Il y aurait tant de sujets à traiter, par exemple la complaisance de Gérald Darmanin à l'égard de la violence d'extrême gauche des ligues racialistes, indigénistes et sa focalisation sur Génération identitaire (plus confortablement consensuelle ?) ; ou alors les ratés de la politique des vaccins... Étant légitimiste sur ce plan, je vais me contenter de suivre les recommandations qui nous seront données la semaine prochaine, quoi que je pense du "stop and go" alternatif qu'on nous impose.
J'ai envie de quitter la politique au profit de la culture mais à peine ai-je formulé ce désir et usé de ce titre facile que je comprends qu'avec Bruno Le Maire (BLM), la première n'est jamais loin de la seconde et que sans doute la culture au sens large a des incidences politiques.
Le Maire du Palais, durant la période mérovingienne, était le personnage le plus important après le roi et, par analogie avec aujourd'hui, il serait le ministre le plus influent après le président de la République. Et d'une certaine manière, malgré la hiérarchie officielle, BLM l'est.
Je viens de lire son dernier ouvrage "L'Ange et la bête", qui a pour sous-titre "Mémoires provisoires".
Il s'agit d'un remarquable livre, vif, enlevé, bien écrit, avec des chapitres courts, pénétrants, synthétiques et parfois pédagogiques, une pensée forte, un projet affirmé. Il est à mon sens bien meilleur que "Jours de pouvoir" en 2013 où de manière un peu lassante, trop exhaustive, BLM nous déroulait une histoire politique et ministérielle dont paradoxalement, par comparaison, l'intérêt se révélait bien moindre que celui suscité par ses analyses d'aujourd'hui.
Au fil de celles-ci, j'éprouvais l'impression que son bilan, les perspectives qu'il dessinait et le volontarisme pugnace et lucide auquel il aspirait dépassaient sa personne, se rapportaient au gouvernement de la France et me paraissaient presque mettre le président entre parenthèses.
On a présenté ce livre comme "le dévoilement des coulisses de la gestion de l'épidémie" et l'expression d'un soutien renouvelé au président de la République. Il est bien plus et bien moins.
Bien plus grâce à la pluralité des thèmes, à la vision de l'auteur qui n'oublie rien de son passé - et notamment qu'il a eu des ambitions présidentielles et qu'il a participé à la primaire de la droite et du centre pour rejoindre, quittant sa famille naturelle, la cause d'Emmanuel Macron. Il expose son action de ministre de l'Economie mais ne s'arrête pas là : il nous fait partager sa conception de l'Etat, dénonce ses travers, propose des pistes de redressement et s'engage très avant dans l'élucidation des forces et des faiblesses de la France, dans l'analyse du pouvoir.
Bien moins parce qu'il est difficile de voir en cet ouvrage une adhésion enthousiaste à Emmanuel Macron. Pour qui l'a bien lu, par rapport à tant d'hyperboles ministérielles inconditionnelles et d'approbations démesurées, il demeure dans un registre honorable. Il exprime un soutien et une estime qui ne dépassent jamais la décence. On sent même en creux, en certaines pages, au-delà de la seule relation d'un antagonisme assumé avec le président, une réserve, une retenue, parfois même des jugements qui cachent mal, sous leur vernis aimable, l'agacement de devoir être subordonné à quelqu'un dont on se sent au moins l'égal.
J'ai trop été le témoin dans ma vie professionnelle, judiciaire ou en détachement, de ces séquences dures à supporter parce que le chef était nettement moins bon que les meilleurs de ceux qui l'entouraient, pour ne pas comprendre qu'il y a sans doute des situations de pouvoir, en politique, qui gratifient l'un mais blessent l'autre.
BLM n'est pas de ceux qui s'estiment indignes, par devoir, de la position supérieure.
Il a vécu, il sait ce qu'il vaut, n'éprouve pas de honte à le dire, se tient dans une posture de déférence écrite obligatoire mais est à mille lieues d'une soumission banale. Ministre certes mais ni serviteur ni collaborateur.
Quand après la publication de ce livre, dans le camp présidentiel on a considéré "qu'il aurait dû attendre", il me semble que ce n'était pas seulement une question de date - en effet étranges "Mémoires provisoires", comme si BLM n'avait pas pu attendre la fin de son activité ministérielle pour en faire le bilan. Mais parce que, malgré les apparences, le président n'était pas flatté. On aurait aspiré à plus d'encens !
Il y a, face à lui, un ministre chargé d'un poste capital et qui dans la gestion de cette épidémie, recueille l'assentiment d'une majorité de Français. Bruno Le Maire affiche une identité sûre de soi, sans arrogance mais libre et responsable. Ce n'est pas rien, dans une crise terrible où l'amateurisme et les fluctuations ont dominé, d'avoir su tirer son épingle, sa compétence du jeu.
On sait que depuis le début du mandat d'Emmanuel Macron, celui-ci ou d'autres prêtent à BLM des ambitions bien au-delà de sa fonction. Régulièrement on lui prête le dessein de jouer sa carte personnelle et d'aspirer en particulier à Matignon. Comme il convient, BLM dément et déclare être voué exclusivement à sa tâche. Pas d'autre réponse possible.
Il est de notoriété politique et médiatique que ces deux personnalités fortes dans un registre différent ne s'apprécient pas et je me demande, en me plaçant du point de vue du président, si celui-ci n'éprouve pas une sorte de jalousie à l'égard de ce ministre mêlant si intimement politique et culture, cultivant peut-être mieux que lui ce lien fondamental dans notre Histoire.
D'autant plus qu'il lui dame le pion dans un domaine où Emmanuel Macron semble susceptible et désireux de ne partager avec personne son aura philosophique et littéraire, ses fulgurances intellectuelles, cette conscience d'être heureusement soi et que cela en vaut la peine pour les Français et la France.
BLM chasse sur son pré carré de sorte que ce n'est plus une chasse gardée pour le président.
Ce ministre est agaçant qui ne fait même pas semblant de se néantiser pour complaire et qui, un comble, a des dons dont il use sans demander la permission.
Cette lumière s'affichant indépendante, j'en suis sûr, fait de l'ombre à la certitude présidentielle d'être unique.
Le Maire du Palais... puis le Palais ?
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