Compulsivement attaché à écouter la plupart des émissions politiques, j'apprécie tout particulièrement les invités qualifiés absurdement d'extrême droite, Marion Maréchal, Sarah Knafo ou Éric Zemmour. Parce que, contrairement à tant d'autres, ils ne parlent jamais pour ne rien dire. Ils ne sont jamais ennuyeux parce qu'ils ne sont jamais insincères ni lourdement prévisibles !
Éric Zemmour (EZ) était convié à s'exprimer le dimanche 10 novembre au Grand Jury animé par Olivier Bost.
Je ne l'ai trouvé ni tout à fait le même ni tout à fait un autre.
D'abord le talent et l'intelligence, toujours telles des évidences. Ils ont eu d'autant moins de mal à s'exprimer que le climat général de l'émission était serein et courtois et que des réponses étaient possibles. Les questions le permettaient. En effet, si on est de bonne foi, on peut tout dire d'EZ sauf que la bêtise, l'hypocrisie et la pauvreté du langage seraient son fort !
Ensuite, sur plusieurs des thèmes qui étaient abordés, on remarquait une constance dans l'affirmation de ses convictions, une focalisation entêtée sur ses idées fixes - par exemple, sur la culpabilité et la domination exclusives de l'Allemagne en Europe ou, pour les problèmes de sécurité, de narcotrafic et d'ensauvagement, sur la seule responsabilité de la magistrature pour expliquer l'accroissement de la délinquance et de la criminalité - qui pourraient lasser mais les défis qui nous menacent sont trop graves pour susciter cela.
EZ campe imperturbablement sur quelques positions dont l'une en particulier quand j'avais eu le bonheur de débattre avec lui sur CNews : la justice, pour lui, s'est arrêtée à la harangue d'Oswald Baudot en 1968 et, depuis, n'aurait pas bougé, ce qui est absurde.
On remarquait toutefois une nouveauté dans le ton d'EZ, qui avait de l'incidence sur le fond moins brutalement asséné qu'à l'ordinaire, moins péremptoire et donc sommaire. Le caractère moins abrupt de ses opinions, moins provocateur, parfois glissait vers une ironie résignée, presque un soulagement, comme si, fatigué, il répugnait dorénavant à se battre sur tout et n'importe quoi.
Ces dispositions me sont surtout apparues quand il était questionné sur Marine Le Pen et sur Jordan Bardella. Certes il ne les a pas épargnés, notamment le second auquel il déniait toute indépendance et liberté d'esprit par rapport à la présidente du RN, mais quand on songe à ses attaques virulentes d'avant, ses critiques étaient à fleurets mouchetés. Peut-être comme s'il avait pris acte de sa défaite politique, au regard des critères traditionnels, par rapport au Rassemblement national ? Ou comme - psychanalyse de bazar ? - s'il avait chargé sa compagne Sarah Knafo du lest vigoureux, polémique, extrême, épuisant, brillant, qu'il n'avait plus vraiment envie d'assumer ?
Ce EZ partiellement nouveau n'était pas loin, par son argumentation plus apaisée, de persuader mieux qu'hier de la validité de quelques-unes de ses analyses. J'irai jusqu'à soutenir que le formidable débatteur et analyste médiatiques était revenu et qu'il avait repris sa place. Je continue à penser que l'homme politique a apporté beaucoup mais qu'il s'est aussi un peu trompé de voix, de voie. Il ne m'a pas semblé d'une parfaite bonne foi quand, pour contredire Jordan Bardella, il a déclaré qu'il n'avait pas changé du tout et que le partisan était la continuation du débatteur. J'ai perçu comme une restauration de ce dernier, indépassable, irremplaçable, et le constat doucement amer d'un quasi-échec de l'option politique.
Ce ne sont pas les insanités et les calomnies qu'on profère trop souvent sur son compte qui vont me détourner de la défense humaine et de la distance critique face à cet ami. Si je me suis trompé dans mes analyses, puis-je dire, en conclusion, que j'aurais beaucoup aimé avoir raison.
Car ce EZ ni tout à fait le même ni tout à fait un autre me plaît bien.
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