Il me prend assez souvent l'envie d'analyser, de disséquer des inepties politiques et médiatiques. Selon moi, évidemment, et mes convictions. Et ma conception du langage.
Parce que cette habitude me permet de me replonger, toutes proportions gardées, dans l'exercice du commentaire de texte, que je prisais particulièrement durant mes études de lettres supérieures.
C'est le député LFI Hadrien Clouet qui s'est fait remarquer par ce tweet inepte : "Le ministre de l'Intérieur et ses journalistes de préfecture sont de petites frappes fascistes".
Bruno Retailleau qui ne laisse plus rien passer dès lors qu'une qualification pénale est possible, a évidemment signalé ce tweet à la justice.
Pour qui le lit et est de bonne foi, pourvu en même temps d'une culture historique élémentaire, le premier sentiment qu'il inspire est d'indignation même s'il faut économiser cette dernière en ces temps où on n'a que trop d'opportunités pour l'éprouver.
Mais il faut aller au-delà et se demander comment une telle absurdité a pu germer dans la tête d'un député dont les citoyens qui l'ont honoré par son élection attendaient sans doute autre chose que cette saillie infecte.
Je devine le genre d'argumentation qui pourrait être développé par ses soutiens et par lui-même.
On est dans un combat politique et celui-ci justifie tout... Bien sûr que non. L'esprit partisan devient une honte quand il va jusqu'à de telles extrémités. On a le droit de ne pas aimer l'action de Bruno Retailleau mais le devoir d'exprimer autrement son opposition.
On est sur un réseau social où insultes et grossièretés remplacent réflexion et courtoisie. Ce n'est pas une raison pour participer à ce délitement et, comme député, ne pas donner l'exemple.
Le groupe LFI s'est fait une spécialité de ces violences par tous moyens. Ce qui compte est de faire parler de soi. Mais je ne crois pas qu'on puisse excuser les insanités de quelques-uns parce que tous les profèrent - ou seraient capables de le faire. Ce n'est pas exact et pour ma part je refuserai toujours de mêler tous les députés LFI dans le même opprobre. Hadrien Clouet, tweetant ainsi, imite les pires de ses collègues. Mais il en est d'autres dont le comportement plus retenu, au moins dans la forme, aurait dû l'inspirer.
Ces justifications périphériques écartées, cherchons en et chez Hadrien Clouet lui-même les motifs allégués de ce tweet bête et odieux.
Questionné par Jean-Jacques Bourdin sur Sud Radio, il a affirmé que Bruno Retailleau, en ayant dénoncé "les Français de papier", nous avait renvoyé aux années 30 en même temps que son mépris de l'état de droit, selon lui, était scandaleux. Lamentables arguties qui n'atténuent en rien la portée de son tweet infâme!
Je ne peux pas croire que, dans son for intérieur, il n'ait pas perçu la sottise de "ses journalistes" et le délire à la fois historique et gravement offensant de "petites frappes fascistes". S'il n'en était pas conscient, ce serait inquiétant.
À partir de quel élément ce député a-t-il osé qualifier de "petites frappes" Bruno Retailleau et ces journalistes ? "Petites frappes" signifiant "délinquant ordinaire, occasionnel (...) jeune voyou, pas trop dangereux", il n'y a rigoureusement aucun lien entre cette disqualification et les personnes ciblées. Convient-il d'admettre que ce député se laisse dériver et que sa jouissance serait d'insulter de la manière la plus aberrante qui soit ? On peut le craindre quand pour faire bonne mesure, il ajoute "fascistes" à petites frappes !
Avec cet adjectif tout est dit, il se substitue paresseusement à une contradiction républicaine : le ministre et les journalistes sont à la fois des délinquants et des partisans du fascisme. L'injure suprême est lancée et Hadrien Clouet n'a plus qu'à constater le résultat de sa totale inculture historique : il a fait le "buzz" et, plus gravement, employé un terme qui à force d'être galvaudé, atténue l'horreur du passé et n'éclaire pas le présent.
Je répugne à m'abandonner à une explication ultime qui s'accorderait avec mon pessimisme sur la nature humaine : Hadrien Clouet ne serait-il pas, en l'occurrence, tout simplement "mauvais", par cette dilection qui nous pousse parfois à franchir voluptueusement les limites de son propre humanisme ?
Ce tweet, en tout cas, est une honte à plus d'un titre. Si j'ai pris la peine de lui consacrer un billet, c'est pour prévenir cette attitude qui consiste à se flatter des insanités qu'on prononce et, dans leur dénonciation, à les noyer dans une sorte de vague réprobation au lieu de s'attacher aux détails de leur ignominie.
J'espère que la Justice fera de ce tweet à la fois bête et abject une analyse pertinente.
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