Qu'on se rassure : il ne s'agit pas de l'injonction christique "aimez-vous les uns les autres" qu'au demeurant je ne cultive pas assez.
Toutefois il me semble que, si la vie politique est passionnante en même temps que problématique depuis la déroute du camp présidentiel au soir du 9 juin et la décision (concoctée de longue date) d'Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée nationale, le climat démocratique, lui, est très angoissant.
Le président de la République a surpris tout le monde, jouant le destin de la France à pile ou face, espérant, contre toute attente, faire triompher sa cause le 7 juillet avec un enthousiasme, paraît-il, roboratif. S'agit-il, chez lui, d'un sentiment sincère ou d'une volonté de donner le change ? Après avoir placé sa majorité relative dans un extrême péril, cherche-t-il à la persuader que rien n'est perdu, que tout reste ouvert ?
Ce qui se déroule depuis le 9 juin, les bouleversements, les alliances, les trahisons et les controverses, les unions étranges et les revirements inattendus, compose un paysage infiniment plus révélateur que celui que le prétendu dépassement de la gauche et de la droite, en 2017, a semblé créer. Aujourd'hui, c'est comme si une politique de non-dits avait volé en éclats, à droite comme à gauche, et dans les extrémités de ces deux équilibres contrastés.
Comme citoyen qui aspirais, de l'autre côté de ses convictions, à la résurrection d'une gauche authentiquement social-démocrate grâce à la campagne courageuse et digne de Raphaël Glucksmann, j'ai été déçu, malgré sa résistance, par la nouvelle alliance, qu'on la baptise Nupes ou Front populaire, avec LFI qui avait été jugée indigne à cause de sa propension à un antisémitisme assumé, jamais questionné.
Je crains fort que croyant faire sortir la personnalité écrasante de Jean-Luc Mélenchon du jeu, on ne lui permette tôt ou tard d'y revenir parce qu'il y a peu de talents tempétueux comme le sien et que François Ruffin est l'un de ces audacieux intermittents qui ont le verbe haut seulement à l'extérieur de leur parti.
Ainsi, à gauche et à l'extrême gauche, sauver les sièges ou en gagner d'autres est dominant par rapport au fait d'avoir de l'allure, de se tenir bien, de faire prévaloir ses principes sur ses intérêts.
Je n'oublie pas le séisme qui, selon certains, s'est produit à la suite de la déclaration nullement concertée d'Eric Ciotti, le président de LR, le 11 juin sur TF1. Celui-ci, prenant acte d'une tripolarisation de l'Assemblée nationale a, pour tenter de sauver et d'augmenter le nombre de députés de la droite républicaine, entre le macronisme et la gauche, proposé une alliance avec le RN en estimant que rien de fondamental ne les séparait.
Il a été très largement désavoué tant au Sénat que par les députés LR et ses conseillers proches. Sur un mode, de la part de certains, grossier, avec une virulence qui sans doute cherchait à masquer des tentations latentes.
On peut reprocher à Eric Ciotti son intervention à la fois solitaire et en contradiction avec ce qu'il avait toujours affirmé mais il n'empêche que son pavé dans la mare politique a révélé la nécessité d'un débat sur lequel il serait urgent de faire se prononcer les militants LR, comme l'a demandé très justement Xavier Bertrand.
Cela fait des années que l'on tourne autour de cette question dont la solution aurait pu se trouver du côté de François Mitterrand qui n'a pas eu tant de scrupules quand il s'est agi d'organiser l'union de la gauche avec le parti communiste.
À cette interrogation, la droite a donné des réponses soit pragmatiques (personne n'en veut et surtout pas Marine Le Pen) soit éthiques (le rapprochement serait indigne, assimilable à Munich comme l'a affirmé avec tant de nuance Gérald Darmanin !).
Sur le plan des programmes, une similitude presque absolue existe pour la sphère régalienne, contre le macronisme mou, dans les domaines de la sécurité, de la justice, de l'immigration et des frontières. En revanche, pour tout le reste qui peut apparaître essentiel même si le RN a gagné surtout sur le plan annoncé de l'autorité et de la rigueur, les différences sont en effet considérables.
Eric Ciotti peut être vigoureusement contredit mais les nombreux transfuges qui l'ont invectivé sont plus comiques que convaincants. Ces ministres de droite ayant rejoint le macronisme se rendent-ils compte que c'est leur camp qui sous l'égide d'un président fluctuant, a directement suscité le triomphe du 9 juin pour le RN ?
Ces chefs à plumes LR sont-ils si persuadés d'avoir donné de la droite une superbe image ces dernières années, pour se permettre ces leçons de morale à Eric Ciotti dont par ailleurs je n'ai jamais surestimé la réussite à la présidence ?
J'ai opposé l'effervescence politique au climat démocratique lamentable depuis les résultats incontestables du 9 juin. Il était déjà largement dégradé lors de la campagne des européennes et depuis, en fait, la majorité relative à l'Assemblée nationale. La représentation nationale, une honte quasiment quotidienne.
Tous les soirs, des manifestations où l'ultragauche est dominante créent du désordre, de la violence, s'en prennent aux forces de l'ordre pour subvertir encore davantage une atmosphère déjà lourde. Elles prétendent combattre le RN alors qu'en réalité elles ne supportent pas la démocratie qui, scandale absolu pour leur idéologie et leur prurit révolutionnaire, a pratiquement donné la majorité à Jordan Bardella partout en France, ce qui ne s'est jamais vu.
J'éprouve une véritable angoisse à l'idée du 8 juillet quand les élections législatives auront livré leur verdict. En criant de manière délirante au fascisme, on attise les haines. En refusant les enseignements éclatants de la démocratie, on mettra la France à feu et à sang. En confondant la vie politique intense et les disputes républicaines avec la vulgarité du langage, le mépris de ceux qui pensent autrement et la passion de la violence, on abîme notre France.
Le président de la République ne démissionnera pas, il restera jusqu'au bout.
Je songe à Raphaël Glucksmann qui réclamait "une éthique démocratique". Vaste et belle entreprise !
Avant, que tous les honnêtes gens, tous les citoyens de bonne volonté se réunissent pour favoriser, face à la légitime et contradictoire dispute politique, la paix de la démocratie.
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