Cette propension à vouloir ruer dans les brancards, face à l'actualité et à sa diversité qui ne manquent jamais de solliciter le citoyen, est sans doute une faiblesse mais on ne se refait pas ! Il vaut mieux surestimer l'impact de ses réactions que demeurer passif face à tout ce que la quotidienneté médiatique et politique charrie d'insupportable !
J'avoue que sur le plan judiciaire, ces derniers jours ont mis à l'épreuve ma patience et mon aptitude à endurer partialités et approximations. Par exemple sur le procès d'Eric Dupond-Moretti devant la Cour de justice de la République. J'y reviendrai puisque Valeurs actuelles a bien voulu me demander mon point de vue pour son numéro du 16 novembre.
Malheureusement, il n'y a pas que cette affaire en effet inédite qui me donne envie de ruer dans les brancards. J'éprouve d'autant plus l'envie, non pas de défendre globalement la magistrature qui est la seule institution, le seul service public dont on mentionne avec une sorte de volupté amère les erreurs et les dysfonctionnements ; comme s'ils ne constituaient pas l'exception dans une généralité satisfaisante et que les autres n'en commettaient jamais.
J'ai évidemment frémi quand j'ai lu, dans le JDD du 12 novembre, la tribune partiale et offensante de Hervé Lehman (HL) - ancien juge d'instruction, avocat au barreau de Paris. Dénonçant la judiciarisation de la vie politique (comme si celle-ci devait échapper à toute sanction autre que politique !), il ose écrire que "ce procès Dupond-Moretti voulu par les magistrats ne les grandit pas". Je sais bien que HL s'est fait une spécialité - et il est donc naturellement courtisé par les médias - de cibler systématiquement la magistrature, qu'elle poursuive ou soit elle-même attaquée ! toujours coupable donc, jamais victime : cela finit par devenir monotone, surtout quand dans cet hebdomadaire du dimanche, il n'y a évidemment aucun compte rendu des débats en cours devant la CJR.
Plus gravement, puisque le président de la République est concerné, je comprends qu'il ait préféré écrire une lettre "à ses chers compatriotes" plutôt que participer à la marche "pour la République et contre l'antisémitisme" : dur de protester contre ce dans quoi on a sans doute une part de responsabilité ?
Je ne surestime pas l'impact de cette lettre politique mais s'affichant consensuelle (il s'agissait de faire acte de présence présidentielle). Pas davantage que le recours à de multiples personnalités pour nous inciter "à marcher" et "à nous engager" (Le Parisien, La Tribune Dimanche). Les Français sont assez grands pour se déterminer seuls et n'ont pas besoin de mentors !
Une phrase a particulièrement attiré mon attention dans cette lettre présidentielle : "...Voilà pourquoi, au nom du peuple français, nos forces de sécurité intérieure comme NOS MAGISTRATS sont mobilisés pour donner force à la loi..."
Rien de scandaleux ni d'offensant dans cette invocation à "nos magistrats". Mais quel gouffre entre cet appel à la fois judiciaire et démocratique et tout ce qu'on sait des coulisses élyséennes où le respect de la magistrature n'est pas le fort du président: il suffit, pour s'en convaincre, de retenir le choix d'Eric Dupond-Moretti comme garde des Sceaux et les modalités surprenantes qui ont prévalu pour le parcours ministériel de ce dernier jusqu'à sa comparution devant la CJR.
Si certains des propos qu'on a prêtés à Emmanuel Macron sont exacts - ils correspondent si bien au personnage -, nous ne sommes pas loin d'une désinvolture régalienne, voire d'un zeste de mépris pour ce corps habitué à se plaindre mais qui ne ruera jamais vraiment dans les brancards.
Ce billet est une modeste contribution à l'expression d'une humeur collective moins soumise, plus fière.
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