On demande à Woody Allen (WA) ce qu'il dirait à Dieu s'il le rencontrait : "Tu es viré ! Je suis très en colère contre lui en ce moment." (JDD)
Avec cette boutade, WA invente le licenciement divin.
Certes on peut se contenter de rire de cette saillie mais comme tous les grands humoristes, WA sait faire réfléchir au-delà du trait d'esprit. D'autant plus qu'en l'occurrence il s'adresse à Dieu et, mine de rien, en le "virant", il pose le problème du Mal qui trouble beaucoup de croyants et parfois des agnostiques dissuadés de s'engager plus avant précisément à cause de cela.
À vrai dire, cet immense doute dans la foi chrétienne, cette plaie vive rendant incertaine, voire impossible toute adhésion à une divinité présumée bienveillante à notre égard, m'ont toujours interpellé. Il y a là un mystère central dans l'univers de la transcendance. Comment expliquer, de la part d'un Dieu tout-puissant, toutes les malfaisances frappant l'innocence, les désastres naturels surgis d'un monde créé par lui, l'infinité des catastrophes et des malheurs s'abattant, sans la moindre discrimination, sur une humanité certes imparfaite, pas irréprochable mais ne méritant pas d'aussi horribles traitements puisque le plus souvent on ne pouvait pas lui reprocher d'y avoir mis la main ?
Car le seul argument qu'on a toujours opposé à nos protestations d'injustice, à nos indignations d'humains saisis par une absolue incompréhension, était que Dieu nous avait voulu libres et que donc nous étions responsables du pire qui chaque jour, sous toutes les formes concevables, venait se rappeler à nous. J'ai conscience de mon raisonnement sommaire et sans doute métaphysiquement trop pauvre mais je ne parviens pas à accepter qu'on me crédite d'une liberté qui me rendrait coupable de tout quand au contraire je n'y suis pour rien. Et que je n'aurais pas pu avoir la moindre prise sur une réalité dévastatrice faisant disparaître, dans un même engloutissement, les êtres et les choses.
Pourquoi le Mal, alors, de la part de Dieu qui ne m'a laissé aucune chance de pouvoir l'éradiquer par mes propres moyens, qui n'a pas fourni à tous mes frères en humanité, partout dans le monde, les outils pour le combattre, lui résister et le mettre à mal ?
Mon angoisse n'est pas iconoclaste qui se heurte sans cesse à l'alternative de ce pouvoir omnipotent mais indifférent ou de cette transcendance emplie de compassion mais impuissante.
Ou faut-il considérer que nous ayons une injonction de nous débrouiller comme on peut dans ce chaos, cette violence, ce désordre, avec les bonnes volontés et les cruautés, les jours et les nuits de notre condition contrastée, sans chercher le moindre sens, persuadés que c'est à nous de jouer jusqu'à la fin et qu'il ne faut compter sur personne, ni en haut ni en bas ?
D'une certaine manière, en demeurant sur cette ligne, je suis plus indulgent à l'égard de la politisation constante du pape François. Plutôt que de "virer" Dieu, il s'est retroussé les manches pour s'occuper de ce dont il n'a pas voulu se charger. Il bat en brèche ainsi une béatitude qui ne serait plus de mise avec le Mal qui court, comme aurait dit Jacques Audiberti.
WA, lui, ne s'embarrasse pas de ces précautions : il vire Dieu.
Un licenciement divin ! Sans appel possible.
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