le culte de la mort dans une forme de siècle de la Terreur avec un culte voué à Robespierre, à l'instar du nazisme dont ils se révèlent en réalité avoir une forme de filiation tout en se prétendant "antifa". Et c'est eux que nous serions contraints d'encenser ?
Je préfère à tout prendre le culte de la vie et de l'intelligence sublimées par l'art, le vrai.
Rédigé par : Robert | 11 mai 2025 à 16:43
L'intention première de l'artiste n'est pas de nous faire du bien mais de créer, avec sa singularité, que cela offense ou rassemble, car l'art relève de la création, non de la découverte, non de l'invention. En fait, l'art n'a d'autre fin que celle de l'artiste et qui peut donc être multiple. Et l'oeuvre recevra un accueil d'autant plus favorable qu'il y aura adéquation entre la finalité recherchée par l'artiste et celle attendue par le public, sachant que cette finalité, recherchée ou attendue, ne se résume pas à la seule recherche du bien. In fine, c'est le public qui est juge.
Pour nécessaire que soit la présence de l'art dans la vie, ne lui attribuons pas pour autant une place exorbitante, oubliant toutes les autres dimensions de l'existence humaine et donnons tort à Nietzsche qui affirmait : « L'art et rien que l'art ! C'est lui seul qui nous permet de vivre, qui nous persuade de vivre, qui nous stimule à vivre. ».
Rédigé par : Michel Deluré | 11 mai 2025 à 15:37
« L'artiste doit-il offenser ou rassembler ? » (PB)
Ce titre m'offense gravement !
« Les chroniques de Michel Guerrin sur la culture, dans le Monde... »
Je ne lis pas le Monde, je ne sais pas qui est ce monsieur... Vous venez de me faire découvrir ce Michel Guerrin, qui devrait, d'après moi, se chercher un nouveau champ lexical. Ce que vous nous rapportez est d'une pauvreté affligeante.
La culture populaire et l'art sont deux domaines qui n'ont rien en commun.
Si vous me le demandez je vous dirai ce qu'il en est.
Vous me le demandez ? Dès lors, je me permets de vous dire que je me torche avec la culture populaire !
« "Offenser est consubstantiel à la définition de l'artiste" (MG) »
Ce n'est pas un artiste qui a dit une niaiserie pareille ! C'est un marchand ou un psychanalyste dégénéré comme tous les psychanalystes...
L'art pour l'art !
L'artiste ne connaît que la force de sa conscience, mais il semble que de conscience il n'y a point, alors il faut dire :
- Avez-vous une conscience ?
- S'est-elle échappée de vous ?
- Courez-lui après et rattrapez-la par les cheveux !
- Dites-lui ce qui vous anime et si rien ne vous anime, taisez-vous ! Ne dites rien ! Ne faites rien !
- L'art est une compétence, une habileté, un apprentissage, une technique, de l'invention, un maître, une vision, un espoir, une langue comprise par tous.
- La m*rde est un art contemporain, qui vous fait croire que Picasso avait un message, que Guernica est un tableau, qu'un enfoiré peut présenter un plug, qu'une assemblée de clampins est une assemblée d'artistes, que plusieurs ont dit que...
- La m*rde est à la portée de tous !
- La m*rde est le désert de la pensée !
- La m*rde est sans vision !
- La m*rde est une roulure sans maître !
- La m*rde est la répétition jusqu'à la mort de l'absence du rêve d'amour et donc sans invention !
- La m*rde est sans technique, libre comme un étron !
- La m*rde est innée !
- La m*rde est malhabile !
- La m*rde est aussi tangible, puante et réelle que possible !
L'art n'est pas un métier, il n'existe pas de syndicat de l'art, l'art nécessite un peu d'humanité, l'art c'est comme l'amour, ce n'est pas donné à tout le monde et c'est ainsi que l'artiste vit parmi des cochons avinés, oublieux et insatiables ! L'art est un univers qu'il faut mériter !
L'art est dans la nature, laquelle est démolie tous les jours avec un acharnement étourdissant.
Il est dans les grappes, dans la soie qui glisse des mains, dans les sources jasardes, dans les plumes du paon, dans le bois qui se lie en lianes, dans les yeux du gorille, dans la coquille qui contient la mer, dans les mains qui guérissent, dans le crâne qui imagine, dans le cœur qui aime...
L'art est partout sauf dans l'offense. Ars similis casus !
L'offense n'a aucun dessein hors l'offense !
L'offense est pour les imposteurs, les truands, les menteurs, les hypocrites, les moins que rien, les rien du tout !
Il ne faut pas confondre le but poursuivi par l'artiste et l'effet produit sur le public...
On peut être offensé par Wagner, Wagner n'a pas pour but d'offenser, on peut être offensé par sainte Thérèse, le Bernin vise l'éternité !
Dès lors, il est particulièrement idiot d'affirmer : "Offenser est consubstantiel à la définition de l'artiste".
Mais il est vrai de dire : « La con*erie est consubstantielle à la définition de bouffon. »
Rédigé par : duvent | 11 mai 2025 à 14:14
"L'un des fers de lance de cette résistance est David Lisnard, le maire de Cannes, qui a écrit que l'argent public "n'avait pas à financer des spectacles hostiles aux valeurs républicaines, militants, contraires à nos principes". Cette argumentation est habile car..."
Habile je ne pense pas, mais du simple bon sens, je paye des impôts pour qu'ils soient utilisés dans le sens d'un système politique majoritaire approuvé. Bien sûr il y aura toujours des voix pour dire que c'est de la liberté d'expression... Vite ! une commission pour créer un référentiel de ce que l'on définira comme un spectacle hostile.
Rédigé par : Giuseppe | 11 mai 2025 à 12:32
De l'art ou du cochon ?
Le fric a tout perverti et l'art devient un placement quand la signature détermine la valeur de l'oeuvre. Je suis allé adolescent visiter la raffinerie Beaubourg, pas loin des Halles, habitant encore le quartier Latin. La vue de bidons de fuel rouillés et écrasés à l'entrée m'a permis de jauger depuis longtemps de ce qu'est l'art comptant pour rien. Une énorme escroquerie. Mon père faisait du figuratif ainsi que des natures mortes à ses moments perdus. Son ex-belle-fille, peintre de qualité aussi, a pris le chemin du "n'importe quoi". Un monde d'hypocrites et de provocateurs pour faire parler.
Pour ce qui est du statut d'intermittent du spectacle, là aussi c'est la guerre pour se dégotter des contrats bidon que l'on s'échange afin de toucher le chômage au bout de 90 jours de "travail".
La provocation peut quand même aller jusque-là, au nom de l'art !
https://www.connaissancedesarts.com/musees/palais-tokyo/censure-au-musee-le-tableau-de-miriam-cahn-restera-finalement-accroche-au-palais-de-tokyo-11181427/
Rédigé par : hameau dans les nuages | 11 mai 2025 à 11:55
"There are two ways of disliking art. One is to dislike it, the other to like it rationally."
Oscar Wilde
Toutes ces discussions autour de l'art, de gauche, de droite, du centre, choquant... n'ont pas de sens.
Les subventions, l'infâme statut des intermittents... c'est très discutable. Parce que, justement, ça relève de l'âââârt, pas de l'art. Il ne faut pas tout mélanger. L'argent public, pour ceux qui pensent que l'âââârt doit être subventionné, ne devrait pas regarder si "l'oeuvre", je le mets entre guillemets, approuve ou critique l'ordre établi, serait de gauche, de droite, du centre ou d'où que vous vouliez.
Les propos de David Lisnard sont profondément idiots de ce point de vue. Sachant que pour ma part je ferais volontiers disparaître le statut d'intermittent. C'est un autre sujet.
L'art suscite des émotions qui sont impossibles à expliquer. De la joie, de la peine, de la mélancolie, de l'harmonie, de la haine, de l'amour, de la révolte...
J'aime particulièrement la musique. Je suis incapable d'expliquer pourquoi l'écoute d'une buleria jouée par Paco de Lucia me met à l'arrêt, me happe, pourquoi "Où es-tu mon amour", album "Impromptu" pour ceux qui auraient envie d'écouter, joué par Angelo Debarre me produit le même effet, les valses de Chopin interprétées par le merveilleux Arthur Rubinstein idem, la Symphonie du nouveau monde que j'ai été écouter à Vienne, jouée par l'orchestre du Conservatoire, itou. Quel intérêt de se pencher sur des explications techniques quand on ressort d'une écoute en respirant mieux qu'on y est entré...
Ne mélangez pas tout cher hôte. Le financement est une discussion en soi qui n'a rien à voir avec ce qui est financé.
Rédigé par : Jérôme | 11 mai 2025 à 11:05
Hésiode nous disait il y a quelque 3000 ans, que l'artiste, on le trouve en train de gravir les pentes du mont Hélicon à la rencontre des muses pour s'élever et rejoindre l'axe de la vérité.
Cette vérité est que l'art n'a de sens que dans le balancement hypnotique, qui dans les divines proportions du plus humble objet à la plus savante musique, amène vers l'extase.
Rédigé par : Xavier NEBOUT | 11 mai 2025 à 10:40
"J'ai des exemples dans la tête, au fil des siècles, qui au contraire démontrent que l'artiste a d'abord été un créateur, un esprit, un talent qui rassemblent." (PB)
Le génie créateur de l'artiste n'est pas a priori "rassembleur".
Si je prends l'exemple de la musique, l'Histoire est pleine de compositeurs qui ont commencé par faire scandale tant leurs créations s'inscrivaient dans une déconcertante originalité.
Stravinsky avec le "Sacre du printemps", joué en 1913 à Paris, va choquer les spectateurs (c'est un ballet) : une oeuvre d'une telle modernité qu'elle perturbe, par sa brutalité, son agressivité, les flux de notes imprévus, les oreilles et les yeux de ceux qui assistent à ce spectacle pour la première fois.
Autre exemple avec Debussy dont le génie va perturber ses professeurs au Conservatoire de Paris où il n'obtient pas de prix en piano et harmonie, lui qui va révolutionner l'art musical à la fin du XXe siècle.
Qu'on se souvienne de "Pelléas et Mélisande", créé en 1902, drame lyrique tiré du théâtre de Maurice Maeterlinck, dont les critiques sont plus que vives !
À l'origine Stravinsky et Debussy ne s'inscrivaient pas dans les sentiers déjà défrichés par les musiciens qui les avaient précédés, non dans un désir de subversion des modes établis mais parce que leur puissance créative submergeait, engloutissait les savoirs scolaires appris dans les conservatoires.
Aujourd'hui, qui est encore révolté par la musique de ces deux génies qui draine dans les concerts tant d'auditeurs rassemblés dans l'extase ou le plaisir de l'écoute ?
Rédigé par : caroff | 11 mai 2025 à 09:55
« Les chroniques de Michel Guerrin sur la culture, dans le Monde, m'intéressent toujours (...) Elles sont d'autant plus remarquables qu'on pourrait craindre le pire dans le domaine de la culture dont Michel Guerrin écrit justement "qu'elle est dominée par la gauche depuis toujours (...) et que la bataille idéologique en cours se propose d'en finir avec l'hégémonie de la gauche sur la culture institutionnelle" » (PB)
Il fut une époque, notamment celle où François Mitterrand était président, où la gauche dominait outrageusement les domaines artistique, culturel et même intellectuel.
Ce n’est plus le cas aujourd’hui, malgré le comportement de certains artistes, pas les plus talentueux d’ailleurs, qui se distinguent par des exhibitions grotesques, des commentaires provocants, que ce soit lors de la cérémonie des César, la nuit des Molières ou encore le festival de Cannes.
Le talent d’un artiste se mesure à sa créativité, certainement pas à ses positions politiques.
Rédigé par : Achille | 11 mai 2025 à 09:08
À mon avis, l'artiste ne doit ni chercher à rassembler ni à offenser mais à dire la vérité. Elle peut être rassembleuse quand il chante la beauté du monde ou la grandeur de son pays et d'autres réalités, offensantes quand il en montre les failles, ainsi les écrivains algériens actuellement en butte aux persécutions du pouvoir.
Se lever le matin pour célébrer ou offenser : cauchemar, mieux vaut rester au lit, à mon avis. Pour dire ce qui est, ce qui pourrait être, oui, par Homère ! Tant de protagonistes sont divins, fils de dieu, irréprochables et compagnie, mais si l'aède célèbre leurs exploits, on montre aussi leurs fautes et leurs conséquences, ce n'est pas pour rien, par tous les dieux, que l'Iliade est dite la colère d'Achille !
Le constat de ce qui est, la supputation de ce qui pourrait être, c'est bien assez prise de tête, ça ne laisse pas de place à des poses, au théâtre de je vais incarner ceci ou cela. Quelle plaie ! Un rôle a tendance à interdire d'en changer, or les muses, ou ce qui en tient lieu, l'inspiration, ne vont pas avec le radotage.
Quand un artiste a plusieurs arts à son arc, quand il passe, par exemple, d'un genre littéraire à un autre, c'est à mon avis très bon signe. Si on est artiste et en plus scientifique et homme d'État comme le divin Goethe, c'est encore mieux : que les limites explosent en silence comme les survivances de la nuit avec l'avancée de l'aube.
Évidemment, les gens aiment bien assigner quelqu'un à un art, une tendance politique, voire une sexualité, mais ce qui est intéressant dans l'artiste, ce n'est justement pas des déterminations dont il lui faut, dans l'idéal, se libérer pour créer.
Si par exemple, un écrivain, vide de mots, se met à dessiner, doit-il déchirer sa feuille ? Non, par Hugo et bien des artistes chinois qui ont produit la peinture de lettré. Hugo n'avait-il pas le droit d'aller de droite à gauche, Wagner d'être révolutionnaire puis subventionné par un prince pour ériger à son oeuvre un temple où seules ses œuvres seraient jouées ? Que l'artiste perçoive des réalités imprévues qui lui fassent changer de camp ou qu'il édifie une oeuvre d'abord rejetée avec une volonté peu commune, cela peut qui sait déranger le public, mais c'est la voie de l'art.
Un artiste doit comprendre la soif d'ordre réputée de droite car il cherche en principe l'harmonie, il doit aussi comprendre le malheur, être empathique, souci présumé de gauche, en fait il devrait, en principe, tout comprendre, et ne se laisser engloutir par rien.
En cela, il serait ce que tout humain doit, dans l'idéal, être ou du moins, tendre à atteindre, coïncidence des contraires.
Ce sont ses œuvres qui doivent refléter cette ascèse si, bien sûr, la soif de publicité est importante, car il n'est pas sûr que l'éditeur ou d'autres fassent le boulot d'intercesseurs... Et il y a des cas où il semble que la défense de causes oblige à descendre dans l’arène, nouvel hommage aux romanciers algériens... Mais il y a un coût à jouer les hérauts de ses héros, et c'est qu'on risque de s'engluer dans ce qu'on doit, en vérité, transcender. Il n'y a donc pas que les muses, mais Athéna, en gros, la déesse de la politique, qui doit inspirer l'artiste dans son rapport au monde !
Et je dirais bien, en vérité, tous les dieux, dont les divers panthéons donnent une ébauche d'image du monde, à l'encontre des dogmes dont s'évade l'artiste, même quand il est payé et reconnu pour l'illustration de quelque "vérité" religieuse, politique, ou mixte de ces deux règnes.
Rédigé par : Lodi | 11 mai 2025 à 08:10
L'argument tiendrait si se faire du bien ne risquait pas d'entretenir les illusions unanimistes du mal, autant confortées par l'artiste consensuel que le subversif en leurs snobismes sectaires réciproques, quand il n'y a que le secret du cœur dévoilé à même d'émouvoir et de transformer les clivages conformistes de l'une ou l'autre coterie.
Le chant du coq ici n'a pas fini d'accompagner les larmes amères d'une humanité errant sur les chemins de son déni :
https://www.youtube.com/watch?v=gJKhyQtVAw4&list=PLrIRbytwpAMlH4zgGsIDYi6KKnzH6Zd0V&index=42
Rédigé par : Aliocha | 11 mai 2025 à 07:20
Il existe, en effet, une dichotomie fondamentale dans le monde artistique : d'un côté, les provocateurs par nature, par intérêt ou par opportunisme, et de l'autre, cette vaste majorité d'artistes qui créent d'abord pour satisfaire leur propre sensibilité esthétique. Cette distinction, bien que séduisante par sa simplicité, mérite d'être nuancée dans une réflexion plus approfondie sur la relation complexe entre l'œuvre, son créateur et son public.
La catégorisation de l'art selon sa capacité à plaire, à choquer ou à rassembler constitue une impasse intellectuelle. L'art ne se plie pas à ces taxonomies artificielles, car son essence même réside dans cette relation triangulaire entre l'intention de l'artiste, la matérialité de l'œuvre et la subjectivité du regardeur. C'est précisément dans ce dernier espace – celui de la réception – que se joue véritablement le sentiment de provocation.
Car l'offense n'existe pas dans l'œuvre elle-même, mais dans le regard et l'interprétation qu'en fait celui qui la contemple. Cette dynamique s'observe particulièrement dans les domaines où la sensibilité est exacerbée, comme la littérature ou les représentations touchant au religieux. Lorsque survient ce sentiment d'offense, la responsabilité de sa gestion incombe entièrement au spectateur, qui doit interroger sa réaction et surtout refuser sa transformation en actes de violence – tragique leçon que nous rappellent les événements traumatiques de Charlie Hebdo en 2015.
L'artiste crée dans un espace de liberté qui précède la réception de son œuvre. Sa responsabilité s'arrête là où commence celle du spectateur, qui doit assumer pleinement son interprétation, ses émotions et ses réactions. Cette frontière, invisible mais essentielle, constitue le fondement même d'une société où la liberté d'expression et la liberté de création peuvent coexister avec le respect des sensibilités individuelles et collectives.
Rédigé par : Patrick EMIN | 11 mai 2025 à 00:33
Philippe Bilger défend une vision de l’artiste comme un créateur dont l’œuvre, par son universalité, transcende les divisions et favorise une communion collective. Il se réfère à des artistes qui, à travers les siècles, ont su rassembler les individus.
On pense par exemple à la Neuvième Symphonie de Beethoven, avec son Ode à la joie, qui inspire un sentiment d’universalité et de fraternité, adopté plus tard comme hymne européen. Dans un tout autre registre plus contemporain, le film Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet, avec sa poésie et son optimisme, a touché des publics du monde entier, créant un sentiment de connexion universelle.
Mais toutes les œuvres n’ont pas vocation à rassembler, et certaines divisent précisément pour refléter les tensions d’une époque. Par exemple, le tableau Guernica de Pablo Picasso, bien qu’universellement admiré aujourd’hui, était à l’époque une œuvre profondément polémique, dénonçant les horreurs de la guerre civile espagnole. Son impact reposait sur sa capacité à choquer et à confronter le public à une réalité brutale, plutôt qu’à l’unir dans une expérience apaisante.
Philippe Bilger conclut en proposant une idée selon laquelle l’art devrait avant tout « nous faire du bien ».
Réduire l’art à une fonction bienfaisante en limite la portée. L’art a toujours été un espace de liberté où coexistent des émotions contradictoires : joie, douleur, colère, espoir. Ainsi les romans de Franz Kafka, comme La Métamorphose, explorent l’absurde et l’angoisse existentielle, offrant une expérience inconfortable mais intellectuellement stimulante. De même, le cinéma de Lars von Trier, avec des films comme Melancholia, confronte le spectateur à des thèmes sombres comme la dépression et la fin du monde. Ces œuvres, bien que perturbantes, enrichissent la compréhension de la condition humaine.
Imposer à l’art une vocation exclusivement positive étoufferait sa diversité et sa fonction critique.
Rédigé par : Marc Ghinsberg | 11 mai 2025 à 00:08