Dans les discours officiels, on a eu longtemps, je suppose, une adresse aux "Français" en vertu de cette règle grammaticale que le masculin l'emporte sur le féminin.
Mais, à ma grande surprise, aucun des présidents de la Ve République n'a respecté cette pratique correcte et ils ont usé, dans leur exorde, de "Français, Françaises", ou de "Mes chers compatriotes" ou, dans un autre cadre, de "Mesdames, Messieurs".
Qu'Emmanuel Macron ait continué d'abuser des Français, Françaises ne m'étonne pas. Il est sûr que, malgré sa culture dont il se fait une gloire,il n'aurait jamais pu être un résistant à cette pente navrante. Trop d'envie, chez lui, de montrer comme il embrasse large et ne dédaigne aucune facilité dès lors qu'elle s'affiche progressiste ; même dans des domaines où l'exemple aurait imposé une ligne heureusement conservatrice.
En revanche, que Charles de Gaulle, si parfait grammairien et styliste, tellement irrigué par les humanités - au point que, sur ce plan, je n'ai pas la moindre réserve à son égard - se soit seulement distingué par une sorte de galanterie républicaine en commençant par Françaises, Français, m'a étonné.
Il n'y avait pas de raison pour qu'après ces mauvais exemples au plus haut niveau, les ridicules, au fil du temps, ne suivent pas. Tenant à une conception perverse et mal placée de la légitime exigence de l'égalité entre les sexes. Il serait capital de mettre au même niveau, dans le langage, le masculin et le féminin.
D'où une démolition. Une dérive.
Jusqu'à la volonté d'imposer l'écriture inclusive aujourd'hui.
Celle-ci est, dorénavant, la dernière manifestation d'un féminisme bêtement militant visant, par des règles et pratiques, à éviter toute discrimination sexiste par le langage ou l'écriture.
Dans l'apparence, quelle belle idée de s'attacher aux mots pour y apposer de la morale et de l'humanisme ! Mais derrière, quelle terrible régression !
Va-t-on rétroactivement visiter les grandes oeuvres de notre littérature dont les auteurs pâtissaient du handicap de maîtriser à la perfection la langue française ? Va-t-on modifier les exordes de nos orateurs mythiques pour les mettre au goût du jour et dans le sens du vent ?
Est-il acceptable de proposer un tel gadget inutile alors que l'écriture et l'oralité les plus élémentaires sont en chute libre, en incorrection totale ?
Faut-il admirer cette pulsion réformatrice qui, enfermée sur elle-même - seules compteraient les appétences d'un certain féminisme autarcique, indifférent à la société alentour et aux difficultés de beaucoup - rendrait encore plus malaisé l'apprentissage de la langue et de l'écriture pour une jeunesse encore désarmés face à elles ?
Doit-on s'émerveiller de ces prétendues avancées qui investiraient dans un progrès vain - quelles femmes de bon sens, quelle cause équilibrée viendraient au secours d'une telle aberration ? - au détriment de ce que devraient imposer les mille luttes plus que jamais nécessaires ?
Derrière cette histoire d'une dérive et d'une démolition se joue quelque chose qui dépasse les mots et renvoie au coeur d'une société se méprenant sur ce qu'est un progrès et préférant tout lâcher plutôt que de se battre pour sauver le meilleur et exclure le pire.
Je ne me moque pas de la proposition de loi de ce député LREM, François Jolivet, qui veut interdire l'écriture inclusive "pour les personnes morales en charge d'une mission de service public". Des prémices inquiétantes déjà ! Être obligé d'user de la puissance de la loi pour mettre fin à un processus qui n'aurait même pas dû être engendré, voilà un signe lamentable pour une modernité perdant la tête !
De Français à Françaises, Français, de l'écriture à l'écriture inclusive, du style à la parité, un déclin, le culte d'une fausse égalité, une lassitude politique, une confusion sociale, une guerre et des affrontements pour rien.
Pour quand le souci d'une meilleure écriture ?
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