Le 7 décembre, Sarah Knafo - députée européenne depuis avril 2024 - a été questionnée par Jean-Jacques Bourdin sur Sud Radio.
Elle a été remarquable dans cet entretien, sur le plan de la forme, de l'argumentation, de la maîtrise de soi, en particulier quand elle a expliqué pourquoi, contrairement à Marine Le Pen et au Rassemblement national, elle n'aurait pas voté la motion de censure.
On peut être tout à fait en désaccord avec elle, ce qu'elle pense et ce qu'elle représente, sans que soit justifiée la rareté de ses interventions dans les médias publics (France 5 et France Inter ne l'ont jamais sollicitée).
J'ai choisi l'exemple de Sarah Knafo mais celle-ci est accompagnée par d'autres dans cet ostracisme que seules les campagnes officielles, avec leurs règles, battent en brèche. Éric Zemmour, Jordan Bardella, Philippe de Villiers et Michel Onfray par exemple, s'expriment et dialoguent ailleurs mais cette compensation ne rend pas moins insupportable, pour eux également, l'abstention des médias publics à leur égard. Irrigués pourtant avec l'argent du contribuable, ils opèrent des discriminations qui offensent une conception normale du pluralisme.
Je n'ai pas envie de discuter leur hiérarchisation des faits de société et le peu de place qu'ils octroient à des drames, à des délits et à des crimes pourtant révélateurs de l'état déplorable de la France mais aux antipodes de leur vision hémiplégique.
Le temps d'un billet, je vais me mettre à leur place et tenter de comprendre ce qui, de leur point de vue, légitimerait les exclusions qu'ils opèrent.
Il serait d'ailleurs possible de déborder le champ politique et social en appréhendant le registre culturel et littéraire. En s'étonnant, par exemple mais il y en aurait d'autres, du fait qu'un excellent écrivain français, styliste hors pair comme Thomas Morales, ne soit jamais convié chez Augustin Trapenard, Léa Salamé ou autres émissions du service public largement promotionnelles. Je n'ose croire que cette mise à l'écart puisse venir du fait qu'il écrive dans Causeur et exprime son amour de la province et sa nostalgie d'une France oubliée ou disparue !
Revenu dans la sphère où les partialités sont les plus criantes, quels seraient donc les ressorts interdisant aux médias publics d'accomplir leur mission ?
Une approche totalitaire de celle-ci, leur confiant le droit de vie ou de mort sur les personnalités dignes d'être invitées ? Si cette tentation existe, elle ne sera jamais avouée ni assumée. Dans un débat qui avait fait beaucoup de bruit sur ce que devait être le journalisme, il m'était apparu que Frédéric Taddéï l'avait largement emporté sur Patrick Cohen. Les journalistes ont un rôle d'inclusion et non d'exclusion. Tant que la loi est respectée dans le débat.
Ce n'est pas non plus le manque d'intelligence, de finesse et d'aptitude à l'oralité qui pourrait motiver le refus des médias publics à l'égard de certains: en effet Sarah Knafo et ceux que j'ai cités avec elle me semblent, au contraire, particulièrement briller dans ces dispositions. Au point que je m'interroge : ne donneraient-ils pas un complexe d'infériorité à ceux qui n'ont que la ressource de les récuser pour se croire meilleurs ?
Serait-ce alors que les médias publics se considéreraient comme personnellement offensés par l'affirmation de certaines convictions, par des opinions qui seraient contraires à leur propre corpus idéologique ? Si c'était le cas, ce serait grave.
D'une part, tout ce qui n'est pas interdit dans et par une démocratie est validé de ce fait même. D'autre part quelle légitimité supérieure auraient les médias publics pour s'arroger le droit de censurer ce qu'une part de la société a approuvé ? À quel titre pourraient-ils projeter de l'opprobre, de l'immoralité sur ce qui relève seulement de la contradiction politique et de la diversité républicaine ?
Les médias devraient s'honorer de leur obligation d'universalité au lieu de la nier. Sans parler de l'étrange passivité de l'instance de contrôle qui préfère s'en prendre aux excès du privé plutôt que sanctionner les offenses incontestables au pluralisme.
Quel que soit le regard porté sur toutes ces personnalités jamais agréées par le service public, elles manquent au débat politique et le condamnent à être inachevé, incomplet, mutilé.
Une Sarah Knafo ou un Michel Onfray qu'on laisse délibérément de côté par un décret impérieux d'une humeur médiatique orientée, ne sont pas remplaçables ni interchangeables. Les citoyens, alors, en sont scandaleusement privés.
Qu'on me fasse la grâce de croire que ma révolte serait la même si étaient répudiées par principe des paroles et des intelligences antagonistes.
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